Je ne veux pas spécialement défendre Jean-Marc Ayrault ou François Hollande, pas plus que le PS gouvernant. Je ne veux pas non plus les attaquer systématiquement, même s'ils sont critiquables. Et il le sont.
Pour le coup, je tiens ce « buzz » sur les 35 heures pour ce qu'il est, c'est-à-dire pour un remplissage de « cerveau disponible » (comme on dit sur TF1) parce qu'au fond, on n'a pas grand-chose à dire ou, pire, on a des choses à dire mais qu'on a la flemme de le faire. Parce que c'est compliqué, et que finalement, pense-t-on, « les gens sont trop cons », hein ? Ou alors, encore, parce que c'est compliqué et que soi-même on n'y comprend rien, alors on donne le change...
Ce que je dis là est valable premièrement pour les ténors de l'UMP. Et je n'écris pas leurs noms car ils sont trop nombreux et surtout trop nuls (mais, moi, j'assume cette flemme). Les voilà à demander à Jean-Marc Ayrault, parce qu'il a répondu au lecteur d'un grand quotidien, à propos de l'idée d'un retour au 39 heures qu'il n'y avait pas de « sujet tabou », d'abolir les 35 heures ! Et le patronat d'emboucher la même trompette, se réjouissant de l'éclair de lucidité dans la tête du Premier ministre. Soyons sérieux : en dix années au pouvoir, la Droite française, qui avait fait de ce thème son miel de plusieurs campagnes électorales, a à peine réussi à moduler le dispositif mis en place par Martine Aubry. De qui se moquent donc la Droite et le patronat ? De vous ? De nous ? De moi ? En tout cas, je n'aime pas.
C'est également valable pour la brillante presse française, globalement thuriféraire de la doxa néo-libérale, comme le Figaro, qui décrit Jean-Marc Ayrault en « pompier pyromane » (ce qui est, je trouve, un peu flamboyant pour un personnage d'apparence plutôt terne), et de décrire dans le détail « l'effondrement » dans les rangs du PS après cette déclaration sur les 35 heures. Libération aussi, qui, plus indulgent, estime que le Premier ministre « s'est pris les pieds dans la com », comme si tout cela était une affaire de communication alors que dans les faits, qu'on approuve ou pas les 35 heures, et qu'on soit patron ou salarié c'est une affaire, soit de gros sous pour les premiers,soit de fin de mois pour les seconds. C'est bien plus grave, non ?
C'est enfin valable pour pas mal de socialistes, qui font profil bas. Trop bas. Il y en a qui se demandent si Matignon a relu l'article ! Comme si ça allait de soi. Allez voir dans des pays comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne si un interviewé peut relire comme ça et modifier les réponses qu'il a faites. « By the way », comme disent les Anglais (au passage), c'est curieux comme on cite toujours ces deux-là en exemple pour l'économie, et pas toujours à bon escient, alors qu'on ne les cite jamais sur la liberté de la presse qui, chez eux, est en bien meilleur état que chez nous...
Tant mieux si Ayrault n'a pas relu le papier. Tant mieux si un citoyen lambda a pu lui poser une question sur un désaccord politique. Et tant mieux s'il lui a répondu. C'est normal (mot à la mode), puisque nous sommes théoriquement encore en démocratie. Mais rien n'est jamais acquis...
Nous vivons quand même dans un monde où un petit rien fait un « buzz », terme emprunté à l'anglais (buzz, « bourdonnement » d'insecte) pour désigner « une technique de marketing consistant, comme le terme l'indique, à faire du bruit autour d'un événement, un nouveau produit ou d'une offre » (Wikipedia). Et pendant ce temps, les Syriens de s'étriper, les ans-abris de s'apprêter à congeler dans nos rues, les demandeurs d'emplois de se multiplier, les pauvres de s'appauvrir, les riches de s'enrichir... Pratique, le « buzz », finalement.