La nouveauté tient au fait que désormais, c'est aux recteurs de « gérer » les conséquences de ces suppressions de postes: libre à eux de choisir d'augmenter les effectifs d'élèves par classe ou d' augmenter les heures supplémentaires, de supprimer les décharges ou de recourir massivement aux personnels non titulaires et précaires ou encore de réduire les moyens de remplacement. Suivant que vous habiterez à Bordeaux, Paris ou Strasbourg, les conditions de fonctionnement du service public d'Education seront différentes! Et, grâce à un décret paru en catimini au mois de novembre dernier, les recteurs « efficients » se verront récompensés par des primes pouvant atteindre 22.000 euros... On va donc assister à la mise en oeuvre progressive du modèle entrepreneurial dans l'Education Nationale. Mais – entre nous - qu'attendre d'autre d'un ancien DRH de l' Oréal, chargé de mettre en oeuvre la politique d' « éducation » au Sarkozistan?
Une histoire qui risque devenir banale, celle d'un lycée que l'on ferme au nom de la politique d' « optimisation ».
Le lycée Emmanuel Mounier est un lycée recrutant en grande partie sur les quartiers défavorisés du sud de l'agglomération grenobloise. Il s'honore de résultats fort honorables aux baccalauréat et d'un taux de mention supérieur à la moyenne nationale (entre 33 et 45% selon les années). Outre ses caractéristiques sociales (Mounier pratique la mixité sociale non dans les mots, mais dans les faits...), le lycée Mounier s'inscrit aussi dans une tradition grenobloise remontant à la Révolution française, car c'est le premier lycée de France où fut mis en place (en 1966) un mini-parlement des élèves, ancêtre de l'actuel Conseil de la Vie Lycéenne. Cet établissement scolaire a donc inscrit dans son « code génétique » et dans son projet pédagogique le devenir citoyen de chaque élève. Ce qui très embêtant par ces temps de « normalisation ». Presque une faute au Sarkozistan! On comprend mieux l'intérêt de voir disparaître un tel symbole...
Lors d'une rencontre récente avec un représentant du recteur, alors que les représentants du collectif Mounier insistaient sur le rôle d' « ascenseur » social du lycée et aussi sa dimension républicaine, ceux-ci n'eurent-ils pas la surprise d'entendre ce dernier leur répondre que « l'on ouvrait et fermait les établissements scolaires selon les besoins ». Ainsi, l'école publique, laïque et républicaine venait de faire – et nous l'ignorions! - sa révolution copernicienne : elle obéirait aux saintes lois du marché. Et tant pis si les enquêtes internationales (comme PISA, comme on le sait, fort critiquable par ailleurs...) révèlent qu'en France les écarts selon l'origine sociale augmentent. Fini la mission de service public, bonjour le grand marché de l'Education! Désormais les recteurs sont transformés en entrepreneurs qui « optimisent » les moyens et « rationalisent » les dépenses! Et seront dûment récompensés pour cela...
Qu'il est très loin le temps du programme du Conseil National de la Résistance, dont Stéphane Hessel rappelle, dans son dernier ouvrage « Indignez-vous! », qu'il réclamait « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction la plus développée ». Place à l' « optimisation », place au « business » de l'éducation!