Comme l'a montré Sophie Wahnich dans son ouvrage « La liberté ou la mort », allant à contre courant de la vision aujourd'hui dominante de la Révolution, pour laquelle après 1789-1790, elle n'aurait été que flots de sang et massacres et elle aurait été la matrice des totalitarismes, thèse qui avait été celle de l'historien François Furet.
Or, très curieusement, le titre du film « Vaincre ou Mourir » par un procédé de détournement et de renversement, s'inspire de la devise révolutionnaire et l'attribue à François Charette, alors que les monarchistes légitimistes en 1793 (et au delà*) ne juraient que par le roi et par dieu.
Vaincre ou mourir, tel fut, en effet, le dilemme des révolutionnaires et républicains français engagés dans une lutte à mort contre l'ensemble des monarques d'Europe ligués contre la République, et on aurait tort de ne pas voir la légitimité de la violence en pareille situation.
Le hold-up historique ne s’arrête pas au titre du film, il s’agit de présenter aussi la vulgate réactionnaire du « Puy du Faux », pour reprendre le titre de l'ouvrage des historien-nes Ducret, Besson, Lancereau et Larrère.
Face aux poncifs de l'ultra-droite catholique, Jean-Clément Martin rappelle que « la guerre de Vendée » est une dénomination inventée par les révolutionnaires eux-mêmes dans un contexte politique effroyable, où partisans des Girondins, des Montagnards et de la Sans-Culotterie se détestaient et se nuisaient mutuellement ; quant à la « Terreur », elle ne peut exclusivement être liée à la République, si l’on se souvient des horreurs de la st-Barthélémy jusqu'aux aux répressions des émeutes paysannes, toutes associées à la monarchie de droit divin. Sans parler de la « Terreur Blanche », qui a suivi la Révolution, qui a été beaucoup plus longue et sanglante... Et tant pis pour la réalité historique, si Robespierre, qui avait soutenu les sans-culottes jusqu’en décembre 1793, s’est prononcé à plusieurs reprises contre « la Terreur » . Il y a bien eu des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Vendée, mais point de « génocide ».
Malheureusement, la guerre de Vendée ne fut pas l’épisode guerrier le plus abominable et le plus cruel de la période : la guerre contre les esclaves soulevés à Saint-Domingue (Haïti) dès 1791 a été marquée de massacres atroces, de même que l’expédition de Bonaparte en Egypte en 1798 ; ensuite, les révoltes populaires en Italie et en Espagne, liées à l'occupation française, donnèrent lieu à des affrontements sauvages que la mémoire nationale a oublié. On pourrait continuer par les atrocités commises par les troupes françaises lors de la conquête de l’Algérie, commencée par la monarchie absolutiste de Charles X et menée d'ailleurs par .... d’anciens chefs chouans.
Mais le discours villiériste tourne carrément à l'escroquerie intellectuelle, lorsqu'il oppose une armée des Vendéen-nes, quasi mixte (donc féministe ?), à une armée composée uniquement d'hommes (masculiniste ?), en inversant le sens d’une histoire, où la citoyenneté politique des femmes ne fut justement jamais aussi forte que durant l’été 1793, avec le club des Citoyennes républicaines révolutionnaires, et dont l’un des personnages les plus emblématiques fut la citoyenne Pauline Léon**.
En effet, une première dans notre histoire, la Révolution vit l’apparition d’un club féminin fonctionnant en « non mixité » menant la lutte autonome des femmes qui revendiquaient le droit de porter des armes ! L'UNI, financée par Wauquiez, qui veut empêcher en ce moment les réunions non mixtes à l'Université Grenoble Alpes, en aurait fait des cauchemars ... Au moment de l'hommage à l'Ami du peuple, Jean-Paul Marat, assassiné en juillet 1793, elle proclamera : « Consolidons la République, fondons, assurons pour toujours le bonheur de nos concitoyens ; c’est la seule manière de le venger digne de lui »***.
Des paroles d'une grande actualité. N’est-ce pas, amies et amis « républicains », qui, en votant le passage de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, « massacrent » l’avenir des femmes de ce pays !
@jsoldeville
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* « Dieu et le roi voilà nos maîtres, Onc (jamais) n'en aurai d'autres », devise légitimiste qui figure à Grenoble sur le socle de la statue de Pierre Terrail, seigneur de Bayard, et chevalier (que d'aucun chercheraient à présenter comme un féministe !) datant de la Seconde Restauration et de Charles X (1822).
** A Grenoble, en décembre 2022, lors du 230e anniversaire de sa première désignation au suffrage universel (masculin), le conseil municipal a pris la décision d'honorer Pauline Léon, co-fondatrice de la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires (juillet 1793), en lui donnant le nom d'une rue dans le quartier Chorier-Berriat.
*** Pauline Léon, une républicaine révolutionnaire, Claude Guillon https://journals.openedition.org/ahrf/6213