jimmy.behague (avatar)

jimmy.behague

Président de la Neurodiversité-France

Abonné·e de Mediapart

63 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 juillet 2023

jimmy.behague (avatar)

jimmy.behague

Président de la Neurodiversité-France

Abonné·e de Mediapart

Les conséquences d’un meurtre

il m’a été demandé mon opinion sur le drame ayant vu le meurtre d’un jeune homme de 17 ans si je condamnais les événements survenus depuis. C’est facile de condamner, en deux lignes de tweet et de passer à autre chose. C’est un peu un privilège bourgeois d’ailleurs. On regarde de son canapé les images de JT, on se dit que c’est pas bien, on écrit qu’on condamne et on va se coucher. C’est facile.

jimmy.behague (avatar)

jimmy.behague

Président de la Neurodiversité-France

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

il m’a été demandé mon opinion sur le drame ayant vu le meurtre d’un jeune homme de 17 ans si je condamnais les événements survenus depuis.

C’est facile de condamner, en deux lignes de tweet et de passer à autre chose. C’est un peu un privilège bourgeois d’ailleurs. On regarde de son canapé les images de JT, on se dit que c’est pas bien, on écrit qu’on condamne et on va se coucher. C’est facile.

C’est facile d’appeler à l’apaisement. Quand on est soi-même dans une situation de paix.

En fait tout cela serait facile pour moi. Et savez vous pour quelle raison ce serait facile ?

Il y en a plusieurs.

La première est que je suis blanc. J’ai la chance de vivre dans un pays où parce que je suis blanc, les policiers ne font pas attention à moi.

Je ne vis pas dix contrôles d’identité par jour, ma femme n’est jamais arrêtée au volant de la voiture pour un contrôle, je ne suis jamais suspecté de quoi que ce soit, et je ne subis aucune discrimination raciale.

Je ne vis pas dans une cité, c’est une autre chance que j’ai, je n’ai pas vécu l’abandon de l’État (du moins pas pour cela), je n’ai pas vécu le pointage du doigt systématique ni les qualificatifs de « sauvages » , « nuisibles » etc.
Je ne vis pas les tirs de Kalach en pleine journée, ni les violences quotidiennes banalisées.

Je ne vis pas la désertification des services publics, l’extinction de l’emploi, la disparition de l’espoir.

Je ne peux être à la place de ces personnes qui parce qu’elles sont arabes se sentent directement concernées ou parce qu’elles vivent le même quotidien peuvent se demander « Et si Nahel, cela avait été moi ? Mon fils ? Mon frère ? Mon ami ? »

Je ne peux être à la place de ces personnes qui n’ont que leur colère comme moteur car la vie a laissé place à la survie ou à la mort si un policier trop zélé venait à les croiser.

Alors faut il appeler à l’apaisement ? Je ne sais pas. Pour moi demander l’apaisement sans s’engager à changer la vie de ces citoyennes et citoyens c’est vouloir qu’il se taisent, arrêter de se montrer, se cachent et continuent la survie qu’on leur impose dans un statu quo qui nous arrange si bien. Cela revient à les réduire au silence.

Appeler à l’apaisement sans comprendre les causes, cela revient à leur dire « calmez vous, on s’en fout, ça va bien se passer ».

Comme le dit si bien Ali Rabeh, maire de Trappes, il n’y a que quand cela brûle qu’on fait attention à eux.

Plutôt que d’appeler à l’apaisement, interrogeons nous sur le manque d’intérêt de la société à l’égard de ces millions de personnes.

Condamner ?

Condamner un cri de colère ? Condamner une émotion ? Condamner un ras le bol et une indignation ?

C’est compliqué lorsque nous ne sommes pas concernés. Cela devient un jugement totalement dénué de considération.

C’est d’autant plus compliqué quand on voit l’absence totale de prise en compte du gouvernement dès lors qu’une manifestation est pacifique, que des associations sont dissoutes, des opposants ciblés, et un débat sclérosé.

Si je devais condamner quelqu’un ou quelque chose ce serait plutôt ce gouvernement qui laisse pourrir des situations, laisse mourir des personnes, nous confisque nos droits et nos raisons d’exister.

Si je devais condamner quelqu’un ce serait le monde politique qui n’a jamais rien fait pour ces quartiers, s’arrangeant de leur misère et de leur détresse ne s’intéressant à eux que pour voter ou pour se taire le reste de l’année.

Si je devais condamner, ce serait la mort d’un jeune homme tué par un représentant de la République. Car ce qui a en partie déclenché cette colère, c’est un meurtre.

Par contre je regrette. Je regrette les pillages, les cassages, je regrette que ce soit le seul mode d’expression qui génère de l’attention, je regrette que des biens communs soient détruits car c’est ce qui manquera aux habitants des quartiers plus tard et c’est ce qui renforce l’extrême droite.

Ne pas condamner, ne pas souhaiter un apaisement stérile ce n’est pas équivalent à soutenir. C’est exiger un vrai débat pour changer la vie de ces millions de personnes, réformer les institutions et comprendre la gravité des actes.

Mais ce sont les conséquences que tout le monde regarde et non les causes. Et on ne peut condamner les conséquences sans interroger les causes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.