N’en déplaise à certains, le clivage droite-gauche existe. Mais il n’est pas là où l’on croit, enfin, il n’est plus là où l’on croyait qu’il était. Prenons, par exemple, la «mise en commun des moyens de production», considérée il y a à peine quelque décennies comme un impératif de gauche: aujourd’hui, hormis une frange marginale de l’ultra-gauche, tout le monde s’en fout. Pareil à droite, par exemple, l’idée que l’Algérie aurait pu ou dû rester française n’empêche plus personne de dormir... Je parle, évidemment, de l’écrasante majorité des gens: on peut toujours trouver ça est là un révolutionnaire optimiste convaincu que, le grand soir, c’est pour demain, ou un vulgaire camelot du roi, nostalgique de «la France, civilisatrice des peuples de la terre»...
Le temps, l’Histoire, l’amnésie peut-être, ont depuis favorisé le mode consensuel et permis à des gens qui n’avaient que peu de choses en commun sur le plan des convictions, de se retrouver dans le même camp, à droite ou à gauche.
Ainsi, on retrouve aujourd’hui, au sein d’un grand parti de la majorité présidentielle, d’authentiques gaullistes, foncièrement républicains, côtoyant des personnalités nettement moins démocrates (je ne citerai pas de nom, mais je pense que vous voyez bien desquels je parle).
A gauche, pareil, des partisans déclarés d’un vrai changement de système au nom de la justice et de l’égalité, se retrouvent parfois à militer avec d’authentiques partisans d’un capitalisme pur et dur, mais qui ont gardé leur chapeau rose, pour faire plus joli, sans doute.
Dans une telle confusion, où se trouve le clivage? C’est compliqué à déterminer, d’autant qu’on trouve aujourd’hui d’un bout à l’autre de l’échiquier politique, des partisans et des adversaires de l’euro, des partisans et des adversaires de la nationalisation ou de la prise de contrôle des banques, des partisans et des adversaires de l’intégration de la France dans l’OTAN... Les exemples sont multipliables à l’envi.
Ainsi, on peut accepter l’idée que l’ancien candidat pressenti du Parti socialiste et ancien patron du FMI, dont la carrière a fait un piqué radical (et fatal) pour les raisons que l’on sait, n’était vraiment pas l’incarnation de la Gauche, dans l’esprit de l’immense majorité de ses électeurs potentiels. On peut également constater que les électeurs de la Droite ne sont pas tous loin s’en faut, des inconditionnels du président sortant ou de la patronne du FN.
Le vrai clivage est ailleurs, mais il est éternel, entre les héritiers de la Révolution française, qui se reconnaissent toujours dans la devise éminemment républicaine de «Liberté, Egalité, Fraternité» (Il y en a encore, et pas seulement à gauche...) et les partisans d’un pouvoir oligarchique, pour lesquels la devise gravée au fronton de nos écoles relève de l’incantation symbolique, et que ce qui compte, pour simplifier, c’est de maintenir l’ordre, tant financier que social et économique. A tout prix.
Pour 2012, l’arc républicain va de François Bayrou à Jean-Luc Mélenchon, en passant par François Hollande et Eva Joly. Ils ne sont pas d’accord sur tout, certes, mais ils peuvent s’entendre sur l’instauration d’une pratique politique authentiquement républicaine, non? En tout cas c’est ce qu’une majorité de Français leur demandent. Espérons donc que ce soit l’un de ceux-là qui sera présent au second tour, pour faire face à l’un des deux autres. D’en face.