«Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark», fait proclamer William Shakespeare dans Hamlet depuis plus de quatre siècles... Il s'agit bien du Danemark! Et d'un royaume! Aujourd'hui, je veux parler de la France, une république. Enfin, théoriquement.
Aujourd'hui, notre riant hexagone aura les yeux tournés, nous assurent nos élites, vers New-York, son tribunal et son célèbre inculpé. Indépendamment des faits pour lesquels DSK sera jugé, indépendamment du fait qu'il les ait commis ou pas, on peut être sûr que l'»affaire» sera présentée de telle manière qu'elle tiendra en haleine l'opinion des semaines durant. Et puis, si ce n'est pas assez, il y aura l'affaire suivante, celle d'un secrétaire d'Etat qui a, ou qui aurait, ou qui n'a pas, etc. Puis celle d'un ancien ministre accusant un autre ancien ministre de ceci-cela...
Ces informations, ou ces rumeurs, plus ou moins avérées, ont eu un mérite: mettre en lumière les privautés que peuvent s'autoriser certains personnages de pouvoir, leur manière de tenter d'accommoder le droit à leur avantage, le machisme qui semble avoir encore de beaux jours devant lui dans la patrie des lumières (encore qu'il doive compter parmi ses ennemis les plus résolus, outre les femmes lucides, ceux des hommes qui, bravant tout cynisme et tout fatalisme, ne veulent être ni mâles dominants, ni mâles dominés).
Mais maintenant, ça suffit! Il n'y a pas que ça qui se passe, chez nous. Il y a le miroir tendu à nos dirigeants par les «Indignados» de Barcelone, puis par d'autre «Indignés» en France. Certes, direz-vous, ils sont moins nombreux en France, mais leur geste est le même: ils tendent un miroir. A tous ceux qui ont bénéficié de nos suffrages, de nos votes, de nos voix, parfois de notre soutien. Ce geste signifie: d'un oeil, regardez-nous, nous qui sommes votre jeunesse, du fond de notre chômage, du fond de notre désespoir, du fond de notre peur de l'avenir; de l'autre oeil, regardez-vous, boursoufflés de ridicule quand vous pinaillez sur la suppression des panneaux annonçant les radars sur les routes (je fais partie de ceux qui n'ont jamais compris pourquoi il y en avait: il suffit de respecter la loi... et les limitations de vitesse, même si c'est plus difficile avec une Porsche qu'avec une Kangoo), boursoufflés de ridicule encore quand vous commentez la petite phrase de l'une ou l'un d'entre vous, voir quand vous commentez les silences (!) de telle ou tel, boursoufflés de ridicule toujours quand vous vous vous demandez si, finalement, la double nationalité ça ne devrait pas être interdit...
Tout ce fatras est bien loin des préoccupations des «Indignés». Car, en l'occurrence, ce n'est pas leur nombre qui importe. Si ce nombre, d'ailleurs, venait à s'accroître de manière significative, vous seriez les premiers à dire que ce n'est pas le nombre qui compte...
Ce qui compte c'est leur message: regardez-vous et regardez-nous. Regardez ce que vous offrez à ces jeunes femmes et jeunes hommes, parfois qualifiés, qui arrivent sur un «marché du travail» fermé de chez fermé.
A coup de chiffres du chômage présentés de telle manière que la hausse n'a pas à en être avouée, à coup de suppressions d'emplois, tant dans les entreprises que dans la fonction publique (les 16.000 postes en moins dans l'Education nationale en disent long sur votre souci de l'avenir, sur votre vision politique à moyen et long terme), vous avez tué le droit à l'enthousiasme de toute une génération.
Et vous voudriez nous faire croire que le résultat de la prochaine élection présidentielle a de l'importance!