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Billet de blog 7 octobre 2012

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Grenoble, après la tragédie, retour à la case 2010

 Pour tous les Grenoblois l'année 2010 restera à tout jamais une « annus horribilis » marquée par les émeutes de l'été à la Villeneuve et l'annonce de la fermeture du lycée Mounier, établissement de secteur de la Villeneuve.

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 Pour tous les Grenoblois l'année 2010 restera à tout jamais une « annus horribilis » marquée par les émeutes de l'été à la Villeneuve et l'annonce de la fermeture du lycée Mounier, établissement de secteur de la Villeneuve.

Celui-ci est pourtant un établissement « pilote » en matière de mixité sociale et de pédagogie (cf Le Clept). L'implication supposée de jeunes issus de ce quartier dans le double drame d'Échirolles rappelle à tous une accumulation de fautes, expliquant – en grande partie - le climat extrêmement lourd régnant aujourd'hui dans les quartiers sud de la commune de Grenoble.

Ainsi, dans un article de Benoit Pavan du 6 octobre 2012 paru dans le Monde, un acteur local déclare avoir été « loin de s'imaginer qu'une telle chose puisse se produire ». Or, les enseignants du lycée Mounier, praticiens placés en première ligne de par leur fonction, ne font pas exactement la même analyse : depuis de nombreuses années, ils ont constaté une très grave dégradation de la situation – augmentation des incivilités, des comportements violents, etc... - et à maintes reprises ont demandé à leur autorité de tutelle les moyens pour y faire face. Je me souviens, par exemple, d'une audience avec Bernard Lejeune, aujourd'hui conseiller « social » du ministre Peillon, et alors secrétaire général de l'académie de Grenoble, et des propos qu'il nous avait tenu : il nous avait dit en substance que les quartiers sud de Grenoble et les quartiers nord de Marseille ce n'était pas « la même chose », car l'on pouvait s'y promener le soir « en toute sécurité ». Maintiendrait-il ses propos aujourd'hui ?

Concernant notre lycée, on se souvient quelle a été la réponse des politiques au mois de septembre 2010, soit quelques semaines après les émeutes : l'annonce de la fermeture ! Aucun élu de la majorité PS – sans malheureusement la moindre exception - que nous avions alors cherché à rencontrer ( voir par exemple ici l'interpellation du député-maire Michel Destot à la Fête de la rose ) n'avait accordé la moindre écoute à nos arguments. A la lumière des événements récents et ceux de l'été 2010, on ne peut qu'être interloqué par cette cécité générale !

A l'élue de secteur qui se plaint de « l'instabilité des professionnels de terrain et des partenariats compliqués » dans l'article du Monde déjà cité et qui semble ainsi découvrir les difficultés propres à l'éducation et notamment la constitution d'équipes éducatives pérennes, nous avons envie de dire : que ne vous êtes-vous point souciée de la pérennité des équipes pédagogiques du lycée Mounier qui depuis des années accomplit un travail remarquable ? En effet, combien de fois n'avons nous dit aux élus de la majorité actuelle qu'il était plus facile de démolir un projet éducatif que d'en construire un ! Nous avions le sentiment de prêcher dans le désert ...

Voici pourtant ce qu'écrivait en 2006 dans sa partie conclusive un Inspecteur général de l'Éducation nationale dans une note au sujet du fonctionnement du lycée Mounier

  • Une mixité sociale des élèves, peut-être fragile, mais en tout cas réussie

  • Une volonté de réussite pour tous et d'excellence au niveau de l'orientation

  • De bons résultats aux baccalauréats et sur l'un des 2 BTS

Alors que le rapport sur la « refondation de l'école » vient d'être publié et que ce dernier dénonce les inégalités territoriales , allant jusqu'à parler de « discrimination négative » à l'égard des zones défavorisées, où l'Etat en réalité attribue beaucoup moins de moyens que dans les centre-ville, l'exemple du lycée Mounier prend une dimension toute particulière.

Ainsi aujourd'hui, les classes du l'établissement, qui compte pourtant le plus fort taux de boursiers de l'académie, fonctionnent à 35 élèves; notre collègue professeur documentaliste – parce que prétendument en surnombre – a été affectée au lycée Champollion (lycée de centre ville équivalent d'Henri IV à Grenoble) ; le BTS Management des Unités Commerciales, qui recrutait principalement des élèves des quartiers sud et dont les zones de stage se trouvaient dans les ZAC des environs, a été « transféré » au lycée du Grésivaudan de Meylan, qui est le Neuilly de l'agglomération ! Le « dépouillement » du lycée Mounier par le rectorat vire donc à une caricature de la lutte des classes ! Toujours plus pour ceux qui ont le plus et toujours moins pour les établissements socialement les plus défavorisés.

Nous sommes arrivés à un tournant : nous allons concrètement voir si avec la « refondation » le ministre Peillon se paye de mots ou s'il s'agit d'une véritable transformation de l'École ! Le ministre de l'intérieur Manuel Valls, quant à lui, a annoncé vouloir classer la Villeneuve en « Zone prioritaire de sécurité ». Le gouvernement va-t-il miser sur le tout sécuritaire comme sous Sarkozy et Guéant, en installant par exemple des caméras de surveillance à tous les coins de rue, ou va-t-il donner la priorité à l'éducation, c'est-à-dire à la prévention ? Le lycée Mounier attend la réponse et est prêt à relever le défi !

Sur Twitter : @j_soldeville

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