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Billet de blog 26 février 2022

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Jean Jaurès et la crise ukrainienne

Dans le contexte de la crise ukrainienne et de néolibéralisme triomphant, les prises de position de Jean Jaurès avant le massacre européen de la Première Guerre Mondiale demeurent d’une très grande actualité. Méfions nous des discours bellicistes !

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Lors d’une interpellation pendant la séance à l’Assemblée Nationale du 7 mars 1895, le député socialiste Jean Jaurès soulignait déjà le rôle des appétits commerciaux privés dans le déclenchement de la guerre : « Partout ce sont ces grandes compétitions coloniales où apparaît à nu le principe même des grandes guerres entre les peuples européens, puisqu’il suffit incessamment de la rivalité déréglée de deux comptoirs ou de deux groupes de marchands pour menacer peut-être la paix de l’Europe. »

Pour lui l’ordre économique et les désordres liés à la concurrence sans limite étaient à l’origine des conflits : « Et alors, comment voulez-vous que la guerre entre les peuples ne soit pas tous les jours possible, lorsque dans nos sociétés livrées au désordre infini de la concurrence, aux antagonismes de classe et à ces luttes politiques qui ne sont bien souvent que le déguisement des luttes sociales, la vie humaine elle-même en son fond n’est que guerre et combat ? »

Ce que bien des bellicistes d’aujourd’hui devraient méditer : « Ceux qui de bonne foi s’imaginent vouloir la paix, lorsqu’ils défendent contre nous la société présente, lorsqu’ils la glorifient contre nous, ce qu’ils défendent en réalité sans le vouloir et sans le savoir, c’est la possibilité permanente de la guerre ; c’est en même temps le militarisme lui-même qu’ils veulent prolonger. »

Car la guerre est avant tout le résultat de la violence de l’ordre social et économique : « Car cette société tourmentée, pour se défendre contre les inquiétudes qui lui viennent sans cesse de son propre fonds, est obligée perpétuellement d’épaissir la cuirasse contre la cuirasse ; dans ce siècle de concurrence sans limite et de surproduction il y a aussi concurrence entre les armées et surproduction militaire : l’industrie elle même étant un combat, la guerre devient la première la plus excitée, la plus fiévreuse des industries. »

« Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage. »

La solution de Jaurès reste plus que jamais d’actualité : « Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie – qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille – un régime de concorde sociale et d’unité. »

Tandis que l’horizon international s’assombrissait et que se préparait le massacre de toute une génération, Paul Mistral, qui deviendra maire après la guerre en 1919, se rapprocha de Jean Jaurès qu’il invita à plusieurs reprises à Grenoble. Comme lui pacifiste et internationaliste convaincu, il défendit ardemment ses thèses, mena à ses côtés, tous ses combats pour la paix au coeur des débats des législatives de 1914.

Après l’assassinat de Jaurès, Mistral tout en faisant preuve d’un « patriotisme sourcilleux », interpellera vigoureusement le gouvernement et lui demandera de redéfinir ses buts de guerre. « Affirmant que la paix pouvait être conclue sans humiliation pour personne », il réclamera, annonçant la future Société des Nations, « l’institution d’un organisme international de juridiction et de sanction destiné à régler les conflits entre Etats ».

Aujourd’hui comme hier la paix en Europe passe par la voie diplomatique et la sécurité collective par la convocation d’instances comme l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe).

@jsoldeville

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