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Billet de blog 6 févr. 2023

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La réforme des retraites, ou le débat hors sujet

Sans réforme du travail, des salaires, des conditions de travail, de la démocratie en entreprise mais aussi d’analyse sur ce que devrait permettre le travail en matière d’accès au logement, à l’alimentation, au bien-vivre alors il est inutile d’espérer nous convaincre de travailler plus. A la gauche de se saisir vraiment du sujet !

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A droite comme à gauche, le débat sur les retraites est sclérosé. Il est sclérosé, parce qu’il ne débat jamais du sujet principal des retraites qui est le travail.

Et lorsque ce sujet est abordé, il est fort loin d’une réalité que peu de responsables politiques appréhendent.

Avant de développer, il est important de préciser à partir de quelle place je m’exprime, j’ai 35 ans je suis employé de bureau, à peine au-dessus du salaire médian, père de quatre enfants dont trois en situation de handicap et responsable associatif. C’est important de préciser car cela contextualise et permet d’ancrer le propos dans quelque chose de concret. Et j’ai peu de chances, pour des raisons d’études longues et de chômage de parvenir à une retraite à taux plein.

Le travail est devenu une souffrance pour beaucoup de monde. C’est à moitié vrai. Le travail a toujours été une souffrance pour beaucoup de monde mais il demeurait avant des pansements permettant de passer outre cette souffrance. Il n’était pas question de telles disparités et de telles inégalités de rémunérations, les riches n’étaient pas si riches, et les salaires permettaient d’espérer vivre et même d’évoluer socialement.

Ce n’est plus le cas.

Le coût de la vie n’a jamais été si élevé et les salaires si insuffisants pour le surmonter. L’on peut y voir plusieurs causes, dont l’augmentation de la part du revenu alloué au logement qui a fortement augmenté, l’augmentation du coût de l’alimentation mais aussi celle de l’énergie.

A l’inverse, les salaires augmentent peu, les dispositifs de primes et autres visant à contourner les augmentations de salaires brut sont des rustines masquant le problème. (On peut d’ailleurs constater que les exonérations de cotisations patronales comme la Réduction générale des cotisations participe à cette crise des augmentations puisqu’elle est conditionnée à un plafond lié au SMIC). Ne pas mentionner que cela génère une crise sociale, mais surtout que cela éloigne les salariés de leurs aspirations à travailler est une erreur. Quand on rentre chez soi, qu’on est le 5 du mois, que le découvert approche ou est déjà là, que le logement coûte alors qu’il n’est même pas adapté aux besoins, qu’aller faire les courses est une angoisse, que les sorties sont impossibles car la fatigue trop grande et les prix trop élevés et que l’on continue à serrer la vis et les cordons de la bourse en constatant que sa famille le vit mal, ses enfants le vivent mal, comment retourner au travail le lundi avec le sourire ?

Le second axe déterminant tient au contenu du travail. Il est juste de préciser que les métiers manuels sont pénibles et que, nécessairement ces métiers ne peuvent être effectués pendant aussi longtemps que d’autres emplois.

Mais il est faux de mettre ces métiers manuels qui sont pénibles, en opposition aux « emplois de bureau » qui ne le seraient pas. Et c’est un grand tort à gauche de penser ainsi. Les métiers manuels sont pénibles, mais les métiers de beaucoup d’employés, de secrétaires, de profs, de personnels administratifs, commerciaux sont aussi pénibles car ils sont facteurs de stress, de sédentarité, d’ennui créant des problématiques psychologiques, d’angoisses et d’autres causes de mauvaise santé et de conséquences qui peuvent être dramatiques. Quiconque a travaillé dans un open space avec 50 collègues peut comprendre que les conditions de travail peuvent y être anxiogènes. Quiconque a passé plusieurs années à faire cours peut comprendre le stress. Quiconque a été VRP pendant quelques années s’est vu vieillir de façon accélérée etc. S’ajoutent à cela des conditions de travail plus mauvaises que par le passé, des syndicats moins forts et une absence totale de démocratie en entreprise. Ce sont des sujets majeurs que la réforme des retraites devrait permettre d’aborder.

Quand ces motifs de pénibilité tant pour les emplois manuels que les autres, s’ajoutent à l’angoisse de l’argent qui manque, alors la vie est une souffrance et la retraite est lointaine.

Quand il n’y a plus de sens à rien, que l’on ne sait plus pour quelle raison on travaille, pour quelle raison on paye, et pour quelle raison il n’y a aucune motif de joie alors il est rigoureusement impossible de vouloir subir cela deux ans de plus. Il est impossible de supporter des élus qui nous déversent des éléments de langage sur la chance d’être en France, sur la valeur travail, sur la réforme juste et nécessaire. C’est impossible de souhaiter ce que l’on vit deux ans de plus et de le souhaiter à nos enfants.

Sans réforme du travail, des salaires, des conditions de travail, de la démocratie en entreprise mais aussi d’analyse sur ce que devrait permettre le travail en matière d’accès au logement, à l’alimentation, au bien-vivre alors il est inutile d’espérer nous convaincre de travailler plus.

Quand on constate que nous cotisons beaucoup, et que les services publics baissent, que nos agents de la fonction publique souffrent, que les premiers de corvée sont les premiers crevés alors non on ne peut plus rien accepter. Et ce n’est ni la faute des personnes sans emploi, ni des personnes immigrées, ni de tout autre citoyen qui n’a aucun libre arbitre.

A la gauche de se saisir vraiment du sujet !

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