Jérôme Soldeville (avatar)

Jérôme Soldeville

enseignant

Abonné·e de Mediapart

116 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 mars 2025

Jérôme Soldeville (avatar)

Jérôme Soldeville

enseignant

Abonné·e de Mediapart

De Blida à Grenoble, la guerre au peuple

Dans un contexte où l'extrême-droite mène campagne et où l'on voit dans des medias une censure des expressions concernant les crimes coloniaux commis par la France, rappelons que cette violence a aussi été déployée dans la métropole contre les populations civiles comme à Grenoble en 1832. Ce que Victor Hugo a résumé ainsi : « L'armée française faite féroce par l'Algérie ».

Jérôme Soldeville (avatar)

Jérôme Soldeville

enseignant

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a tout juste 193 ans, le 11 mars 1832, sous la monarchie de Juillet, un bataillon en garnison à Grenoble était requis par le préfet Maurice Duval pour disperser sans sommation à coup de baïonnettes un charivari. Une violence disproportionnée exercée à l'encontre de la population civile au regard de la nature l'incident !

En raison de l'opiniatreté des Grenoblois-es et du retentissement national de l'événement, et ce malgré l'opposition de Casimir Perier, Président Conseil de Louis-Philippe, le bataillon dut quitter la ville sous les hués de la population, tout en étant soutenu et félicité par le préfet. Une seconde « Conduite de Grenoble » après celle de juin 1788 venait de se produire !*

Quelle avait été l'origine de cette irruption de violence dans la paisible et industrieuse cité alpine ?

Etait impliqué le 35e régiment d'infanterie de ligne, arrivé en Afrique avec les premières troupes de l'expédition de juin 1830 et ayant participé au siège d'Alger, puis, sous les ordres du général Clauzel à la prise de Blida qui fut le théâtre du premier massacre de civils (800 morts), commis par l'armée française, pas plus de quatre mois après la prise d'Alger.

Y avait été perpétué les pratiques exercées à Saint-Domingue en 1802 contre les esclaves révoltés : « Blida était encombrée de cadavres, dont des vieillards, des femmes, des enfants autochtones et des Juifs, des gens tout à fait inoffensifs. Très peu paraissaient avoir appartenu à des gens qui eussent eu la volonté ou le pouvoir de se défendre. Après un si grand carnage, on ne trouva point d’armes sur les vaincus »**

Et nul besoin à cette époque d'être un raciste et un colonialiste de la pire espèce pour être en accord avec la politique d'extermination. On trouve par exemple cette remarque de Stendhal dans les Mémoires d'un touriste dans une note en date de 1837 : les Français qui ne savent pas gérer la situation en Algérie devraient prendre modèle sur les Etats-Unis. Or, à cette époque y était appliqué l'Indian Removal Act (1830) qui présida au destin tragique et au déplacement forcé de dizaines de milliers d'Indien-nes. ***

Deux années après l'incident de Grenoble, en 1834, le Ministre de l'intérieur Thiers, inflexible face à l'agitation sociale écrasera les émeutes républicaines à Lyon et à Paris, et mettra en oeuvre des procédés colonialistes, dont ne relevaient jusqu'ici que des Arabes d'Algérie et les Noirs d'Afrique pour paraphraser Aimé Cesaire. En effet, la presse révèlera que le 35e régiment d'infanterie de ligne qui s'était si malheureusement rendu célèbre par l’affaire de Grenoble avait égorgé ou tué à coup de baïonnettes hommes, femmes, enfants, vieillards et handicapés, occupants de la maison de la rue Transnonain à Paris.

La colonisation n'a pas joué de « rôle positif » et n'a certainement pas été une « bénédiction » comme aime à le faire croire une partie de la droite et l'extrême-droite négationniste. Sur les deux rives de la Méditerranée, elle n'a provoqué sur les populations que malheur, destructions, massacres et injustice. Si le cycle oppression, résistance, répression a concerné en premier chef le territoire colonisé, il a aussi touché les populations laborieuses en métropole, qui ont aussi fait les frais de cette culture de la violence et du meurtre dont nous avons collectivement hérité.

@jsoldeville

* https://blogs.mediapart.fr/jerome-soldeville/blog/230423/les-casseroles-de-foutriquet 

** Eugène Pélissier de Reynaud, Les Annales Algériennes, Tome I (édition de 1836), page 166

*** Alain Ruscio, La première guerre d'Algérie, Une histoire de conquête et de résistance 1830-1852, Ed. La Découverte, 2024, page 378

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.