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Billet de blog 9 février 2025

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Les irresponsables

Bayrou, comme l'avait fait Sarkozy en son temps, offre sur un plateau un débat sur l'identité nationale au RN. Derrière le calcul politicien du Premier ministre pour éviter la censure, le glissement de la droite vers les thèses les plus réactionnaires est malheureusement accompagné par une composante du NFP. Les leçons du passé ne servent à rien ?

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Demain à l'Assemblée nationale, il y aura le vote d'une motion de censure sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au programme les 3,7 milliards d'économies sur la Santé et un dispositif scandaleux de taxation sur les apprenti-es. Mais ce vote s'inscrit également dans un contexte politique très particulier. En effet, le premier ministre Bayrou a choisi d'ouvrir un « débat large sur ce qu'est être français » dans la continuité de la loi scélérate « Asile et Immigration » de décembre 2023.

Rouvrir le débat sur l'identité nationale est en fait un cadeau fait à l'extrême-droite, car il va alimenter ses discours xénophobes et racistes. Le Premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure en déclarant que le débat sur l'identité nationale n'était pas « tabou » commet une grave erreur. Aurait-il déjà oublié le fiasco de la séquence sur la déchéance de nationalité en 2015 sous le gouvernement Hollande-Valls ?

Le Pen s'engouffre déjà dans la brèche ainsi ouverte par ces apprentis-sorciers : elle déclare à propos du droit du sol, que ce « débat dure depuis 25 ans ». Rien n'est plus inexact, ce débat est en définitive presque aussi vieux que la République. On retrouvait la distinction entre ce qui serait la bonne et la mauvaise identité et les propos de stigmatisation d'une partie de la population d'origine étrangère chez les opposants aux lois de 1889 et de 1927 sur la naturalisation ; ils entendaient déjà créer une distinction factice en Français de souche et « Français de papiers », distinction dont on sait qu'elle a été reprise par le ministre d'extrême-droite Retailleau. 

L'objectif politique du RN est la suppression du droit du sol dans tout le pays. Pour y parvenir Le Pen veut faire croire que l'acquisition de la nationalité française est automatique lorsqu'on nait en France. Or, rien n'est plus faux ! Contrairement aux Etats-Unis, en France le droit du sol est conditionnel et on ne nait pas Français-e tout à fait par hasard. Il y a automaticité dans une seule situation précise appelée le double droit du sol : si vous êtes né-e en France d'un parent lui-même né en France,  alors vous êtes automatiquement français comme le prévoit l'article 19-3 du Code civil.

Rompre avec cet héritage et ce cadre législatif reviendrait à plonger des dizaines de millions de Français-es ayant une ascendance étrangère dans un imbroglio administratif et juridique sans nom. L'enjeu de la censure soumise au vote des député-es demain dépasse donc largement la question du financement de la sécurité sociale. Il s'agira de se positionner dedans ou hors la majorité réactionnaire et irresponsable qui sert de marche pied à l'extrême-droite ! 

                                                                                                                                                                                         Grenoble, le 9/2/2025

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