Divers journaux locaux et nationaux, comme Le Dauphiné Libéré ou le Figaro, ont publié le classement des lycées établi par le ministère de l'éducation nationale, qui voit un certain nombre d'établissements privés caracoler en tête nationalement et localement. J'avais dénoncé dans un précédent billet la collusion du président Queyranne et du recteur de l'académie de Grenoble dans le projet avorté de fermeture du lycée Emmanuel Mounier à la fin de l'année scolaire et leur volonté de favoriser un établissement confessionnel privé sous contrat. Ceci se trouve confirmé par ce "classement" et sa publication au moment où les familles des élèves de 3ème à Grenoble et ailleurs commencent à réfléchir à un choix d'établissement pour la rentrée prochaine : l'Externat Notre Dame se trouve à la 1ère place de l'Académie et au 9ème rang national.
Il y aurait bien évidemment beaucoup à dire sur la pertinence d'un classement qui met en concurrence les établissements scolaires et surtout son utilisation; contentons nous alors de quelques données chiffrées qui ont été extraites des fiches des deux établissements disponibles sur le site du ministère.
A propos du nombre d'élèves présentés au bac en 2010. 217 élèves à Mounier contre 77 à l'Externat. Dans ce dernier seulement 14 élèves en L (33 en ES et 30 en S). Sur des cohortes aussi faibles numériquement, cela défie l'entendement d'opérer des comparaisons statistiques entre établissements qui sont de taille différente : un seul échec d'un élève en L à l'Externat provoquerait une chute des résultats de la section ...
En ce qui concerne le taux d'accès à la 2nde et à la 1ère au bac 2010. Un élève entré en 2nde à Mounier a 57% de chances d'obtenir son bac contre seulement 46% à l'Externat. La "valeur ajoutée" de ce dernier est d'ailleurs jugée catastrophique par le MEN puisque évaluée à - 22 ! Cela vérifie ce qui est de notoriété publique, la politique de l'établissement consiste en grande partie à "filtrer" les élèves arrivés en seconde afin de présenter d'excellents résultats à la sortie. Et tant pis, si cela provoque des dégâts chez les élèves concernés puisqu'ils seront accueillis avec bienveillance dans le lycée public voisin (qui se situe à seulement un arrêt de tramway).
Pour ce qui est enfin de la proportion de bacheliers parmi les élèves sortants de 2010 (seconde, 1ère, Terminale). Là aussi on retrouve un écart important en faveur du public au détriment du privé sous contrat, car 66% des élèves entrés au lycée Mounier en ressortent avec le bac contre 58% pour l'Externat (et ce malgré le "filtrage" effectué en seconde !) Qu'est-ce qui vaut donc à ce dernier cette "prime à l'échec" accordée par le ministère et de se retrouver ainsi en tête de classement ?
Pour conclure, on aura bien compris que ce "classement" publié par le MEN correspond à des choix idéologiques (sélection, élitisme ...) plutôt qu'à une volonté de mesure objective des "performances" des établissements.
Et si, à l'instar du Boutan, qui à introduit le critère de BIB (Bonheur Intérieur Brut) dans sa comptabilité nationale, le MEN prenait en compte, par exemple, la qualité relationnelle qui existe entre professeurs, parents d'élèves et élèves au lycée Mounier (comme l'a démontré leur solidarité pendant leur lutte exemplaire), est-ce que celui-ci ne remonterait pas un peu dans le "classement" du ministère ?