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Billet de blog 27 février 2013

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Vivent les citoyennes et les citoyens qui savent résister !

A l'heure du décès du résistant Stéphane Hessel, dont la vie entière nous rappelle le DEVOIR et le RISQUE de l'engagement, un citoyen grenoblois simple parent d'élève encourt une condamnation pour avoir mené une action de désobéissance civile face à un recteur ayant refusé d'appliquer des jugements du tribunal administratif de Grenoble.

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A l'heure du décès du résistant Stéphane Hessel, dont la vie entière nous rappelle le DEVOIR et le RISQUE de l'engagement, un citoyen grenoblois simple parent d'élève encourt une condamnation pour avoir mené une action de désobéissance civile face à un recteur ayant refusé d'appliquer des jugements du tribunal administratif de Grenoble. Des membres du collectif du lycée Mounier, parents et professeurs, ont souhaité comparaître volontairement avec le prévenu afin de s'en déclarer solidaires et de démontrer que son action était l'expression d'une volonté collective de protestation contre un haut représentant de l'État agissant contre l'intérêt général en saccageant le projet éducatif, citoyen et social que constitue le lycée Mounier de Grenoble. Voici la déclaration que Marc Garnier, convoqué au tribunal pour des "dégradations sur le parvis du rectorat" a lue hier à la présidente du tribunal correctionnel de Grenoble. [comité de soutien http://lycee-mounier.fr/ListeSoutien.html ]

Madame la présidente, 
 

Diplômé ingénieur, je travaille comme Formateur à l’école de la deuxième chance de Grenoble. Tous mes enfants ont étudié au Collège Olympique, où j’étais très impliqué comme parent d’élève FCPE élu au Conseil d’Administration pendant 10 ans.  L’annonce brutale de la fermeture du lycée Mounier, fin Septembre 2010 a été un véritable traumatisme : tout le travail effectué pendant des années pour maintenir dans les quartiers sud un service public d’enseignement de qualité et convaincre des familles de classes moyennes de scolariser leurs enfants dans le secteur, tout ce travail était balayé d’un revers de manche par le Président de Région et le Recteur. 
 
Comment était-il possible, à Grenoble, haut lieu de la Révolution française, berceau d’une émancipation démocratique historique, de fermer un lycée aussi facilement, avec si peu d’éléments tangibles ? Toute la communauté éducative du lycée s’est mobilisée. Mon devoir, notre devoir de parent n’était-il pas de sauver le lycée Emmanuel Mounier ? Mon devoir, notre devoir de citoyen n’était-il pas de faire toute la lumière sur ce « sombre » dossier ? 
 
Pendant de longs mois nous avons lutté, collectivement, publiquement et de façon non violente. Ce mouvement citoyen exemplaire et responsable rassemblait des lycéens, des enseignants, du personnel et des parents d’élèves du lycée.  Tous les cours étaient assurés. Vous pouvez demander aux services de la préfecture, aucun dégât n’a été causé. 
 
Le recteur s’entêtait, affirmant que « garder trois classes (par niveau) c’est pédagogiquement intenable » (Dauphiné Libéré du 26/01/2011). Pourtant, dès le mois de Mai, ce même recteur prenait des arrêtés réduisant de façon drastique le secteur de recrutement du lycée et les effectifs en classe de seconde à trois sections pour la rentrée de Septembre 2011. Tout ceci est--il cohérent, je vous le demande Madame la présidente ? 
 
Le 24 Novembre 2011 le tribunal administratif de Grenoble donnait raison au Collectif et annulait les arrêtés du Recteur, avec effet en fin d’année scolaire. Le Président de Région décidait de se conformer à la décision de justice, en rouvrant tous les bâtiments et en redonnant au lycée son entière capacité d’accueil. Le recteur, lui, refusait et quelques jours après, dans une interview à Grenews du 30 Novembre 2011, se déchainait affirmant  alors que « Le bâtiment bouge d’environ 1mm par mois », ce qui est faux et n’apparait pas dans les relevés « Ce bâtiment est un véritable château de cartes », un château de carte notre lycée construit depuis 1963 ? et surtout « Ceux qui prétendent que la fermeture de Mounier a pour but de faire des économies ou alimentent le débat complètement débile d’un lycée de trop sur Grenoble feraient mieux d’aller voir un psychiatre ». Je n’ai pas suivi ses conseils… 

De telles affirmations infondées et surtout cet acharnement contre le Collectif, traité ni plus ni moins que de fou, sont-elles dignes d’un haut fonctionnaire de l’État ? Le recteur décidait de faire appel de la décision du 24 Novembre 2011. Le Collectif a multiplié les courriers et les recours pour « faire appliquer la décision du tribunal administratif », en vain, le tribunal jugeant que le recteur n’avait pas encore pris de décision pour la rentrée 2012. 

Début Juin aucun arrêté n’avait été pris par le recteur. Les familles du secteur initial de Mounier, qui devaient remplir les dossiers de vœux pour l’affectation de leurs enfants en seconde ne savaient pas du tout dans quel lycée inscrire leurs enfants… Quant à l’appel du ministère, s’il était mis en délibéré, nous avions assisté à l’audience au tribunal administratif de Lyon et nous savions que le rapporteur avait demandé son rejet. 
 
C’est dans ce contexte très tendu, madame la présidente, que nous avons organisé un rassemblement « pique-nique » devant le rectorat le 4 juin 2012. Notre but, alerter les participants au CAEN (Conseil Académique de l’éducation nationale) de la situation de grand désarroi des familles du secteur initial de Mounier. Malgré cette action le recteur à pris les arrêtés de sectorisation et d’effectifs à peine différents de ceux de l’année précédente. En cela il n’a pas respecté la décision de justice. 
 
Suite à notre rassemblement les services du rectorat s’étaient engagés, oralement, à étudier avec bienveillance les dérogations des familles pour le lycée Mounier. Pourtant, le 28 juin au Collège Munch, à 16h, à la sortie de l’épreuve de Maths du brevet, des élèves sont en pleurs, ils viennent d’apprendre que leurs dérogations pour Mounier sont refusées.  Quelle injustice ! Ils habitent dans le secteur initial du lycée Mounier, leurs frères et sœurs y ont fait leur scolarité, le tribunal a reconnu que toutes les décisions prises par le recteur sont illégales. Et pourtant… Le lendemain il faudra revenir pour l’épreuve d’histoire-géo du brevet. Quel courage faut-il avoir, quand on a à peine 15 ans, et que l’on demande juste à étudier sereinement ! 

Certains « laissent tomber » mais c’est tellement injuste que d’autres décident de ne pas se laisser faire. Pour ces familles là, pour ces jeunes là, ce n’est pas fini, l’apprentissage de la citoyenneté a un prix. Il faudra faire des démarches, des recours, passer l’été dans l’incertitude, hésiter en voyant des copains et copines se résigner, exercer une pression médiatique sur le rectorat avant la rentrée pour obtenir l’inscription et même attendre le mardi soir, jour de rentrée 2012, pour certains, pour avoir enfin une affectation à Mounier, alors qu’il y avait de la place en seconde... 
 
Et maintenant ?

Le Collectif Mounier a, depuis des mois, passé le cap de la colère et de la rancoeur.  Après avoir obtenu l’engagement de 6 classes de seconde à la rentrée prochaine, la communauté éducative du lycée peut se tourner vers l’avenir et consacrer toute son énergie à améliorer la vie quotidienne de l’établissement en développant des projets pour les jeunes. Ensemble, parents d’élèves et enseignants nous avons présenté notre lycée, lors de la journée du collégien, j’y ai assuré une permanence. Les conseils de classe du deuxième trimestre c’est pour la rentrée, dans 10 jours, juste après les vacances, suivront les journées portes ouvertes et l’organisation très prenante de la bourse aux livres pour les familles... 
 
Madame la présidente, dans cette « affaire Mounier » ce sont des jeunes, des adultes et des familles qui ont subi, aussi dignement et pacifiquement que possible, l’arbitraire d’une décision du recteur et son acharnement contre le lycée Mounier.  Ce mouvement citoyen exemplaire n’a toujours eu qu’un seul objectif : défendre, à son niveau, dans les quartiers sud, le service public de l’éducation nationale pour tous. 


Merci, Madame la présidente.

Sur Twitter : @j_soldeville

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