À en croire le récit fait à la presse par le procureur, jeudi 2 février au soir à Aulnay-sous-Bois, un équipage de cette police de choc que sont les Brigades Spécialisées de Terrain a entendu le cri caractéristique qu’émettent les guetteurs lors de l’arrivée de policiers à proximité d’un point de deal. L’équipage a alors décidé de contrôler l’identité des personnes présentes
Le contrôle d’identité ne sert à rien, c’est de la mauvaise police et c’est dangereux.
Au mieux, quelques-uns seront pris avec de petites quantités de cannabis et d’argent sur eux : pas de quoi obtenir une condamnation, et surtout, pas de quoi faire tomber le réseau qui tient ce point de deal. Mais le commissaire de la circonscription de police d’Aulnay et de Sevran « est très ordre public », disent les magistrats, signifiant qu’il privilégie la domination de la police sur l’espace public à la police judiciaire. À l’inverse, certains commissaires mènent une vraie lutte contre les trafics, ce qui repose sur deux choses : des enquêtes sérieuses, exploitant justement l’ensemble des moyens de la police judiciaire (écoutes, filatures, infiltrations, surveillances des mouvements financiers, renseignement humain…) et une implication dans les projets locaux de Rénovation urbaine de façon à supprimer ce qui dans l’urbanisme local est propice à l’installation de points de deal, en partenariat avec les acteurs spécialisés comme l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine et surtout la municipalité via le Comité Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance[i].
La bonne police exige de la patience et le soutien de la population et de ses représentants. Au contraire, abuser du contrôle d’identité c’est dangereux pour les agents, mis en situation d’être pris dans un attroupement hostile, d’être parfois blessés ou de commettre, dans la panique, un geste dramatique. Ce n’était certainement pas ce à quoi rêvaient ces agents lorsqu’ils ont postulé. C’est dangereux et humiliant pour les (jeunes) citoyens concernés, susceptibles d’être victimes de violences démesurées commises par ces agents placés en position d’affrontement avec une partie de la population. Théo l’a mesuré dans sa chair, et il est bien difficile de prédire les séquelles physiques et psychologiques qu’il gardera.
Le contrôle d’identité crée le trouble à l’ordre public et sert à faire régner la composante raciale de l’ordre social.
Le contrôle d’identité est en outre parfaitement inutile en termes d’élucidation des crimes et délits. C’est ainsi le symbole de cette mauvaise police, spécifiquement adressée aux (jeunes) hommes arabes et noirs, en particulier dans les quartiers populaires. Y compris lorsqu’ils sont en sortie scolaire et encadrés par des enseignants bien impuissants. Le contrôle n’est dans la grande majorité des cas pas une réponse à une situation avérée de délinquance, mais l’acte administratif, autoritaire et arbitraire, qui crée la violence et suscite la fuite autant que possible, la révolte sinon. Adama Traoré fuyait un contrôle sans avoir quoi que ce soit à se reprocher. Il y a déjà plus de 10 ans à Clichy-sous-Bois, Zied Benna et Bouna Traoré (et leurs amis heureusement encore en vie) ont fui un contrôle de police, alors qu’ils rentraient seulement d’un match de foot.
Le contrôle d’identité est donc en lui-même une source majeure de problèmes, et d’ailleurs, en comparution immédiate, la rébellion — alléguée par les agents — durant le contrôle servira a posteriori souvent de justification au contrôle, qui a déclenché la rébellion…
Il y a une évidence tellement connue qu’il est généralement jugé inutile de même l’évoquer : le contrôle d’identité s’adresse en particulier aux « jeunes de banlieue » (et secondairement à ceux qui leur ressemblent). Les jeunes hommes noirs et arabes ont ainsi 20 fois plus de risques d’être contrôlés d’après le Défenseur Des Droits[ii], et hormis le cas très particulier de Rémi Fraisse, depuis 30 ans toutes les personnes décédées étaient des Arabes ou des Noirs, français ou non et le plus souvent jeunes, d’après les listes publiées par les associations qui militent contre les violences policières[iii]. Ces personne ont été parfois été directement tuées par des policiers ou des gendarmes, comme Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise au printemps dernier, ou le plus souvent sont indirectement décédées à l’occasion d’une opération de police, typiquement dans le contexte d’une course poursuite, pédestre ou motorisée. Lorsqu’on est Arabe ou Noir, n’avoir rien à se reprocher ne suffit pas à ne pas s’inquiéter. Le contrôle d’identité révèle ainsi l’importance des assignations raciales dans la nation française, et l’ampleur de l’impensé post-colonial, en particulier dans les politiques de l’État. C’est aussi la composante raciale de l’ordre social que fait aussi régner cette mauvaise police.
La violence est une politique, et non une succession de « bavures ».
Cela n’a rien à voir avec les opinions, racistes ou non, des policiers ni avec l’appartenance d’une partie d’entre-eux aux minorités racisées. Ce sont les missions et les modes d’action, conçues par la hiérarchie et le gouvernement, qui font que l’institution Police est raciste. Certes, il y a des policiers et gendarmes qui sont d’authentiques racistes[iv]. On peut d’ailleurs en effet établir la géographie des casernes de gendarmes et de CRS (et des bases militaires) en isolant les bureaux de vote où le Front National réalise un score significativement supérieur à celui des bureaux voisins[v]. Soit, et après ? Le FN est un parti politique légal et les agents des citoyens libres de leur vote. Dans la si vertueuse République française — ou dans une démocratie en général —, peut-on imaginer que les convictions politiques personnelles des policiers et gendarmes déterminent l’action de l’État en matière de sécurité publique ? Évidemment non. Et inversement, un commissaire antiraciste — il y en a plus qu’on ne le croit — est-il en mesure de changer radicalement la façon d’intervenir de ses agents ? Non plus, même s’il peut calmer le jeu. Le sujet n’est pas plus celui des qualités personnelles des policiers que celui de celles des victimes. L’enjeu n’est pas de jeter l’opprobre sur des policiers individuellement, et ce n’est pas parce que Théo n’était pas un délinquant notoire qu’il ne méritait pas d’être violé par les policiers.
Alors qu’un jeune homme a été violé avec une matraque télescopique dont le déclenchement a d’abord transpercé son caleçon, désigner les responsables de la situation est impératif. Dans cette affaire comme dans bien d’autres, la réponse de la hiérarchie et des politiques oscille entre la défense des agents et « charger » individuellement les policiers concernés : des brebis galeuses, qui seraient indignes de leur uniforme. Les syndicats de policiers ne sont pas plus dupes de la manœuvre que les familles de victimes ou les militants. Pour les premiers, le gouvernement demande aux agents de gérer au quotidien des situations difficiles sans le moindre encadrement et de « tenir » des quartiers, puis sont sacrifiés lorsque par malchance, une intervention dérape sous l’oeil de caméras. Pour les seconds, le drame vécu par Théo est une manifestation particulièrement sordide de la violence quotidienne des policiers et gendarmes. La responsabilité incombe donc aux politiques, qui fixent les missions et modalités de l’action policière, et aux magistrats, à qui l’on doit le sentiment partagé de l’impunité policière.
Quel est le niveau de violence que la nation demande à la police d’adopter ?
Si ses collègues devraient s’en sortir tranquillement, le policier violeur va sans doute être jugé aux Assises. Il niera toute intention de viol, mais sera probablement condamné, le crime de viol n’étant pas conditionné à une intentionnalité[vi]. Nul ne pourrait d’ailleurs savoir si l’intention intime du policier était de causer un gros hématome à la fesse de Théo, ou de lui infliger un sévice sexuel. Mais chacun doit mesurer que même si c’était la première hypothèse, ce n’était pas légitime. Principalement, car le rôle de la police n’est pas à infliger des châtiments corporels qui n’existent plus dans notre système pénal, et au surplus, car ce genre de pratique n’est jamais sous contrôle et dégénère immanquablement.
L’usage de la violence dans l’action de la police doit être « strictement proportionnée », dit la loi. Ça permet toutes les interprétations, et sur le terrain les agents adoptent souvent la plus large. À l’heure des réseaux sociaux, les vidéos d’interpellations violentes se multiplient, comme les images de coups de matraque ou de gazeuse envers des journalistes ou des citoyens filmant une interpellation (ce qui est légal), sans parler des insultes. C’est donc une question très simple qui devrait être débattue entre les citoyens et avec leurs élus : qu’est ce qui rend légitime le déclenchement de la violence physique, et jusqu’à quel point peut-elle aller ?
Au lycée super à Saint-Denis, des poubelles ont été incendiées et des vitres brisées en réaction à « l’affaire Théo ». La réponse policière a été rude, avec Lanceurs de Balles de Défense, Tasers et coups de matraques… et 51 gardes-à-vue prolongées au-delà de 24 heures par la procureure de Bobigny Fabienne Klein-Donati, alors qu’il s’agissait de mineurs et contre l’avis des élus et semble-t-il, du commissaire de police[vii]. Veut-on en France d’une police qui réprime dans leurs corps des adolescents, en banlieue ou au cœur de Paris où d’autres lycées ont été bloqués ? En mai 1968, le préfet de police Grimaud s’était assuré de contrôler la violence des policiers durant des affrontements autrement plus graves et alors que les policiers étaient moins armés et protégés, envoyant pour cela une lettre à chacun de ses agents[viii]. Il y insistait sur le respect dû aux personnes interpellées, respect que ne semblent pas avoir eu les agents de Saint-Denis, d’après les nombreux témoignages des jeunes qui évoquent des coups, des humiliations et des insultes, parfois racistes.
L’idée que la police devraient être obéie et avoir physiquement le dessus en toute circonstance est dangereuse.
Si l’on veut que demain, les habitants de tous les territoires et quelque soit leurs origines n’aient plus de raison de se méfier de la police, et que de leur côté, les policiers et gendarmes puissent à nouveau faire sereinement leur travail, nous avons besoin d’une petite révolution culturelle. Il est urgent que l’action des forces de l’ordre soit libérée de l’injonction à avoir physiquement le dessus à tout prix et par tout moyen, y compris violent. C’est-à-dire qu’il faut en finir avec le rapport de domination qui s’instaure dès qu’une personne conteste une action de police, dont elle est destinataire ou simple témoin.
La politique de sécurité actuelle voudrait que la police soit obéie. Mais en démocratie, la police n’a pas à être obéie parce qu’elle est la police, encore moins parce qu’elle ferait peur ou s’imposerait physiquement. Les forces de l’ordre doivent se concevoir comme au service des citoyens (et non de l’État, par exemple), et conquérir leur autorité par leur probité et leur efficacité. Les fameux bobbies anglais ne portent pas d’arme, et les policiers allemands spécialisés dans le maintien de l’ordre n’ont ni protections ni armes et doivent désamorcer la violence par la discussion…
Mais renonçant à toute pédagogie politique de l’ordre démocratique (à de très rares exceptions), les responsables politiques cherchent à séduire une opinion qu’il jugent en demande d’ordre viril… comme si leurs propres discours et leur action ne contribuait pas à former l’opinion. Rien ne serait pire pour eux, croient-ils, que sembler faire preuve de « laxisme » ou « d’angélisme ». Les voilà donc cédant aux syndicats de policiers qui demandent l’alignement de leurs règles d’ouverture du feu sur celles des gendarmes. Ils savent bien pourtant que la jurisprudence constante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme continuera à imposer aux un comme aux autres l’interprétation la plus stricte de la légitime défense[ix]. Faiblesse politique doublement coupable : elle laisse entendre à l’opinion que faciliter l’ouverture du feu améliorera l’action policière alors que les cas d’agents inquiétés judiciairement après avoir ouvert le feu sont rarissimes ; elle fait croire aux agents que les règles ont changé alors que la CEDH l’interdit… au risque d’en condamner plus si les situations de tir augmentent ! Mais depuis 2002, une vision autoritaire de la police s’est imposée parmi nos gouvernants, avec si peu de nuances qu’il est difficile de les distinguer les derniers quinquennats. Ce sont les agents de terrain et la catégorie de citoyens désignée comme à mater qui en payent le prix au quotidien.
Il est temps de rendre la Justice pénale indépendante de la Police !
Contrairement à ce que prétend François Hollande, on ne peut pas faire confiance dans la justice. À Beaumont comme à Aulnay, sans la pression médiatique entretenue par des militants et surtout par les familles, les parquets minimisent systématiquement les affaires impliquant des policiers ou des gendarmes. Le verdict rendu le 20 février dans une affaire très similaire à celle de Théo en témoigne. Le tribunal correctionnel a renvoyé vers les Assises un policier municipal qui a causé avec sa matraque une blessure annale à un jeune homme de Drancy[x]. Est-ce parce que la blessure ne faisait que 1,5 cm que le procureur adjoint n’avait requit que 6 mois de prison avec sursis, ou bien était-ce parce que le cas de Théo n’avait pas encore été fortement médiatisé ? Le parquet s’oppose encore à la saisine d’un juge d’instruction.
Dans leur immense majorité, les magistrats vivent dans ce qu’il faut bien qualifier de monde parallèle, dans lequel policiers et gendarmes ne mentent pas puisqu’ils sont assermentés. La logique même de la pensée juridique serait enrayée si les procès verbaux ne pouvaient plus être tenus pour vérités. Alors dans la fiction judiciaire, les agents n’ont jamais de gestes de violence puisque les procès-verbaux n’en font pas état. Ignoreraient-ils, par la magie de leur serment, les pulsions desquelles ont a se méfier tous ceux qui ont le malheur d’exercer un pouvoir excessif sur autrui ? Le recrutement de l’École Nationale de la Magistrature est aussi en cause, car pour réussir le prestigieux concours, une prépa privée coûteuse est indispensable. Peut-on accepter que le pouvoir de priver de liberté soit monopolisé par une caste privilégiée qui n’a aucune expérience de la vie des classes populaires ? Que pourraient, de toute façon, les pauvres juges d’une misérable Justice méthodiquement mise en situation de ne pas pouvoir rendre convenablement justice, tant les affaires doivent être expédiées ?
Enfin, les modalités concrètes de la procédure inquisitoire en matière pénale pèsent lourd. Le procureur ou le juge d’instruction qui requerrait fermement contre les policiers ou gendarmes serait assuré de voir ses procédures au mieux ralenties et au pire viciées par les enquêteurs. Voilà comment s’est installé le sentiment d’une impunité des policiers et gendarmes, dont il faut demander des comptes aux magistrats. Aucune surprise à les voir, le 9 février, condamner à 6 mois de prison ferme deux jeunes d’Aulnay pour délit d’embuscade — c’est à dire pour avoir projeté des violences contre les policiers sans les avoir commises ! —, ce qu’ils niaient. Alors que le policier accusé de viol est libre, et que 6 mois avec sursis ont été requis contre le policier municipal de Drancy…
Institutions et responsables politiques sont en retard sur la société.
Les Français sont de plus ne plus nombreux à avoir pris conscience du problème. Bien entendu, ils demandent à être protégés et au lendemain de très graves attentats, se sont montré reconnaissants envers les forces de l’ordre. Néanmoins, la moitié d’entre eux jugent la police inefficace[xi]. Cette statistique ridiculise la Police Nationale et la Gendarmerie vis à vis de leurs homologues allemands ou britanniques. En cause, le faible taux d’élucidation des petits délits dont les citoyens sont victimes au quotidien. L’opinion portée sur la justice est équivalente[xii] : la majorité des citoyens juge qu’elle sanctionne durement les faibles et protège les puissants qui ont les moyens d’affronter de longues procédures judiciaires et d’embaucher une armée d’avocats[xiii]. En ce qui concerne le risque d’incarcération, la recherche ça montré que la personnalité de l’inculpé compte plus que ce qu’il a fait[xiv] ; pour un même chef d’accusation, la détention préventive menace en particulier les segments peu éduqués et précaires de la population[xv], souvent des Arabes et des Noirs des cités populaires. Or, il est prouvé que la détention préventive accroit significativement le risque d’une condamnation à une peine de détention ferme au moins équivalente au temps passé sous écrou[xvi]. Et comme pour les contrôles policiers, la race, au sens des assignations sociales, est un facteur surdéterminant de l’emprisonnement[xvii].
Ces constats sont anciens parmi les Français qui sont les cibles privilégiés de la police et de la justice, Arabes et Noirs des quartiers populaires. La Marche pour l’Égalité en 1983 est née de la révolte contre les violences et crimes racistes de la police, et de nombreuses associations ont milité sur ce sujet. Mais depuis peu, quelque chose a changé : les familles, et singulièrement des sœurs, sont déterminées à se battre, sur le double terrain médiatique et judiciaire, et font preuve d’une efficacité inédite. Avec le soutien de sa famille et de militants, Amal Bentounsi, la sœur d’Amine, tué d’une balle dans le dos en 2012, a obtenu en mars, au terme de cinq ans de lutte, que Damien Saboundjian, le policier qui a abattu son frère soit condamné : la circonstance qu’il était un fugitif (depuis deux ans et faiblement recherché) ne le faisait en effet pas « mériter » d’être tué. Portes-parole de leurs familles, Assa Traoré, la sœur d’Adama, et Aurélie, une sœur de Théo, ont récemment rejoint le combat de Ramata Dieng, la sœur de Lamine, ou d’Awa Guèye, la soeur de Babacar. Ce qui a changé, c’est qu’une nouvelle génération est là. Elle possède un bagage éducatif suffisant pour ne plus se laisser faire, a parfaitement les violences policières et les inégalités judiciaires, et est experte dans l’utilisation des réseaux sociaux. L’époque où policiers et gendarmes devaient « tenir » ou « mater » les immigrés et les banlieues est donc nécessairement bientôt terminé. Les responsables politiques ont tout intérêt à le mesurer au plus vite.
Cesser de se payer de mots quant aux « valeurs de la République » : une réorganisation profonde de la Police et de la Justice s’impose.
Son élaboration exige une réflexion associant largement les citoyens intéressés et les professionnels, et on ne peut donner ici que quelques pistes. Concernant la justice pénale, ne faut-il pas enfin restreindre réellement la détention préventive aux très rares cas où elle est indispensable, en imposant qu’elle n’ait pas lieu dans une prison mais dans des établissements séparés, car des prévenus présumés innocents n’ont rien à faire en prison ? L’abandon des modes expéditifs de jugement (plaider-coupable et comparution immédiate) n’est-il pas souhaitable, accompagnée de la réduction des délais de jugements en particulier au pénal, peut-être sous risque de dédommagement ou de caducité des poursuites ? Dans une démocratie moderne, peut-on se passer d’un mécanisme légal qui assure aux tribunaux un recrutement et un financement indépendants des gouvernements, comme pour le Défenseur Des Droits ? La Magistrature peut-elle faire l’économie d’une profonde réforme de son recrutement ?
Concernant la police, ne serait-il pas pertinent d’instaurer une distinction organique des polices judiciaires et administratives ? La première ne devrait-elle pas être totalement mise hors du pouvoir du gouvernement, sous la responsabilité d’un parquet national indépendant, ce qui devrait alors être garanti sur le plan financier ? La pluralité organique des forces de polices ne devrait-elle pas être accompagnée de la distinction des corps d’exécution et d’inspection (IGS et IGPN, actuellement composées de policiers ; IGGN composée de gendarmes) avec incompatibilité des carrières ? Alors que le rôle du Défenseur des Droits s’accroît chaque année, un corps d’enquêteurs indépendants et dotés de pouvoirs judiciaires ne devrait-il pas lui être directement confié ? Pourquoi le gouvernement ne garderait-il pas alors la responsabilité des seules forces mobiles de maintien de l’ordre et d’intervention ? Sous le contrôle de légalité du préfet, le reste de la police administrative ne pourrait-elle pas revenir alors à des polices intercommunales, tandis que le parquet national chapeauterait de son côté la police judiciaire sur l’ensemble du territoire, le tout sous le contrôle d’un corps d’inspection relevant du Défenseur Des Droits ?
Mais plus immédiatement, peut-on encore attendre avant de décider l’interdiction des contrôles d’identité hors du cadre judiciaire ? Ceux-ci ne devraient-ils pas n’être possibles qu’à la condition qu’une procédure judiciaire soit ouverte, a priori dans le cadre d’une enquête ou a posteriori par le biais d’une procédure en flagrance ? Ce serait bien plus ambitieux que le récépissé de contrôle que François Hollande n’a pas eu le courage d’imposer à son autoritaire ministre de l’intérieur puis premier ministre.
[i] Robine J., « Le 9-3, symbole du ghetto dans la nation », in Hérodote n° 162, 3e trimestre 2016, Le 9-3, un territoire de la nation, La découverte, Paris 2016.
[ii] Défenseur Des Droits, Enquête sur l’accès aux droits Volume 1 - Relations police / population : le cas des contrôles d’identité, janvier 2017.
[iii] http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/123663553
[iv] « Des nazis dans la police », Le Point 28/11/2014 : http://www.lepoint.fr/societe/des-nazis-dans-la-police-28-11-2014-1885212_23.php
[v] « 2012-2017 : une radicalisation du vote des membres des forces de sécurité. », IFOP Focus n°151, mars 2017 : http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=publication&id=962
[vi] Article 222-23 du code Pénal
[vii] http://www.lesinrocks.com/2017/03/09/actualite/que-sest-il-reellement-passe-au-lycee-suger-de-saint-denis-11921026/
[viii] Reproduite par Le Monde en 2008 : http://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/05/16/la-lettre-de-maurice-grimaud-aux-policiers_1046120_1004868.html
[ix] Voir Olivier Cahn, cité dans : http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/12/21/vers-un-assouplissement-des-regles-de-la-legitime-defense-pour-les-policiers_5052196_1653578.html
[x] www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/01/17/un-policier-municipal-juge-pour-violences-volontaires-avec-arme_5063898_1653578.html
[xi] Enquêtes de victimation de l’ONDRP 2010 à 2016, avec un bond de satisfaction à 60% après les attentats de 2015.
[xii] Cretin, Laurette, « L’opinion des Français sur la justice », Infostat Justice n°125, janvier 2014.
[xiii] CEVIPOF Janvier 2014.
[xiv] Chantraine, Gilles, « La sociologie carcérale : approches et débats théoriques en France » in Déviance et société, 2000 - Vol. 24 - N°3. pp. 297-318;
[xv] Laurent Mucchielli et Emilie Raquet, Chronique de politique criminelle, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, janvier-mars 2014.
[xvi] Bamford, David, et autres. Factors Affecting Remand in Custody, A Study of Bail Practices in Victoria, South Australia and Western Australia, Australian Institute of Criminology, Research and Public Policy Series, no 23, 1999
[xvii] Jackson, Pamela Irving, « Race, Crime and Criminal Justice in France », pp51 à 71 in Kalunta-Crumpton, Anita (dir.), Race, Crime and Criminal Justice: International Perspectives (coll.), Palgrave Macmillan UK, London, 2010.