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Billet de blog 23 janvier 2016

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Recension - Derrida, La Peine de mort

Derrida a consacré deux années de séminaire maintenant publiées à la peine de mort, peine exceptionnelle, peine cruelle, qui partage le droit, que la tradition philosophique tend à justifier tandis que la littérature et la psychanalyse tendent à la refuser. Il faut une philosophie modifiant sa conception de la raison pour désamorcer cette exception et cette cruauté.

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Etrange figure de l’homme, ou du propre de l’homme : lui seul n’aurait pas seulement le langage, la loi, la politique, la liberté, la responsabilité, la souveraineté, le rire, les larmes, l’expérience de la mort, le temps comme tel, mais aussi, en propre, la peine de mort, cette décision déclarée comme telle et déclarée légitime de tuer son semblable, selon un protocole et à une heure convenus. Derrida aura consacré deux années de séminaire à cette énormité à laquelle nous ne pensons pas tous les jours, d’abord parce qu’elle a été abolie en Europe, ensuite parce qu’elle est en droit exceptionnelle, enfin parce que nous pouvons toujours croire que nous sommes à l’an 2000, année où Derrida, écrivant et lisant son séminaire, pouvait constater que son application diminuait dans le monde ; il pensait aux Etats-Unis et à l’Iran… Sur ce dernier point, l’évolution récente de certains pays amis de la France démentissent ses espoirs mais rendent son séminaire d’autant plus important au moment de son édition : l’année 2015 n’est pas finie, mais le débat actuel sur l’implication de l’Arabie saoudite dans le terrorisme qu’elle combat officiellement doit inclure le fait qu’elle a déjà tué depuis janvier, d’une manière officielle et légale, par décapitation au sabre ou par lapidation, 146 condamnés, soit quarante de plus qu’en 2000 selon le chiffre donné par Derrida lui-même (ou encore six fois plus qu’en 2010) pour homicide, viol, vol à main armée, trafic de drogue, sorcellerie, adultère, sodomie, homosexualité, sabotage et apostasie. Que le sang versé en vienne à confondre la politique, la religion et les tabous (donc aussi les pulsions) sexuels, le droit commun et la répression, la cruauté et la loi, voilà ce qui étonnait Derrida et ce qu’il s’efforçait de démêler, alors même que la rigueur absolue qui devrait accompagner la pire des peines ne le fait pas, si bien que tout doit tendre, au nom de la pensée, du droit, de la distinction rigoureuse, bref, de la justice, à la condamnation sans appel, et rajoutons, sans compromission interne ou externe, de la peine de mort.

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