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Billet de blog 21 mai 2011

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Présomption d'innocence et présomption de sincérité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les convenances, je vous dis, les convenances... Ce qui compte, aujourd’hui, sur les plateaux des télévisions, c’est d’avoir l’air de les respecter, tout en les bafouant. Prenez cette sordide affaire de DSK et de l’employée de l’hôtel Sheraton de New-York.

J’ai ainsi été pris à partie (par écrit, heureusement), sur ce qu’on appelle «les réseaux sociaux», pour avoir écrit il y a quelques jours un billet intitulé «Droit de cuissage».

J’expliquais, dans ce billet (je résume) que considérer automatiquement DSK comme un innocent, victime d’on ne sait quoi au simple motif qu’il était patron du FMI et candidat potentiel des socialistes à l’élection présidentielle française (et que, de surcroît, doté d’une intelligence exceptionnelle, il n’aurait pas pu, sauf malveillance, se mettre dans un pareil pétrin) constituait une façon détournée de rétablir le droit de cuissage, si tant est que ce droit ait un jour existé, et cité Jean de La Fontaine («Selon que vous serez puissant ou misérable...»

Alors, je vous démonte le piège dans lequel s’enferment ceux qui ont peur de ne pas réagir assez vite, médias obligent: si vous dites que DSK est innocent, victime d’un complot, ou encore que l’employée était consentante, vous jetez chaque fois, et sans aucune raison a priori, la suspicion sur cette dernière.

Or, si DSK a droit, comme je l’avais écrit, à la présomption d’innocence, l’employée de l’hôtel a également droit, elle, à la présomption de sincérité. Mais si vous affirmez qu’elle est sincère, elle est donc victime, et dans ce cas, DSK est coupable.

J’ai vu et entendu des femmes et des hommes de gauche, et ça m’a attristé, tomber dans le panneau en proclamant, de bonne foi, leur solidarité avec l’ex-patron du FMI, voire leur compassion pour le prévenu de New-York.

J’en ai entendu d’autres, comme Jack Lang, et ça, c’est bien plus grave, tenter de relativiser ce qu’il a appelé «l’incident» en disant qu’il n’y avait «pas mort d’homme», alors que ce qui est en jeu c’est une affaire de viol. Le viol étant un crime, il ne s’agit pas d’un «incident», mais de quelque chose de grave, très grave. L’ancien ministre de la Culture de la gauche flamboyante, qui avait dit avec emphase, le 10 mai 1981, jour de la victoire de François Mitterrand, que nous étions alors passés «de l’ombre à la lumière», ferait bien de nous dire où est l’interrupteur. Au moins celle du projecteur qu’il s’ingénie encore, après tant d’années, à faire braquer sur lui.

J’ai aussi lu, ça et là, des réactions de prétendues féministes du style «tout le monde sait que les hommes ont le cerveau au niveau de leurs couilles», ce qui rendait DSK forcément coupable.

J’aurais aimé qu’une personnalité, politique, médiatique, vienne inviter simplement les Françaises et les Français à réfléchir, vienne dire que pour l’instant, personne n’était à même de prendre vraiment parti dans cette affaire.

Pour le coup, la liberté de penser, c’est aussi la liberté de ne pas savoir et la liberté de dire qu’on ne sait pas.

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