En effet, les propos tenus à l'extérieur après l'office religieux par le président de l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP), Jacques Boncompain, soutenant que le maréchal avait été "le premier résistant de France" - alors que chef du régime de Vichy qui collabora avec l’Allemagne nazie, a été frappé d’indignité nationale en 1945 - constituent bel et bien une infraction grave à la loi.
Comme pour enfoncer le clou, un ancien candidat d'extrême-droite, Pierre-Nicolas Nups (Parti de la France) a entonné le sinistre "Maréchal nous voilà" sous les huées d'une centaines de manifestants qui protestaient contre la tenue de cette honteuse et scandaleuse célébration révisionniste.
Je veux dire ici, moi qui suis un "boomer", né après-guerre mais doté de mémoire, tout le mépris que j'éprouve, comme je l'espère, une majorité de mes compatriotes, pour Philippe Pétain, maréchal de France, qui a grandement - et volontairement on ne le dira jamais assez - contribué à faire vivre à notre beau pays de ses heures parmi les plus sombres, les plus honteuses, les plus humiliantes et surtout ces années au cours desquelles la France a failli disparaître, rien que ça.
J'éprouve le même mépris pour celles et ceux - je ne suis pas sexiste - qui revendiquent peu ou prou son héritage, un peu à la manière des staliniens qui tiraient un "bilan globalement positif" de la dictature soviétique dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Mais revenons à nos moutons (les maréchalistes, notamment) et à leur berger (le maréchal, précisément) et les nazis auxquels ils se sont soumis.
Je ne veux pas faire ici injure à toutes celles et ceux qui ont été battus, cocus, volés, en un mot trompés, par une illusoire promesse de fin de la guerre, qui ont ingurgité la misérable bouillasse de propagande collabo dont on les gavait alors.
Non, je parle ici du mépris que j'éprouve - légitimement - pour tous ceux qui ont accepté de prendre des responsabilités dans cette ignominie.
Remettons d'abord en cause un premier mythe : Pétain, "le vainqueur de Verdun", vous en êtes sûrs ? Ce n'était en tout cas ni l'avis de Clémenceau, ni du maréchal Joffre qui a d'ailleurs écrit : "Je tiens à affirmer que le vrai vainqueur de Verdun fut Nivelle."
Plusieurs historiens lui contestent également aujourd’hui ce rôle, s’appuyant notamment sur les mémoires de Bernard Serrigny, le chef de cabinet de Pétain. Ce dernier, selon Serrigny, s'est absenté sans avertir personne le 24 février 1916, jour où il était censé prendre le commandement de la défense de Verdun.
Pétain a été retrouvé avec sa maîtresse Eugénie Hardon-Dehérain dans un hôtel parisien.
De plus, Pétain a contracté une pneumonie ou une bronchite le 25 février et a dû garder le lit pendant plusieurs jours, cachant sa maladie à ses subordonnés. Pendant ce temps, le général de Castelnau, l'adjoint de Joffre, a pris des mesures énergiques pour stabiliser la situation.
Si vous le voulez bien, noircissons un peu plus le tableau : lors des mutineries dans l’armée française – bien compréhensibles après trois ans de guerre – de 1916 et 1917, il remplaça Nivelle et se montra certes plus clément avec les poilus, mais resta quand même un partisan d’une féroce répression, à la suite desquelles plusieurs centaines de mutins furent fusillés. Ensuite, son action à la tête des forces françaises au Maroc qu’il mena victorieusement entre 1924 et 1926 pour assister l’armée espagnole malmenée par les combattants d’Abd-El-Krim (guerre du Rif) n’est pas forcément des plus glorieuses : pour vaincre, les militaires de Madrid avaient eu recours aux armes chimiques sur les populations civiles et l’aviation française au gaz moutarde…
Entré à l’Académie française – héroïque destinée, non ? - il est ensuite ministre de la Guerre de février à novembre 1934, puis nommé ambassadeur de France dans une Espagne alors franquiste. Là encore, on sent le grand démocrate…
On est en tout cas loin du type qui faisait « à la France le don de sa personne » - don qu’il faisait d’ailleurs beaucoup plus volontiers à bon nombre de maîtresses - mais plutôt près d’un vieillard avide de pouvoir, et dont la volonté affichée de claironner la « restauration morale » ou d’autres fadaises du genre « travail, famille, patrie », était aux antipodes de sa vie privée réelle.
Dans son essai « Et surtout, pas un mot à la Maréchale » de Hervé Bentégeat (Albin Michel, 2014) la vie intime du maréchal est révélée : coureur de bordels, rétif au mariage, séducteur même dans son grand âge.
Prônant la nécessité pour la France de faire des enfants – qu’il avait en horreur et qui n’en voulait d’ailleurs pas pour lui – Pétain a, sous ce motif, relégué les Françaises au rôle de reproductrices, instaurant la… fête des mères, comme pour bien marquer ce qu’il pensait d’elles.
Donc, je n’ai aucune admiration de quel qu’ordre que ce soit pour Philippe Pétain et je ne lui trouve aucune excuse. Et il n’a dû d’échapper à la peine capitale qu’au souci maladif que de Gaulle avait de l’ordre, incompatible selon lui avec le ravivement en France de funestes passions, encore fumantes au sortir de la guerre.