Ainsi, le recteur de l'académie de Grenoble aura réservé une de ses dernières décisions au lycée Mounier. A l'avant veille du deuxième tour des élections présidentielles, comme un dernier bras d'honneur adressé à la justice, il a fait parvenir à la direction du lycée Mounier un document dessinant un nouveau district de recrutement de l'établissement et allant à l'encontre de la décision de justice du 24 novembre 2011. La portée politique de cet acte n'échappera à personne et fait définitivement du lycée Mounier de Grenoble un symbole du mode de gestion sarkoziste de l'Éducation nationale.
Nous avons aussitôt réagi en nous adressant en ces termes aux présidents de groupe de la Ville et à Mme Geneviève Fioraso, la députée de la circonscription :
Le 31 janvier dernier, lors d'une déclaration commune au sujet de la situation du lycée Mounier, vous avez souhaité que « le nombre de classes de seconde augmente sensiblement à la prochaine rentrée scolaire et que le bassin de recrutement de l'établissement redevienne celui du secteur d'origine ».
Or, hier, nous avons été informés d'une modification du district scolaire à la rentrée 2012: si celle-ci prévoit bien la réintégration du collège Charles Münch dans le secteur de l'établissement, elle ne concerne que les familles logeant aux n° pairs et impairs de l'avenue Marcelin Berthelot, soit un nombre infime de familles!
Nous considérons cette décision du recteur comme une véritable provocation adressée à l'ensemble de la communauté éducative, ainsi qu'à la population grenobloise
qui, à travers ses élus, a montré son attachement au lycée Mounier et aux valeurs éducatives qu'il incarne.
Souhaitant que vous pourrez intervenir à nouveau auprès de Monsieur le recteur afin qu'il applique enfin les décisions de justice du 24 novembre 2011, je vous prie, Mesdames et Messieurs les présidents de groupe, d'agréer l'expression nos plus hautes considérations républicaines.
Depuis le début de l'affaire du lycée Mounier à la rentrée 2010, celle-ci aura en effet réuni tous les ingrédients de ce qui restera probablement dans les livres d'Histoire sous le nom de « sarkozisme », un système de valeurs et de pratiques, recourant à hautes doses au mensonge, méprisant la justice, les services publics et les corps intermédiaires!
Ainsi, depuis le mois de novembre 2011, date à laquelle le juge administratif a ordonné l'annulation des décisions prises par le président de Région et le recteur, contre toute logique, ce dernier n'a eu de cesse de proclamer qu'il n'était pas concerné par le jugement. La modification du district scolaire évoquée plus haut et qui intervient à deux semaines d'une audience au Tribunal administratif (suite à un nouveau recours d'élus du conseil d'administration) montre qu'il n'en est rien.
Mais ce mensonge s'accompagne d'un mépris pour le travail et l'investissement des équipes pédagogiques. La semaine passée, dans le cadre d'un projet mené depuis deux ans en partenariat avec l'INP autour des nanotechnologies, le lycée Mounier a eu l'honneur de recevoir un prix Nobel de physique, en la personne d'Albert Fert, découvreur de la magnétorésistance géante ; un compte rendu de cette visite est consultable sur le site du Café pédagogique, qui souligne son caractère innovant et son intérêt pédagogique indéniable; or, le recteur (ni d'ailleurs aucun représentant du rectorat...), invité par le chef d'établissement, n'a pas daigné être présent pour accueillir Albert Fert, montrant ainsi clairement un grand dédain et un grand mépris pour un projet pourtant d'intérêt général!
Autre exemple d'une violence, qui ne fut pas que symbolique, les propos irrespectueux et insultants tenus à l'encontre de tous ceux qui osèrent s'opposer à la disparition du lycée sous les bulldozers des démolisseurs, rapportés par le Dauphiné Libéré du 29 novembre 2010 : « Ceux qui prétendent que la fermeture de Mounier a pour but de faire des économies ou alimentent le débat complètement débile d'un lycée de trop sur Grenoble feraient mieux d'aller voir un psychiatre ». Voilà une déclaration très dans le ton du mépris des élus et des « corps intermédiaires », si honnis par Sarkozy pendant la campagne écoulée!
Bien entendu, les enseignants résistant à cette politique ne furent pas épargnés; ainsi lors de la cérémonie de remise des Palmes académiques du 30 septembre 2011 : « J'accorde beaucoup d'importance au respect de nos principes fondamentaux: nous accueillons tous les élèves sans exception, nous maintenons notre tissu éducatif même si parfois j'aimerais bien expédier certains enseignants à Oulan Bator plutôt que de les voir mettre des poubelles devant les établissements... », ce qui valut alors au recteur cette réponse cinglante de Robert Moulin, proviseur honoraire et officier des Palmes académiques : « Comment pouvez-vous concilier le respect des principes républicains dont vous vous réclamez et le rêve que vous caressez de « déporter » certains enseignants à Oulan Bator ! Seriez-vous un nostalgique de la période où il était possible de déporter en Nouvelle Calédonie Louise Michel dont la « faute » majeure était sa lutte pour l'avènement d'une République digne de ce nom? »
Enfin, cynisme identique et mépris souverain pour la justice: au mois de janvier dernier, lors d'une réunion entre des représentants du conseil d'administration et du staff de direction du rectorat au complet, nous eûmes ainsi la stupeur d'entendre le recteur représentant de l'État critiquer devant nous une décision de justice en la qualifiant de « non applicable » et de … « délirante » ! Imagine-t-on un citoyen respectueux des institutions et de la justice républicaine tenir publiquement de tels propos?
Nous avons d'ailleurs eu confirmation des liens entre l'actuel recteur de Grenoble et le régime sarkoziste, lorsque nous avons découvert qu'il faisait bénéficier de ses hautes compétences le pôle universitaire privé Léonard de Vinci (université privée du département des Hauts-de-Seine, plus connue sous l'appellation de « Fac Pasqua », elle même évoquée par les sociologues Pinçon-Charlot dans leur ouvrage Le président des riches) , dont il a continué à présider, parallèlement à ses fonctions dans le public, le conseil stratégique et pédagogique (cf le site du PULV).
Allons-nous maintenant enfin sortir de cette ère de mépris et d'insultes? Pendant sa campagne, le candidat Hollande a déclaré vouloir accorder sa priorité à la formation de la jeunesse et à la justice : son gouvernement et son ministre de l'Éducation auront l'occasion très rapidement de mettre en oeuvre cette nouvelle politique au lycée Mounier, qui, à lui seul, ces deux dernières années, a été un véritable condensé des méthodes détestables et iniques de ce que nous espérons être la parenthèse sarkoziste!