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Billet de blog 14 novembre 2025

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Colloque "La Palestine et l'Europe", les conférences d'ouverture

Le colloque "La Palestine et l'Europe, poids du passé et dynamiques contemporaines" des 13 et 14 novembre 2025 n'a pu se tenir au Collège de France et a été transféré au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) de Paris. Il paraît utile d'en proposer un résumé, pour celles et ceux qui voudraient s'informer de cette manière avant de prendre parti.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon unique but ici est bien de résumer les interventions, sans chercher à citer littéralement ni à interpréter. Je rajoute seulement entre parenthèses quelques précisions utiles (dates, faits). Si les lectrices ou lecteurs voient des corrections à faire, je leur serai reconnaissant de me les signaler en commentaire. 

Source : chaîne YT Carep Paris 

NB : Le temps de régler des difficultés techniques, l’enregistrement du colloque commence vraiment à 11’39.

Allocution de Denis Bauchard, Président du conseil d’administration du Carep (11:39 - 14:45)

Le colloque a fait l’objet de critiques surprenantes et injustifiables, de la part d’une certaine presse, de certains organismes et sur les réseaux sociaux ; des pressions identifiées ont amené la déprogrammation de la rencontre au Collège de France : on ne peut que condamner cet acte de censure qui a suscité l’émotion en France et à l’étranger.  Cette atteinte à la liberté académique est sans précédent depuis le second Empire ; malgré cela, le colloque se tient, et on ne peut que s'en féliciter. DB exprime sa solidarité envers Henry Laurens, qui a subi des attaques personnelles particulièrement violentes et infamantes ces derniers jours ; il condamne les autres attaques et remercie les institutions partenaires, les intervenants, le public, l’équipe du CAREP, comme ceux qui ont soutenu la tenue du colloque : chercheurs, Universitaires, France Université, Ligue des droits de l’homme. Il réaffirme l’attachement collectif à la liberté académique et à la liberté d’expression en toute sérénité.

Allocution d’ouverture de Salam Kawakibi, Directeur du CAREP Paris (14:45 - 20:00)

SK souligne que le colloque a lieu dans la seule salle qui a osé l’accueillir. Il se remémore celui qu’il a organisé à Alep, en 2002, et qui, bien qu’il se soit tenu dans une dictature et qu’il ait été surveillé, n’a pas été interdit. C’est à Paris, ville des Lumières, que cette interdiction s'est produite. Or la connaissance n’a pas besoin d’autorisation politique. On demande la neutralité aux chercheurs, mais la neutralité, face à l’injustice, est faiblesse ; un chercheur n’est jamais neutre devant la vérité. Il revendique le droit de penser sans tutelle. Une interdiction ne peut tuer une idée ; chaque interdiction est un aveu de peur ; ceux qui craignent le débat sont ceux qui n’ont plus confiance dans leurs propres arguments ; un colloque est un espace de réflexion, pas une tribune. Il s’agit de réfléchir ici sur la Palestine, mais aussi sur l’Europe, la liberté, le sens de la parole universitaire. On peut interdire un colloque, pas les questions qui sont à son origine ; la connaissance libre ne peut être vaincue.

Introduction par Henry Laurens, Professeur au Collège de France (20:00 - 46:50)

HL se souvient pour sa part d’un colloque en 2003, à Beyrouth, dont il a été coorganisateur avec la succursale intellectuelle du Hezbollah ; il était intervenu sur l’Europe et la Palestine ; Il souligne le paradoxe entre un discours anticolonial et un besoin d’intervention ; il interviendra comme spécialiste du Moyen-Orient au XIXe s.

L’Europe est dans l’Antiquité une princesse phénicienne – donc globalement de la région concernée.  Mais il n’y a cependant pas dans toute cete période de notion d’Europe au sens culturel, politique, civilisationnel ; l'Antiquité gréco-romaine est centrée sur la Méditerranée ; Le partage Occident/ Orient ultérieur n’est pas un partage Nord/ Sud ; par la suite les contacts n’ont jamais cessé entre l’espace méditerranéen et l’espace européen ; à l’époque médiévale, le monde des Rums (Byzantins) se distingue du monde des Francs, donc de l’espace de la chrétienté latine, même si le schisme attend 1054. Il est alors très peu question d’Europe.

Celle-ci devient à vrai dire un thème et une idée au moment de la cassure entre protestants et catholiques au XVIe s : en raison de cette cassure, on ne peut plus parler de « chrétienté latine « . Mais l’Europe n’acquiert pas pour autant une définition stable : de la mondialisation ibérique, puis française, anglaise, il résulte que l’Europe est aussi bien en Afrique, en Amérique…

A la fin du XVIIIe s., cet élargissement fait que le terme d’ « Occident » réapparaît chez Condorcet, pour parler d’une « civilisation » (même le sens là de ce terme n’apparaît que dans les années 1830).  L’Orient est alors considéré comme le passé de l’Europe et l’Europe le futur de l’Orient.

Si l’on revient à l’épisode des croisades, celui-ci nous oblige à nous interroger sur la spécificité historique unique de la Palestine. La Palestine est la « Terre sainte », pôle d’attraction pour les croyants des religions monothéistes.  Quand elle est inaccessible, comme lors de la première chrétienté, on se réfère à la « Jérusalem céleste » ; après la conversion de Constantin, on atteint la Jérusalem terrestre ; puis à nouveau la conquête arabe, s’assimilant la Palestine, l’éloigne des Chrétiens ; et c’est quand l’Europe des francs a les moyens militaires de venir en Palestine, donc au moment des croisades, qu’elle redevient objet d’intérêt ; A nouveau elle s’éloigne sous les pouvoirs mamelouks et ottomans. Mais les lieux saints restent gérés par les Chrétiens ; les Ottomans amènent dans la région Arméniens et Orthodoxes, et ceux-ci entrent alors en conflit contre les Catholiques pour le contrôle des lieux saints ; et les puissances européennes soutiennent les Catholiques.

Reprenons alors dans ce contexte à partir de la fin du XVIIIe s. : c’est là qu’émerge « la question d’Orient » ; les puissances européennes entrent en compétition pour augmenter leur influence sur un territoire de l’empire ottoman qu’on suppose en train de s’effondrer ; mais c’est la puissance indienne qui s’oppose alors à l’influence européenne. Celle-ci augmente alors vraiment au moment de la campagne napoléonienne, qui vise les « routes de l’Inde » : cet espace est intégré à l’espace européen jusqu’à l’Indus ; les puissances européennes rivalisent dans cet espace : le « concert européen » domine ainsi la question de la Palestine au XIXe s.

Au centre se trouve le conflit sur l’occupation des lieux saints : chaque grande puissance a ses protégés, catholiques ou orthodoxes ; c’est ce qui provoque la guerre de Crimée, 1854-56. La ville de Jérusalem est ensuite définie comme territoire spécifique : la question des lieux saints domine ainsi jusqu’à 1890, date d’une alliance franco-russe qui pacifie ce conflit entre Catholiques et Protestants.

Autour de Jérusalem se gèrent les affaires administratives et civiles de la région, ce qui fait naître la question de l’identité palestinienne ; il faut souligner que depuis 1850, en raison de la sortie du petit âge glaciaire,  une révolution agricole et donc économique a lieu en Palestine : ses littoraux se couvrent d’agrumes, exportés vers l’Europe : pas vers la France en raison de la colonisation de l’Algérie, mais surtout vers l'Angleterre qui importe les « oranges de Jaffa ».     

A partir des années 1840, les puissances européennes reviennent à Jérusalem à l’occasion des guerres dites de Syrie : elles ouvrent des consulats qui sont pris dans la guerre autour des lieux saints ; catholiques, protestants, orthodoxes, s’affrontent, tous soutenus par des puissances européennes ; entre 1840-60, la rivalité de puissances se situe donc à l’intérieur d’un système de références religieuses ; les puissances développent un évergétisme qui se substitue à la guerre : elles construisent des hôpitaux, des écoles… jusqu’à 1914. Cette période est toujours très visible dans le panorama de la ville sainte.

Le mouvement sioniste apparaît dans ce contexte, à partir de 1880. La 1ère Alyah est à vrai dire contrôlée par les Juifs français, quoiqu’en dise l’histoire officielle ; mais les Ottomans sont hostiles à cette immigration car ils ne veulent pas voir émerger une nouvelle question nationale en Palestine ; il n’empêche que les Français raflent la mise, donc les juifs français séfarades. Il devient alors clair, dès les années 1890, que le mouvement sioniste ne peut avoir de chance de succès que par le biais des puissances extérieures : Herzl courtise donc tous les pouvoirs européens, sauf la France puisqu’elle mène déjà sa propre politique d’émigration vers la Palestine. L’Angleterre est un partenaire de choix, car elle fait du mouvement sioniste un levier sur lequel agir pour contrer l’influence française en Palestine. Sans revenir sur toute l’histoire de la déclaration Balfour (1917), on peut dire que le malheur de la Palestine a été scellé dans une scène sans témoin, rapportée seulement par le secrétaire du premier ministre anglais Lloyd George (1916-22) : ce dernier s’est entretenu avec Clémenceau, qui a cédé oralement la Palestine à l’Angleterre, en contrepartie de son refus de lui céder Mossoul (et ses ressources pétrolières). Il en découlera le mandat britannique (1920).

Certains se sont indignés en lisant le programme du colloque sur le fait qu’il y soit question d’une « expansion coloniale de l’Europe » à propos de la Palestine : mais ce sont pourtant bien les termes utilisés en Europe au XIXe s et début XXe s., même jusqu’à l’entre-deux guerres, avec une forme d’évidence qui n’impliquait pas d’esprit critique : le mandat britannique sur la Palestine est géré par le Colonial Office ; une des organisations d’émigration des Juifs (Ndr : depuis la Russie et l’Europe de l’Est, vers l’Amérique du Nord et du Sud et vers la Palestine ottomane) se nomme  « Jewish colonial association » ; cette terminologie est courante dans les discours des institutions sionistes, y compris avec des analogies au Kenya et à l’Ouganda, et donc avec l’idée qu’il faut remettre les indigènes à leur place ; après les années 1940, le colonialisme devient généralement mal famé et l’on cesse donc de parler de colonisation européenne de la Palestine.

Pour conclure, la région s’avère prise depuis longtemps dans un conflit local entre Sionistes et Palestiniens, mais aussi dans une série d’emboîtements politiques : chaque acteur doit trouver des alliés ailleurs ; en 1948, la défaite des Arabes palestiniens s’explique par leur manque de soutien extérieur, pour la première fois de leur histoire, alors que le mouvement sioniste a le soutien des États-Unis, de l’Union soviétique et de la France. Les Arabes palestiniens cherchent ensuite des alliés et pour cette raison s’inscrivent dans la guerre froide à partir de 1955, du côté soviétique ; ce qui fait que les Israéliens renforcent leurs alliances en prétendant lutter contre l’influence soviétique ; notons que l’Union soviétique soutient alors en effet les Arabes palestiniens, mais sans remettre en cause l’existence de l’État d’Israël. On ne peut tout simplement pas faire la guerre sans alliés ; En 1967-73, on assiste donc dans la région  à une guerre de blocs et le cessez-le-feu est décidé significativement à Moscou. Le conflit est donc par nature internationalisé. Quand l’Europe elle-même s’institutionnalise, elle devient inévitablement un acteur de ce conflit, ne serait-ce que pour exister. C’est ce qui fait que le conflit se répercute toujours avec intensité dans les opinions européennes. Par méchanceté pure, on pourrait dire qu’une décision au niveau européen demande de tels efforts que l’énergie manque ensuite pour l’appliquer (cf. la déclaration de Venise). Mais concrètement l’Europe joue bien un rôle important dans la région par ses soutiens financiers et sa médiation, tout en restant en position de faiblesse par rapport aux Etats-Unis. Cette présence de l’Union européenne sur le terrain reste finalement peu, pas assez étudiée. 

Note de synthèse d’Azmi Bishara, Directeur du Centre arabe de recherche et d’études politiques (47:11- 1:26 :9)

[Traduction de l’arabe en français à partir de 50 :30]. [Avant l’émergence du sionisme] les chercheurs et historiens juifs n’ont produit aucun livre sur la géographie et l’histoire de la Palestine, à la différence de penseurs, voyageurs et théologiens chrétiens écrivant pour des motivations religieuses. De même que pour d’autres territoires (Amérique au XVIe et XVIIe s.) l’intérêt géographique n’a pu exister que mêlé à des intérêts coloniaux, géostratégiques et économiques. Il n’y avait alors pas de question palestinienne séparée de la question d’Orient ; mais il y avait une question juive, comme affaire purement européenne.

La question juive a émergé dans le contexte de la modernité européenne, de l’antisémitisme, des lois d’assimilation ou de discrimination. Le conflit se trouvait alors entre les assimilationnistes et ceux qui jugeaient les juifs inassimilables, s’appuyant alors sur des théories raciales. Le constat de Herzl était que dans cette période axée sur l’égalité civique, celle-ci n’existait pas pour les Juifs. Les intellectuels juifs du sionisme se sont donc opposés à l’intégration ; ils ont affirmé que les Juifs n’étaient pas unifiés par la religion mais comme peuple, voir comme race ; ils ont à la fois hérité des Lumières et les ont niées. Le courant religieux refusait l’intégration, exigeait un mode de vie spécifique ; le sionisme partageait avec ce courant le refus de l’intégration comme solution ; mais il divergeait par rapport à lui par son appel à fonder un État-nation suivant le modèle européen ; il s’agissait de convertir le désir du pays de la Bible en désir de nation, également de renverser le stéréotype du juif errant et faible, pour prôner un peuple fier, armé, d’où la « judaïté du muscle » dont parle Max Nordau.

Le sionisme s’est donc opposé à trois courants juifs hostiles (antisionistes) : le courant juif religieux selon lequel le peuple juif était élu et se distinguait de toutes les autres nations ; le courant assimilationniste dans la suite des Lumières ; le courant socialiste, voyant la solution juive dans une révolution de classe européenne.

Tout cela s’est passé en Europe : les Palestiniens en entendaient à peine parler ; et clairement l’antisionisme était un phénomène juif, sans lien théorico-historique avec l’antisémitisme. Celui-ci était antérieur, et l’antisémite de base se souciait peu de savoir si le Juif était sioniste ou pas. Quant à la Palestine, qui commençait dans cette période à s’élaborer comme peuple en voie de modernisation et d’urbanisation et formulait des aspirations nationales, elle s’est opposée au sionisme comme colonisation ; peu importait que la colonisation fût juive ou chrétienne ; c’est pourquoi les premiers sionistes n’ont donc pas accusé les Palestiniens d’antisémitisme, cela ne leur venait même pas à l’esprit. De même Jabotinsky dans ses articles de 1923 jugeait naturel le refus palestinien de la colonisation, compréhensible comme celui de tout autre peuple ayant sa dignité ; il en déduisait que les Palestiniens ne pouvaient se résoudre à la colonisation que par la force. Seule la gauche sioniste, minoritaire, croyait à un trajet de conviction sans violence.

L’accusation d’antisémitisme envers les Palestiniens est venue après la création de l’État d’Israël, dans une stratégie de communication officielle (de propagande) et s’est continuée jusqu’à aujourd’hui.

Herzl avait un argument pour convaincre les puissances européennes : le sionisme allait débarrasser l’Europe de la question juive. Les leaders européens n’étaient pas enthousiastes, ils ne croyaient pas à la faisabilité du sionisme et étaient pris dans des conflits régionaux entre puissances. Il aura fallu deux événements mondiaux (européens en fait) pour que cette faisabilité apparaisse : d’abord la défaite de l’empire ottoman dans la première guerre mondiale et l’intégration de la déclaration Balfour dans le mandat britannique ; ensuite la seconde guerre mondiale et l’holocauste nazi. Les efforts d’organisation du Yichouv, son achat de terres, le début de son armée, l’action des puissances européennes, tout cela ne pouvait aboutir par une simple évolution pacifique. Un État juif ne pouvait aboutir que par expulsion d’une partie des Palestiniens, et cela n’a été vraiment possible qu’en raison d’un événement européen, l’holocauste nazi ; dès lors l’expulsion de la majorité des Arabes palestiniens a été possible par la violence en 1948.

Il fallait donc l’appui de puissances coloniales. Herzl était convaincu que l’émigration organisée depuis d’Europe de l’Est relevait de l’amateurisme ; pour lui, il fallait légaliser l’émigration juive sous l’égide d’une telle puissance coloniale ; comme il a été dit, l’idée de colonisation ne posait aucun problème, c’était un projet de civilisation.

Israël n’est plus incommodé d’être issu d’une colonisation de peuplement ; il se contente de souligner un lien religieux historique qui transforme la Torah en document foncier ; ce fondamentalisme ne semble déranger aucun des leaders laïques de l’Occident ; des documents récents émanant des Etats-Unis, le « deal of the century » et les accords d’Abraham, regorgent de termes bibliques, comme « terre promise », « ville sainte » laquelle ne serait pas mentionnée dans le Coran. Cette colonisation de peuplement s’est continuée avec la guerre de 1967 ; aujourd’hui l’annexion de nouveaux territoires passent avant la paix avec les Arabes ; Israël refuse l’équité des droits, préfère un système d’apartheid ; c’est une colonisation de peuplement qui produit un régime de ségrégation raciale comme en Afrique du Sud ; la revendication d’un État juif s’accompagne d’un refus de l’État palestinien et des droits individuels et collectifs de la population palestinienne.

L’Europe s’accommode de cette réalité de l’apartheid ; elle ne se contente pas de relations normales avec Israël, mais lui accorde des privilèges, ceux d’un État européen en dehors de l’Europe ; on a ainsi exporté la question juive là où elle n’existait pas.

Certes les Juifs d’Orient ne vivaient pas dans un paradis terrestre, ils ont souffert de discrimination, comme minorité, en tant que non-musulman plutôt qu’en tant que Juifs ; les vagues de discrimination touchaient toutes les minorités non-musulmanes, voire musulmanes non orthodoxes, chiites…

Israël est maintenant pris comme victime, d’où la fausse analogie entre le 7 octobre et l’holocauste ; les Institutions médiatiques font comme si le 7 octobre était le début de l’histoire ; sans remonter jusqu’à la déclaration Balfour où à la guerre de 48-9, comment oublier les 20 ans de blocus de Gaza… Quand la violence de la réaction israélienne a dépassé ce qui était admissible en Europe au titre légitime défense, quand elle est passée de la vengeance à la guerre d’extermination avec le projet de reprendre le contrôle de Gaza, d’étendre la colonisation en Cisjordanie, de judaïser Jérusalem, de régler de vieux comptes avec le Liban et la Syrie, de créer de nouvelles zones d’influence dans la région, cela a entraîné des débats byzantins en Europe sur l’utilisation du terme de génocide, dans un continent marqué par ses propres opérations de génocide ; l’Europe s’est abstenue de dénoncer les crimes de l’armée israélienne ; elle est restée l’alliée d’Israël ; elle n’a fait que dénoncer de loin les extrémismes, pour s’aveugler sur une situation d’occupation.

Ajoutons à cela que depuis 56 le rôle d’acteur occidental principal au Moyen-Orient a été abandonné aux Etats-Unis ; l’Europe a été réduite au rôle de figurante derrière Trump, et adopte même son langage théologique sur la Palestine. Les atrocités d’Israël à Gaza ont embarrassé ses alliés, mais le cessez-le-feu, même aux conditions israéliennes, a arrêté l’embarras, un cessez-le-feu qui laisse libre cours aux violations israéliennes ; comme si la guerre n’avait pas eu lieu, comme si la marginalisation de la population palestinienne n’existait pas.

La colère populaire dans nos pays ne se contente plus d’accuser l’Occident de duplicité, mais doute de l’existence de valeurs universelles ; l’idée postmoderne que ces valeurs sont le produit de rapports de force et de domination en vient à jouer le rôle de pensée prémoderne ; nous nous trouvons en situation de devoir défendre ces valeurs auprès des victimes au lieu de consacrer nos efforts à dénoncer la destruction de ces valeurs par les criminels et leur complice.

L’élément nouveau, qui permet de conclure sur une note positive, est l’émergence d’une nouvelle génération qui prend ces valeurs universelles au sérieux ; celle-ci ne prend pas son information dans les médias qui sont interdits de présence sur les territoires palestiniens. A l’opposé le Président Trump déclare ouvertement céder à ses financeurs électoraux, aux lobbies israéliens : il a reconnu pour cela, et il l’a dit, l’annexion du Golan et de Jérusalem ; il est tellement franc qu’il rend inutile les analyses politiques. Mais les jeunes dont il est question osent élever la voix dans des pays qui flattent et renforcent le Président américain. Israël et ses lobbies incitent alors à recourir à des menaces contre l’emploi et l’Université les visant directement. Auparavant le discours israélien était dominant en Europe et Amérique du Nord, donc n’avait pas à réprimer la liberté d’expression ; la perte de cette domination est l’élément le plus important à prendre en compte afin de consolider une solidarité politique revendiquant une solution juste pour la question palestinienne.   

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