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Lutter contre « l'égo trip humanitaire »
Le cliché ou le complexe du « sauveur blanc », c’est cette idée selon laquelle des européens ou des américains, « des blancs » viennent en Afrique ou ailleurs dans les pays ou les populations souffrent faire du travail humanitaire pendant leurs vacances, et aiment à se représenter en train de le faire.
Dans la même veine, dans le champs politique, on se souvient de l’opération « du riz pour la Somalie » lancée par le ministre de la santé et de l’action humanitaire, Bernard Kouchner pour venir en aide aux populations menacées de famine.
La scène se passe, en décembre 1992, où il participe devant les caméras à la distribution des sacs de riz aux populations. Conscient du poids des images, et qu’elles sont parfois aléatoires, notre homme décide de transporter trois fois de suite sur ses épaules le même sac, sans le vider, ni le déposer définitivement dans le camion de transport, transformant ainsi un évènement charitable en un évènement médiatique.
Cela s’exprime encore aujourd’hui et principalement sur les réseaux sociaux, ou les « volontouristes », publient des photos d’eux au milieu d’enfants rachitiques, dans des écoles et des hôpitaux qu’ils visitent.
Ils sont engagés dans une véritable course à la mention j’aime sur Facebook, sans faire aucun effort pour comprendre le contexte culturel. La souffrance obtient plus de likes. Le tourisme de la souffrance et de la pauvreté fait recette.
Alors je ne doute pas que c’est souvent fait avec les meilleures intentions du monde, y compris pour la récente cavalerie ministérielle avec son cortège politique. Mais nous devons casser ces stéréotypes d’une Martinique toujours en quémande et vissée définitivement au berceau de l’assistanat. On y est allé du plus indigne au plus macabre dans cet indécent et sensationnel voyeurisme sans jamais préciser que la situation dure depuis une dizaine d’année. Il fallait des images.
Les conditions sont réunies pour que cela perdure
Les destructions massives annoncées (le big one, pour ceux qui y croient) ne peuvent plus se prévoir, s’affronter et se vivre dans l’attente des secours qui viennent du ciel, des porteurs de bonne nouvelle, des cavaleries de ministères lointains.
Il faut ajouter à ces catastrophes universellement partagées, un syndrome d’assistanat et de dépendance qui non seulement invalide notre dignité, non seulement porte atteinte à l’estime que nous pourrions avoir de nous-mêmes, mais qui surtout anesthésie nos capacités créatrices ou innovantes.
Entre les horizons des déchaînements des risques majeurs, et les abîmes de la régression sociale, notre pays a besoin d’une posture qui associe, dans l’action et la pleine autonomie, la pratique de l’anticipation et le souci d’une solidarité renouvelée. Malheureusement notre douloureuse actualité nous montre que tout cela n’a été et n’est à ce jour qu’insuffisamment prise en compte.
Il nous faut nous y préparer maintenant dans une énergie retrouvée, dans l’oxygène d’une responsabilité collective qui nourrit toutes les autres, et qui diffuse une dignité transversale.
Poursuivre l’indispensable sursaut de notre pays dans cette même orientation qui viendrait d’en-haut serait l’installer une fois encore dans les mécanismes de la passivité, lesquels n’ont jamais permis d’atteindre la moindre renaissance et d’accéder à un quelconque épanouissement collectif.
Le vieil esprit colonial a encore tendance à installer les enjeux majeurs dans des canevas d’irresponsabilité collective, de centralisation aveugle, d’absence de concertation large. Il a tendance à invalider des situations culturelles, linguistiques historiques, identitaires, à ignorer les différences.
Ce vieil esprit colonial se complaît dans des irresponsabilisassions bienveillantes qui font le lit de la catastrophe que nous vivons en ce moment.
Français. Français à part entière, Français comme tous les autres, solidarité nationale… sont des rappels ministériels incessants qui tentent de conjurer une différenciation d’espace, d’histoire, de culture, de rapport aux urgences et aux risques qui sont singuliers.
Il faut donc considérer cette situation exceptionnelle comme étant une piqûre de rappel dans la lutte pour en finir avec « la présence coloniale française », son mépris, ses humiliations.
C’est cela notre vaccin, sommes-nous prêts à le prendre ?
Jeff Lafontaine