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Billet de blog 24 juillet 2019

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Cosmos-sur-Avron - Chapitre 2

Une nouvelle policière et fantastique qui se déroule à Paris, rue d'Avron. A lire et à déguster au premier étage, sur un lit, à la fraîche, avec Magma et Soft Machine Vol. I & II en fond musical. Chapitre 2 INTERDIT AUX MINEUR(E)S - EN EXCLUSIVITÉ POUR LES HABITANTS DU HAUT LIMOUSIN

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Illustration 1

Chapitre 2

Les mystères de l’amour

« Allô… Allô ! Je suis bien au Cosmos d’Avron ? De la rue d’Avron, dans Paris ?

— C’est pour quoi, mademoiselle ?

— Zakarias. Allez le chercher !

— Qui êtes-vous ?

— Peu m’importe. Allez le chercher ! Tout de suite !

— Sans savoir qui le demande, Zakarias se déplace pas.

— Mmmrrrr… Toi ! comment tu t’appelles ?

— Ibrahim.

— Bien, Brahim…Maintenant Brahim ! tu vas bouger ton gros cul et dire qu’Aphrodite veut lui parler ! T’as compris, Brahim ! »

Ibrahim pose lentement le combiné et sort par l’arrière-salle du bar. À l’abri des regards, sous le hangar de la grande cour, deux loustics du quartier astiquent au polish deux Audi TT roadster et une Porsche Panamera V8, en transit pour un cousin éloigné de Zeus. Fumant un cigarillo, je les surveille distraitement, tout en réfléchissant à la dernière demande de Poséidon arrivée hier soir sur notre messagerie : un yacht de soixante mètres de long sur douze de large, avec trois niveaux, quinze chambres et deux piscines, l’une couverte, l’autre sur le pont supérieur, avec une salle de billard, un espace culturisme et un espace home cinéma Marantz et Klipsch THX. Je compte y ajouter — sans supplément — une sélection des meilleurs films pornographiques asiatiques en 3D. Fait curieux : il a ajouté un radar très perfectionné, avec deux canons de 20 mm et deux mitrailleuses M2, plus un Zodiac de 300 cv. J’ignore ce qu’il compte chasser là-bas. Peu importe. C’est le délai qu’il m’accorde qui me préoccupe : quatre mois. En tout cas, il paiera le prix fort — dans les soixante millions d’euros — d’autant qu’aucune des voies de passage que j’utilise habituellement n’acceptera un tel gabarit. Il faut en chercher une nouvelle dès à présent, ce qui est chaque fois coûteux et complexe.

« Zakarias, on te demande. Elle est pressée.

— Elle attendra, j’ai du boulot.

— Probablement, mais elle rappellera. C’est Aphrodite. »

Je tire une dernière bouffée et écrase le cigarillo sur le pavé.

« Hé ! comment tu vas ? demandé-je. Tu veux qu’on…

— Zakarias ! espèce de salaud !!! Tu m’as déshonorée devant toutes mes rivales de la capitale ! Je vais t’arracher les yeux !

— Eh, eh ! Aphro, calme-toi, mon chou. Kesski se passe ? Un loupé dans la dernière livraison ? Une erreur de destinataire ou…

— Ferme-la ! Tu t’imagines toujours supérieur à tes congénères parce que tu découches avec moi, alors, dans ta petite tête de machin, ça te dispense de tous les égards qui me sont dus !

— Je ne comprends pas, chou. Quelle faute de goût j’ai bien pu faire ? Sur la colline, tu te souviens, nous étions deux vrais tourtereaux enlacés ; tu étais encore bien plus désirable que n’importe quelle autre consœur, vraiment, je ne dis pas…

— Puisses-tu revenir et toutes les baiser comme des hyènes jalouses !

— C’est toi qui me dis ça, ma mie ? Tu sais bien que je ne viens que pour toi, voyons. Maintenant, si c’est ce que tu souhaites, pour les arrivages, je pourrais me faire remplacer, mais vrai…

— Écoutez-le ce raton d’égout, cet hypocrite, ce vermicelle qui m’a trahie, moi, Vénus Aphrodite, merveille de l’univers !

— Certainement, alors explique-moi…

— Zakarias, damné sois-tu, tu m’as refilé ta… ta chtouille qu’une de tes putains de ta France t’a léguée en souvenir. Ça me brûle, c’est horrible !

— Mais c’est… c’est pas possible, je n’ai aucun symptôme, absolument rien, je le jure. (Je ne dis que la vérité. Aucun souci de cet ordre, ni avant, pas plus qu’après mon dernier voyage là-bas qui ne date que de quelques jours.)

— Connard que tu es ! Ce n’est pas parce que toi, tu n’en as pas eu les symptômes que tu ne peux pas infecter toutes tes victimes !

— Excuse-moi à l’avance, Aphrodite, mais, excuse-moi encore : es-tu disons… certaine, oui, que ce soit bien moi qui puisse être le responsable de ces… euh… désagréments ?

— Désagréments, espèce de souillon ! Mais je souffre le martyre et mis à part toi, les individus qui passent chez nous n’ont même pas le droit de me contempler ! (Non, elle exagère : chacun a eu vent de son attirance pour les éphèbes africains de moins de vingt ans — à la condition qu’ils parlent le français, langue, aime-t-elle à répéter, de l’amour badin et de la séduction raffinée). Ça ne peut être que toi, et tu vas le payer au centuple !

— Mon chou, je t’en prie, calme-toi. Si tu dis que j’en suis le seul coupable, je l’admettrais, à contrecœur, mais je l’admettrais et même si…

— Il l’admettrait ! Mais je divague ! Quand je vais t’alpaguer par la peau de testicule — car je t’annonce que je serai là dans quelques jours —, tu vas comprendre tout ce qu’il en coûte de se moquer d’Aphrodite Vénus !

— Tu descends ici ! La vache ! Ce serait bien la première fois que tu…

Imbécile ! Je suis déjà venue des dizaines de fois, tu n’existais même pas encore en pensée dans la tête de la traînée qui t’a enfanté ! »

Là, deux solutions : essayer de lui clouer le bec et démontrer que je ne peux pas être à l’origine de son infection — en lui fournissant pour demain dix preuves d’examen médicaux. Ou bien je fais comme amende honorable et la convaincs qu’un simple traitement la guérira en quelques jours — en supposant que ce soit bien une blennorragie, mais comment s’en assurer sans examen ?

« Ma chérie, s’il te plait, accorde-moi encore deux toutes petites heures et je t’envoie par mon jet privé un traitement qui t’arrivera — sur ma montre, je consulte le petit cadran à l’heure de là-bas — pour 6h00, demain matin. Tu te sentiras déjà beaucoup mieux et ce détestable épisode sera vite oublié.

— Quel est ce traitement, chacal de France ?

— Je saurai tout dans deux heures. Un médecin de renom t’interrogera pour dé…

— Un médecin ! Imagines-tu Vénus Aphrodite se faire ausculter par un de vos médecins, tous aussi incompétents et présomptueux les uns que les autres !

— Pas ausculter, ma chérie, non, pas à distance. Simplement te questionner pour être certain…

— C’est toi qui m’interrogeras, et toi seul : il m’est interdit de m’abaisser à décrire à un inconnu ce qui survient.

—Très bien, dans ce cas je serai ton interprète. On est d’accord ?

— Je te rappelle dans deux heures, Zakarias. Et surtout n’oublie pas !

— Quoi donc, ma chérie ?

— Que je viens tous vous voir dans quelques jours !

— Qui ça, tous ? C’est une façon de parler ou…

— Je viens vous faire payer, toi et ton défilé de catins de la France ! Je vais vous apprendre ce qu’il en coûte d’une telle insulte à ma beauté conquérante !

— Tu… enfin, tu ne comptes quand même pas te venger… sur moi… ou sur d’autres, n’est-ce pas, chérie ?

— Tu trembles, bâtard de putain ! et ô toi ! combien tu as diablement raison de trembler ! Si ton philtre n’agit pas, prépare-toi au cauchemar !

— C’est-à-dire ? » demandé-je, main crispée sur le combiné.

Elle raccroche. Je reste debout, coincée dans la petite cuisine où la friteuse empeste l’huile rance. Dans la salle, Ibrahim plaisante avec un client. J’ai une grosse envie de l’étrangler, avant de réaliser que cela n’empêchera pas Aphrodite de débarquer ici, toutes griffes étincelantes. Je cherche mon portable dans ma poche. Je dispose de deux heures pour tout régler avec mon médecin, qu’il rapplique avec sa panoplie de médicaments. Deux heures : même si ce sera sûrement suffisant, le ton menaçant et triomphal d’Aphrodite continue à me hanter. Je la connais assez pour savoir que, même si elle guérissait rapidement (ce dont je commence déjà à douter), elle ne viendrait pas pour me faire l’amour, mais la peau. Oui, c’est bien ça, me dis-je, effrayé, défait par ce constat subit : quel que le soit le cas de figure, elle descend pour me faire la peau. À moi et aux autres. À l’hôtel, Florence avait cent fois raison : à trop traîner, on finit par tout ramasser.

 A suivre...

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