Election présidentielle dans 27 jours.... L’autre week-end, la fi-file a son papa a franchi une fois de plus les limites de l’ignominie en accusant quasiment chaque clandestin, chaque étranger en France, d’être un terroriste en puissance («dans chaque avion», etc). Juste après les tueries de Toulouse et Montauban, elle s’était pourtant livrée vite fait à un petit re-lifting démocratique, un vague fond de teint compassionnel, une giclée d’eau de toilette républicaine. Trois jours après, le vernis a craqué et elle assume de nouveau résolument l’héritage paternel. Passons...
Le lendemain, l’Innommé (je veux dire le sortant) a lâché sur une radio l’expression musulman «d’apparence». C’est curieux, je n’arrive pas à croire qu’il ne l’ait pas fait exprès. A moins que son ignorance crasse de l’Histoire ne lui ait pas une fois de plus joué un mauvais tour : parmi les premiers européens de souche devenus muslumans on trouve les «Banu Qasi», des Wisigoths (dont les aïeux étaient arrivés du fin fond de la Germanie à la fin de l’empire romain) installés en Hispanie, et convertis à l’Islam à partir du VIIe siècle pour cause de domination musulmane. J’imagine d’ici leur «apparence»...
Mais je m’égare. En fait, j’ai surtout envie de re-parler de mon dada, vous savez, le deuxième tour Bayrou-Mélenchon. C’est, rappelons-le, un souhait, pas une prophétie : je ne suis pas Mme Soleil. Je trouve cependant que le candidat du Front de Gauche et le candidat du MoDem rendent chacun un éminent service à la démocratie en faisant une vraie campagne, avançant tous les deux des propositions certes très différentes, mais qui partent d’un même constat : les institutions ne fonctionnent plus, et cette situation nous empêche de régler les questions urgentes. Pour tous les deux, la transformation institutionnelle est un préalable.
Pourtant, bon nombre de médias font mine de déplorer le vide de cette campagne électorale (ennuyeuse, etc.) mais il se limitent, en fait, à celle des deux candidats qu’ils ont présélectionnés, et ce depuis très longtemps. En outre, ils désignent Mélenchon et Bayrou à tour de rôle comme «le troisième homme», eux qui n’ont jamais fait mystère de leur ferme intention d’être présents au second tour.
En tout cas, si la campagne est ennuyeuse, ce n’est pas à cause de ces deux-là, qui, si j’ose dire, ne chôment pas, question idées nouvelles.
François Bayrou propose un referendum sur la moralisation de la vie publique, en même temps que les élections législatives de juin, Jean-Luc Mélenchon propose d’élire une assemblée constituante pour passer à la 6e République. Ces deux-là veulent donc, chacun à leur manière, rendre la parole au peuple, et il n’y a aucune raison de mettre en doute leur attachement viscéral à la démocratie. Je suis pour ma part convaincu que, après le référendum Bayrou ou la constituante Mélenchon, l’un comme l’autre se plieraient à la volonté du peuple qu’il auraient consulté.
Et c’est en ce sens qu’ils diffèrent du sortant, qui s’est quand même permis, outre de faire montre de quelque légèreté avec la voix du peuple souverain notamment en matière européenne (en fait, il s’est carrément assis sur le «non» des Français au traité européen, ce qui est une sorte de viol), de promettre tout et son contraire, et du candidat socialiste, qui donne parfois l’impression de marcher sur des oeufs, tiraillé entre la frange centriste et la mouvance de gauche de son électorat. Et je ne parle pas de l’accord avec les Verts...
Je suis désolé de le dire, mais même si je trouve Hollande moins pire que le sortant, je n’imagine pas la France sortir de la mouise avec lui. D’autant que les mêmes qui le soutiennent se seraient tous rangés comme un seul homme derrière DSK, l’ancien patron du FMI, dont le caractère «de gauche» est quand même discutable, non? Par ailleurs, je ne crois pas le président sortant capable de sortir le pays de l’ornière dans laquelle il l’a enfoncé. En a-t-il seulement la volonté? C’est une bonne question, et je me remercie de me l'être posée.
Mais «le programme de Mélenchon n’est pas réaliste!» ou «Bayrou n’a pas de programme!» s’exclament quelques beaux esprits, de droite comme de gauche, à longueur de chroniques, d’éditoriaux, de plateaux télé... C’est d’une malhonnêteté crasse. Sommes-nous certains, d’abord, que le programme du sortant soit réaliste? En tout cas, le programme du Front de Gauche n’est pas moins réaliste que les délires du candidat UMP. Quand à Bayrou, bien sûr qu’il a un programme, nettement moins flou quand même que celui du candidat PS, quoi que l’on nous martèle à longueur d’éditoriaux. Les programmes de Mélenchon et Bayrou ont été publiés et sont tous les deux très clairs et peuvent même être contestés par qui veut. Mais ils sont constants. On ne peut pas en dire autant du côté du PS, qui a pondu son programme avant les primaires, différent, et pas qu’un peu du «programme du candidat»! Comment l’électeur socialiste peut-il s’y retrouver?
D’autant que nous savons tous que les programmes, dans une campagne, peuvent donner une idée de la direction à suivre, mais que les circonstances, les événements, la marche du monde peuvent imposer leur redéfinition, et parfois de manière drastique. Demandez-le donc à la droite espagnole, dont l’arrivée au pouvoir avait été saluée comme un espoir de sortie de crise du pays, alors que celui-ci replonge dans les affres de la dette...
Mais revenons en France, pays qui a un besoin urgent d’un peu (beaucoup?) de sincérité et d’honnêteté et ces deux hommes-là, Mélenchon comme Bayrou, en sont tous les deux pourvus. Si le deuxième tour se disputait entre eux deux, pour sûr le changement serait de toutes façons au rendez-vous. Et tout de suite, pas aux calendes... grecques!