On s’y attendait bien sûr, mais on hésitait un peu tant que les caprices du Monarque n’avaient pas été officiellement publiés ! Effectivement, il fallait bien un Macron III après les deux autres. On savait qu’il voulait à tout prix se perpétuer, en utilisant si possible toutes les ficelles que lui offrait une constitution, déjà bien lâche mais encore trop petite pour lui, et qu’il avait néanmoins élargi au point d’en faire craquer toutes les coutures… Voilà le résultat tant espéré. Les gogos ont peut-être cru que ces 51 jours d’attente insupportable (mais qui était du pain béni pour nos grands médias) correspondait à la difficulté du choix ? Que nenni ! Emmanuel est un excellent maître du suspense quand il s’agit d’imposer ses propres choix en laissant le bon peuple se rallier en définitive à la version finale de ses troublantes circonvolutions, et en voulant ainsi lui faire croire que c’était lui en fait qui l’avait appelé de ses vœux. A force de subir l’angoisse de l’attente, il finirait peut-être par accepter le choix du candidat qui mette fin à cette angoisse. Tel est le raisonnement psychologique sur lequel se place depuis toujours Emmanuel Macron pour instrumentaliser les gens en vue d’imposer sa propre politique. Quelle a été sa stratégie en fait ? Elle est simple : conserver son pouvoir et par la même occasion sa politique en lançant des leurres dans toutes les directions afin d’affaiblir ses adversaires et de les noyer dans le brouillard, puis en cueillir le fruit lorsqu’il est mûr. Simplissime !
Mais il faut faire de la fracturation politique pour y parvenir. Puisque pour la Droite c’est déjà fait, il fallait donc insister sur la Gauche qui ne s’était pas divisée comme espéré après la dissolution. Le NFP a tenu bon assez longtemps, à la surprise générale, mais Macron avait eu finalement raison de croire en la tentation du pouvoir pour certains membres de la social-démocratie traditionnelle. Dès que le joker Cazeneuve a été joué on a vu quelques fissures apparaître. C’était limité mais suffisant. Il pouvait alors abattre son atout, jouer la carte Barnier, un personnage falot de la droite classique qui ne lui ferait pas d’ombre, et enfin réaliser son grand dessein depuis 2017, coaliser le Centre autour de lui et lancer le grand programme libéral que ses amis du MEDEF et autres avaient rêvé pour lui et qu’il allait enfin réaliser. Pour cela, il fallait en passer naturellement par l’extrême droite et jouer sur ses ambitions déçues. L’arithmétique hélas n’était pas trop favorable mais il pouvait compter sur sa non-intervention tactique, juste ce qu’il fallait pour gagner la partie !
Il n’empêche que Macron a fait un grand écart sur le plan de la communication. D’ennemi historique le FN/RN est devenu un allié de fait. En apparence du moins, car c’est un ennemi utile que l’on peut convoquer quand on le souhaite. Si on analyse bien les choses, celui-ci a toujours été son allié objectif, et le duo électoral avec Marine se prolonge encore… À la fin évidemment, c’est peut-être elle qui tirera les marrons du feu ! Certes, Michel Barnier est ainsi devenu l’otage du RN, qui est désormais le seul véritable maître incontesté du jeu. C’est apparu ces derniers jours comme une évidence quand la presse demandait à l’extrême-droite qui elle voulait censurer, ou du moins quel candidat avait le moins de chance de passer par ses fourches caudines. Il est devenu de ce fait le pendu dont Bardella tient la corde !
Vu d’une autre planète, les grenouilles ont réclamé un nouveau roi et Jupiter leur a envoyé un « soliveau », une grande branche sans aspérité ni personnalité, mais un objet du 3ème type, de ceux que l’on peut interchanger sans que cela se remarque… Il est désormais convenu que c’est la Droite qui gouverne, comme elle se plaît à le croire puisque notre bon peuple semble converti aux vertus de l’équilibre naturel, des comptes publics comme de la bonne société, celle qui a un emploi et des revenus suffisants pour vivre… Après tout, c’est probablement la chance historique de la gauche. Elle peut se reconstruire en refaisant son unité sur des bases plus solides. Elle pourra défendre son programme sans faux-semblants, si elle le veut, et dépasser ainsi tous ces procès en légitimité qu’on fait sempiternellement à ses leaders.