J’ai déjà rencontré des enseignants qui estiment, avec raison, que pour certains types d’apprentissages, l’ordinateur est préférable à un professeur humain. Pourquoi? Parce que la réponse d’un ordinateur est totalement dépourvue d’affect. Un simple «non» déshumanisé est bien plus acceptable par un élève sensible que la réponse négative d’un enseignant de chair et d’os (et d’âme, aussi, peut-être...), cette dernière ne pouvant être totalement exempte de (au choix): reproche, pitié, condescendance, exaspération, ironie...
En revanche, avec un «oui» humain, qui diffuse généralement sur celui à qui il s’adresse (au choix , là encore), de la chaleur, de la joie, de l’admiration, des encouragements, un bête «bravo vous avez raison», voire «vous avez gagné!», affiché sur un écran ou déclamé par une voix informatique, est incapable de rivaliser.
Seuls les imbéciles, qui oublient qu’ils sont humains (parce qu’ils n’éprouvent aucun sentiment, sans doute), se satisfont pleinement des réponses, somme toute simplistes, des ordinateurs.
Problème : si l’ordinateur, le mien, le vôtre, est un outil merveilleux, son aspect «merveilleux», justement, vient du fait qu’il est un outil, qu’il n’est qu’un outil. Dès lors qu’il décide à votre place, il est insupportable.
C’est peut-être l’une des causes de la crise qui frappe de plein fouet nos pays et leurs peuples. Alors que nos dirigeants, ces triples c..., s’accrochent tous désespérément au triple A des agences de notations, se sont-ils seulement posé la question de savoir comment ces dernières travaillent?
Et pourtant... C’est à croire qu’ils sont persuadés que ces fameuses agences ont des envoyés spéciaux dans le monde entier, qui analysent avec une sensibilité toute humaine et en permanence les économies des pays en prenant en compte tous les paramètres politiques, sociaux, économiques, énergétiques, culturels, religieux, et j’en passe...
Eh bien il est temps de leur dire, comme à un enfant à qui l’on apprend enfin que le Père Noël n’existe pas, que ces agences de notation n’ont qu’un seul outil : l’ordinateur, qui ne peut rien faire d’autre qu’analyser les données, forcément parcellaires, voire lacunaires, mises à sa disposition (taux de ceci, capacité d’investissement de cela, perpectives diverses...). Et devant ces agences, nos triples c... sont comme des enfants devant un ordinateur scolaire: ils prennent pour argent comptant (si j’ose dire) les réponses qu’elles leur prodiguent, et s’en inspirent pour appliquer des mesures absolument déconnectées de toute réalité humaine.
Le raccourci est donc un peu hardi, mais pertinent : lorsqu’on dit «les marchés s’inquiètent» de ceci ou de cela, ce sont en fait des ordinateurs qui s’inquiètent. Au clavier, le triple c... ne cille pas : il obéit, alors qu’il devrait commander.
Imaginez-vous au volant de votre voiture : votre ordinateur de bord vous signale que vous n’avez plus de carburant que pour 50 km, et vous ne savez pas à quelle distance se trouve la prochaine station. Vous vous arrêtez? Vous repartez en arrière? Bien sûr que non!
Mais pardon, j’oubliais que vous, vous savez conduire...