Histoire d'une restructuration classique
Depuis des années les bâtiments du lycée Emmanuel Mounier de Grenoble doivent faire l'objet d'une restructuration par la région Rhône-Alpes. Après de longues études les services de la région ont présenté en 2008, en accord avec les membres du conseil d'administration, un projet de restructuration en deux phases. L'assemblée régionale à majorité socialiste, présidée par M.Queyranne, a voté ce projet en assemblée plénière.
Phase 1 : Construction d'un nouveau bâtiment de 4000 m2.
Le lycée actuel (batiments D et E) reste en service (occupé par la communauté pédagogique).
Entre les 2 phases : Transfert des 800 élèves dans le bâtiment neuf. Démolition du bâtiment D de 7 étages non réhabilitable.
Phase 2 : Réhabilitation du bâtiment E.
Quand ça « grippe » en hiver
Alors que ce projet de restructuration suivait son cours, début 2010, la région a marqué le pas puis tout arrêté. La réunion de lancement du concours d'architectes pour la phase 1, prévue mi-février 2010, a été ajournée et n'a toujours pas eu lieu. Avril 2010, sans raison apparente, la région a relancé une expertise pour vérifier si la réhabilitation du bâtiment E (prévue dans la 2ème tranche) était envisageable. La convention de rattachement du CLEPT à Mounier n'a pas été signée. Fin mai 2010 la région a fermé la partie nord du bâtiment E prétextant un problème de sécurité. En Juin 2010 des capteurs et un système de surveillance étaient installés sur ce bâtiment E.
Annonce d'une fermeture programmée
Le samedi 25 septembre 2010 le président de Région Queyranne annonçait, par voie de presse, que le lycée Mounier vivait sa dernière année scolaire et qu'il allait fermer en Juin 2011 pour raisons de sécurité. Le lundi 27 septembre l'annonce était faite au conseil d'administration extraordinaire, à qui l'on remettait, en fin de séance, un extrait du rapport des experts et un document de synthèse de la région qui avaient motivé la fermeture. Dès le lendemain matin, mardi 28 septembre, les parents des 800 lycéens recevaient une lettre, cosignée du président de région et du recteur, les informant du résultat du conseil d'administration de la veille : la fermeture prochaine du lycée et le redéploiement des élèves. Cette lettre avait été postée AVANT la tenue du conseil d'administration. Ce même mardi, dans la presse, le recteur donnait les détails de ce redéploiement en mentionnant avec une précision impressionnante la répartition des filières, options et élèves sur les différents établissements du sud de Grenoble.
Création du Collectif Mounier
Les élèves, parents, professeurs et personnels du lycée Mounier, assis devant l'entrée le soir du conseil d'administration avaient exigé un rendez-vous avec le président de région. La rapidité et la brutalité de l'annonce de la fermeture par M. Queyranne, alors qu'aucun élu de l'assemblée régionale n'en avait eu vent, même pas la commission en charge des lycées qui avait siégé mi-Septembre étaient pour tous le signe évident que la décision avait été prise en comité restreint. La promptitude du rectorat à répartir les filières et options prouvait qu'il était au courant depuis quelques semaines de cette fermeture et avait travaillé en lien étroit avec la région depuis. En approfondissant le « bout » de dossier technique, les incohérences paraissaient évidentes et des pièces essentielles manquaient. Persuadés que la vérité n'était pas celle qui leur était présentée, les élèves, parents, professeurs et personnels du lycée ont décidé d'une Assemblée Générale commune : le Collectif Mounier était né.
Rendez-vous M. Queyranne
De demandes de documents techniques manquants en propositions de confrontation de nos conclusions les choses ont vite pris une dimension politique à la région. Nous avons refusé la proposition de M. Queyranne d'une première réunion « impossible » à Charbonnières le lundi 4 octobre à 8h. Devant l'impossibilité de communiquer avec les services techniques nous avons rapidement sollicité le cabinet du président pour une entrevue dont nous avons fixé l'ordre du jour. C'est à la mairie de l'Isle d'Abeau le samedi 17 octobre que M. Queyranne a reçu une délégation du Collectif Mounier. Nous avons mené la réunion, fichiers de présentation à l'appui. Elle a duré 3 heures et les échanges ont été vifs. Nous avons tout de même pu exposer notre vision du dossier, en particulier il nous paraissait impensable de tirer des conclusions sur la sécurité d'un bâtiment à partir d'expertises de réhabilitation. M. Queyranne a convenu qu'il serait bon de faire réaliser des «expertises complémentaires» sur l'utilisation des bâtiments dans les 5 ans à venir. Remise des résultats à la fin des vacances scolaires. Pour les documents manquants au dossier, ils nous seraient fournis dans les prochains jours... Pourquoi pas si le président voulait se donner une porte de sortie du conflit ? Mais pour nous ça n'était pas utile, les professionnels à qui l'on avait montré le dossier étaient formels: pas de problème de sécurité à court terme (10 ans).
Enseignement assuré, actions symboliques médiatisées
Au lycée, la vie continuait, les cours étaient dispensés et des A.G. ponctuaient l'emploi du temps. Toute sorte d'actions « symboliques » étaient menées avec une mobilisation des élèves et une couverture médiatique qui ne faiblissaient pas : «freeze» devant l'antenne de région, pose de la première pierre du futur bâtiment, concert de casseroles etc... Nous avons décidé de formaliser nos échanges, de les « tracer » par des courriers recommandés. Mais le temps passait, sans réponse, il devenait urgent de marquer les esprits à la région avant les vacances d'automne.
Charbonnières : chassé croisé et réunions écourtées
Le Collectif a décidé de s'inviter à la plénière du jeudi 21 octobre avec deux objectifs : Informer l'ensemble des élus du dossier Mounier et confronter les conclusions de nos analyses techniques avec celles de la région. Trois cars sont partis à 6h30 de Grenoble pour le siège de la région, avec à leur bord des élèves, des profs, des parents et des personnels du lycée. A la région nous avons fait une haie d'honneur aux élus et avons manifesté avec des chants, des banderoles et les fameux autocollants « We ♥ Mounier ». Mais en guise de réunion technique nous avons eu droit aux mêmes discours de sécurité qu'auparavant. Alors nous avons quitté une première réunion. Puis, après discussion, fini par en obtenir une nouvelle, qui a mal tourné elle aussi. Pendant ce temps, les services de la région étaient à Grenoble pour mandater des bureaux d'étude avec une mission d'expertise sur la sécurité dont le seul libellé induisait la réponse ! Lorsque nous avons découvert ce « chassé croisé » nous l'avons dénoncé et le cabinet du président a tenté de nous impliquer dans une réécriture de la mission... Heureusement nous avions réussi à présenter à un groupe d'élus notre dossier et multiplié les contacts au sein de l'assemblée.
En fin de journée, dans le débat prévu sur les lycées tous les groupes se sont exprimés sur le dossier Mounier, notre cause était enfin entendue...
Expertises complémentaires sous haute méfiance
Nous avions obtenu les documents manquants, notamment des relevés de géomètre. Pourtant, si le discours politique semblait s'ouvrir, la position technique n'avait guère avancé. Tout ce « jeu » dans lequel la région voulait nous faire entrer paraissait plus que suspect. Et puis, pourquoi mandater tant de bureaux d'études si ce n'est pour que l'un au moins conforte la décision de fermeture ? Le terrain des expertises serait-il miné ? Dès le lendemain, vendredi 22 octobre, Hafida (notre spécialiste du dossier technique) a contacté des experts agréés pour faire réaliser un diagnostic sécurité non contestable. L'accès aux bâtiments pour nos experts a été refusé. D'ailleurs la région nous croyait-elle capable de mandater des experts ? Comme toujours la situation était confuse, une réunion était annoncée mélange de confrontation technique et de rendu d'expertises complémentaires. Nous avons refusé cette réunion suspecte !
Coup de poker contre Joker
Les résultats des expertises complémentaires étaient présentés à l'exécutif régional dès le vendredi 5 novembre, des informations filtraient, elle semblaient positives. Une grande réunion sur l'avenir du site Mounier était programmée pour le lundi 8 novembre, réunion à l'antenne de région de Grenoble à laquelle tout le « gratin dauphinois » était convié ainsi que les représentants syndicaux et de fédération de parents d'élèves, mais pas le Collectif ! Une fois de plus nous devions « nous inviter » à la région. C'est ce que nous avons fait. Une délégation a pu assister à l'annonce de M. Queyranne. Et quelle annonce ! Globalement les conclusions des bureaux d'études confortaient la décision de fermeture. Toutes les solutions alternatives pour maintenir les élèves sur site pendant la première phase des travaux avaient été étudiées. Il fallait se rendre à l'évidence : toutes s'avéraient impossibles. La délégation montait au créneau dénonçant une manipulation.
La région ripostait avec ses arguments de sécurité, de mise sous surveillance des bâtiments, etc... Enfin le Collectif sortait son Joker : l'expertise indépendante indiscutable. Le président questionnait : quel délai pour le rapport définitif de notre expert ? Ah, 8 à 10 jours... Les élus locaux présents étaient livides, les syndicats reprenaient sur le thème de « l'aubaine » de la fermeture tant pour la région que pour le rectorat. Pour le Collectif Mounier c'est devenu un classique : face au refus de la région de prendre en compte ses arguments et dénonçant le déni de démocratie du président le Collectif quittait la séance, suivi de certains représentants syndicaux. La «confrontation» n'aura duré qu'une heure. Après notre départ, la réunion a repris et au « point presse » qui a suivi, M. Queyranne a annoncé que la région se donne 15 jours pour étudier « toutes les solutions évolutives » , étonnant après la détermination dont il avait fait preuve devant nous ? Une analyse syntaxique de la formule s'impose : « Solutions évolutives »...
La lutte continue
Nous l'avons dit et répété, puisque la discussion est stérile l'affaire Mounier est maintenant portée à la connaissance de l'opinion publique et le dossier technique va être « étalé au grand jour » dans la presse et sur la place publique.
Nos convictions : Le projet initial des travaux n'aurait jamais du être arrêté,
la Phase 1 du projet initial est réactivable immédiatement.
Le risque étant écarté pour les cinq ans à venir
les bâtiments D et E sont utilisables pendant cette phase.
Nos moyens : La mobilisation et la lutte citoyenne
Notre objectif : La reconstruction sur site sans redéploiement du lycée Mounier
Nos questions :
Comment une région PS peut-elle justifier la fermeture d'un établissement scolaire au fonctionnement exemplaire ?
Comment une région PS ose-t-elle agiter l'épouvantail de la sécurité à tort et à travers ?
Quel avenir pour l'école publique républicaine si une région PS joue la même partition qu'un gouvernement de droite ?
Quelle démocratie si les décisions sont prises en comité restreint sans vote des représentants élus du peuple ?