Aujourd’hui jeudi 12 octobre, Hervé Réaux entame sa troisième semaine de grève de la faim pour que la municipalité de Saint-Etienne- du-Rouvray lui verse les salaires auxquels il a droit, ce qu’elle refuse de faire, en multipliant les arguties et les procédures dilatoires depuis maintenant huit mois. On est là dans le dernier acte d’une saga qui dure depuis rien moins que douze années, douze années d’humiliations et de placardisation subies par Hervé Réaux, ex directeur des services sportifs, suite à sa dénonciation des malversations de son supérieur hiérarchique de l’époque, lequel avait été sanctionné par six mois de suspension sans salaire, mais avait pu échapper aux sanctions pénales grâce aux manœuvres du maire communiste de l’époque, Hubert Wulfranc, aujourd’hui député (voir mon billet du 2 octobre : https://blogs.mediapart.fr/jf-clopeau/blog/021017/le-maire-communiste-de-saint-etienne-du-rouvray-un-patron-voyou, ainsi que ceux des 4 et 5 octobre).
Le droit est pourtant du côté d’Hervé Réaux et l’attitude butée de la municipalité de Saint-Etienne-du-Rouvray est objectivement incompréhensible au regard des enjeux : la santé et l’intégrité physique d’Hervé tout d’abord, mais aussi les risques politiques que prend le maire et son équipe. Car la grève de la faim d’Hervé, présent chaque jour devant la mairie et largement médiatisée par la presse locale et la télévision régionale, n’est passée inaperçue, ni du grand public, ni de l’électorat très largement ouvrier de Saint-Etienne-du Rouvray où l’on sait, plus qu’à Neuilly, ce que c’est que la vindicte patronale.
Lundi dernier, on avait pu croire à un heureux dénouement quand Hervé a finalement rencontré la Directrice générale des services ainsi que la Directrice des ressources humaines de la mairie en présence d’un médiateur (proposé par la mairie), un inspecteur du travail en retraite. C’était a priori de bon augure. Et de fait, la représentante du maire reconnaissait que la demande d’Hervé concernant ses salaires était bien justifiée en droit, et que c’était maintenant aux « politiques » (autrement dit au maire) de prendre la décision. Rien n’étant acté, et la demande de prise en compte du préjudice (huit mois de retard de salaire) ainsi que la reconnaissance de l’imputabilité au service de la lourde dépression d’Hervé n’ayant pas été abordées, sinon par lui-même en affirmant qu’il y avait bien entendu là matière à négociation, celui-ci décidait de continuer sa grève de la faim.
Et puis patatras ! Le lendemain même, la mairie publiait un communiqué dans lequel elle annonçait avoir sollicité la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) et le centre de gestion de la Seine-Maritime, afin que ces deux organismes étudient les modalités réglementaires qui permettraient le versement des huit de salaires dus à Hervé Réaux. Et le jour suivant (hier mercredi donc) le Directeur de cabinet du maire faisait savoir à Hervé que, finalement, le dossier était compliqué car il engageait les finances de la commune (M. de La Palisse n’aurait pas dit mieux)… et qu’on ne pouvait lui donner « d’échéance visible », ajoutant : « je n’ai pas d’autre chose à vous dire » puis... in cauda venenum : « je me méfie de vous, j’espère que vous n’avez pas de micro ».
Résumons : Hervé Réaux (63 ans, ce n’est pas un détail) est en grève de la faim depuis maintenant quinze jours. Sa demande de versement des huit mois de salaire qui lui sont dus est parfaitement justifiée en droit, ce que la mairie a fini par reconnaître par le truchement de la Directrice générale. Lundi dernier, Hervé rappelle clairement que tout le reste est négociable (savoir les indemnités dues pour des retards de salaire considérable et le fait que sa dépression était imputable au service, tout ceci étant pendant depuis des mois devant le tribunal administratif). Et dès le lendemain, comme si une main invisible avait décidé (depuis le Palais Bourbon?*) de brouiller les cartes, une fois de plus, la mairie annonce une énième mesure dilatoire : elle va maintenant se tourner vers le service juridique de la fonction publique territoriale.
Quand les difficultés de sortie d’un conflit ne peuvent plus se justifier par des raisons objectives, reste en dernier ressort l’explication par un orgueil imbécile. C’est dans cette impasse, pavée de mauvaises intentions, que s’est embourbée la municipalité de Saint-Etienne-du-Rouvray. Si la raison ne lui revient pas, la première victime en sera évidemment Hervé Réaux. Mais elle en sera la deuxième victime car elle aura à en payer le prix politique. Quel aveuglement suicidaire!
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* N’oublions pas que le conflit entre Hervé Réaux et la municipalité s’est entièrement déroulé sous les deux derniers mandats de maire d’Hervé Wulfranc, devenu député en juin dernier et depuis « simple » conseiller municipal à Saint-Etienne-du-Rouvray.