Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou, les deux outsiders de la prochaine élection présidentielle sont objectivement alliés. Bon, il est possible qu’une telle assertion ne fasse plaisir ni à l’un ni à l’autre, mais, outre le fait que ça me ravit, plusieurs signes le démontrent.
Certes, début décembre, Jean-Luc Mélenchon a qualifié François Bayrou de «réactionnaire parfumé», estimant qu’il représentait «le FMI à domicile». Il a néanmoins «sa chance», estime en janvier le candidat du Front de Gauche, allant jusqu’à juger que «c’est lui (Bayrou) le phénomène» de cette élection, et qui dispose en outre «d’un atout extraordinaire, c'est sa solitude. Etre tout seul, c'est une force (...) Il n'a de comptes à rendre à personne». On ne saurait être plus flatteur pour le président du MoDem, non?
De son côté, François Bayrou n’a pas défini Jean-Luc Mélenchon comme sa cible favorite. Le candidat «central» préfère critiquer plutôt le président sortant, critiquer le candidat socialiste et le Front national. Etrange? Pas vraiment.
Jean-Luc Mélenchon est entré dans une phase de conviction. Orateur talentueux, il ne devrait pas avoir trop de mal à séduire d’ici le 22 avril les électeurs socialistes qui avaient soutenu Arnaud Montebourg, et qui représentaient 17% des voix lors de la primaire. Le candidat du Front de Gauche, avec le langage qui est le sien, fait même mouche auprès de déçus de la gauche qui s’étaient un moment tournés vers le FN. Il n’a pas peur de partir à la reconquête de cet électorat-là, et sans se renier. Et avec panache: c’est un plaisir que de l’entendre qualifier la fille à papa de «semi-démente».
A côté de lui, François Hollande, peut-être trop confiant dans des sondages qui le donnent a priori vainqueur, apparaît a priori bien pâle et timoré pour quelqu’un qui avait pour ambition affichée de «ré-enchanter le rêve français»...D’autant qu’au PS, la guerre des ego n’est jamais terminée, alors, ça fait désordre...
Les autres électeurs socialistes (je parle bien des électeurs, pas des militants), et pas seulement les anciens «strauss-kahniens», mais aussi d’anciens partisans de Martine Aubry, pourraient être tentés de voter pour François Bayrou, histoire de faire mordre à coup sûr la poussière au président sortant dès le premier tour (c’est un désir ardent assez répandu...), quitte à s’en retourner voter à gauche, ensuite, pour les législatives...
Mais pour la présidentielle, tout ce qui fait grimper Mélenchon, c’est ça de moins pour Hollande, et ça renforce mécaniquement Bayrou.
A l’inverse, tout ce que Bayrou peut prendre à gauche (c’est à dire au PS exclusivement, hein? Il ne va pas aller chercher des vois à l’extrême-gauche, quand même), c’est tout bénef pour Mélenchon qui peut même ainsi espérer dépasser Hollande!
Et nous voilà au 22 avril 2012! Si les Français ne ratent pas leur premier tour, nous aurons un second tour Bayrou-Mélenchon.
Quoi qu’en pense François Bayrou, ce sera un face-à-face droite gauche, et la droite, même à son corps défendant, ce sera lui. Quoi qu’en pense Jean-Luc Mélenchon, cette droite-là ne sera plus la même que la droite sortante, qui sera alors durablement disqualifiée. Disons que ce sera une droite certes libérale mais qui sera sans doute plus respectueuse des valeurs républicaines et un peu plus ouverte au dialogue social.
Quoi qu’il en soit, un tel premier tour serait une victoire pour l’ensemble des Français et permettrait un réel et nécessaire renouvellement de nos habitudes politiques. Quant au deuxième tour, quelle qu’en soit l’issue, ce serait de toutes façons une belle victoire pour la démocratie.