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Billet de blog 10 février 2012

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Sondages et manipulation

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un sondage IFOP pour Paris-Match a été rendu public jeudi soir, nous dit France-Soir sur son site internet. Il nous donne, sans réelle surprise, Hollande à 31%, le sortant à 24,5%, la fille à papa à 19,5%, Bayrou à 10% et Mélenchon à 8%. Dont acte. C’est un sondage, et là-dessus, il n’y a rien à dire.

Je reproche en revanche à France-Soir d’en faire une analyse politique qui se voudrait subtile sous le titre suivant: «Sondages : Bayrou dégringole». 

L’utilisation du pluriel pour sondageS (oui, oui, avec un «S» à la fin) est curieuse, puisqu’en l’occurrence, un seul sondage est cité, celui de l’IFOP. Et la brillante analyse politique qui en est tirée l’est encore plus. «Les déçus de la gauche rentrent au bercail», nous dit-on. Ah bon? Sous-entendu, le bercail de la gauche, c’est le PS et rien d’autre. Première nouvelle. Il y a une information que notre chevronné analyste ne prend pas en compte: les électeurs de gauche, même déçus, ne sont pas des moutons. Alors certes, beaucoup d’entre eux voteront Hollande au premier tour, faute de mieux, croient-ils. Mais j’en connais pas mal qui voteront Mélenchon, dont le discours est décidément très rassembleur en période de crise, ou... Bayrou, qui n’a pas ménagé ses critiques, souvent pertinentes quoi qu’on n’en dise, à l’égard du sortant (cf. le projet présidentiel de referendum sur l’indemnisation des chômeurs ou l’immigration).

Il suffit ensuite de réaliser que le sondage, qui étaye cette riante perspective d’un deuxième tour Hollande/président sortant, a été réalisé auprès de 913 personnes (!!!!), pour estimer que, vraiment, notre commentateur se moque de nous, voire nous manipule. D’abord ce sondage n’a pas été rendu public jeudi soir, mais mercredi sur le site de Paris-Match. Ensuite, le sondage de jeudi, celui de CSA (réalisé auprès de 1.000 personnes, excusez du peu...) , donne, par exemple, Bayrou à 13%, ce qui n’empêche pas le même commentateur dans un autre papier («Signal d’alarme pour Bayrou») qu’il s’agit là d’un score «honorable», mais qu’il reste quand même  derrière Hollande, le sortant et la fifille à son papa, ce qui n’a rien ni de nouveau, ni d’exceptionnel.

En fait, certains aimeraient que tout soit joué d’avance, alors ils pratiquent la méthode Coué en nous le martelant. Et, à ce point-là, l’électeur lambda peut soupçonner une tentative de manipulation. A cet égard, le projet de Mélenchon de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme sur les sondages tombe à point nommé. Un peu de droit sur certaines pratiques constituerait un baume pour notre démocratie bien malade, non?

Simple rappel : depuis 1995, les analystes de sondages se sont généralement plantés. En 1995, Edouard Balladur, premier ministre de cohabitation, était “très tendance” chez les prévisionnistes, mais on a eu un deuxième tour Chirac-Jospin, ce dernier ayant fait un score imprévu: 23%!

En 2002, retour espéré au bon vieil affrontement droite-gauche et tous de se préparer à un  deuxième tour Chirac-Jospin. Ce fut Chirac-Le Pen! 

En 2007, on l’a eu pour de bon le deuxième tour droite-gauche, mais on n’avait pas prévu que le score de Bayrou serait de près de 19%.

Et pour 2012, voilà quand même plus d’un an que l’on nous serine l’inéluctabilité d’un deuxième tour droite-gauche! Pourtant, c’est désormais une constante, après chaque premier tour de la présidentielle en France, c’est une constante, il y a une surprise. Bonne ou mauvaise, mais bien réelle.

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