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Billet de blog 7 octobre 2022

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Quand Pap Ndiaye exclut l’inclusion

Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale, dont la nomination fut fortement félicitée à gauche, s’est permis un coup d’éclat à l’Assemblée Nationale lors des questions au gouvernement ce mardi. Un coup d’éclat qui est passé inaperçu et que les responsables des partis politiques de gauche ont zappé.

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Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale, dont la nomination fut fortement félicitée à gauche, s’est permis un coup d’éclat à l’Assemblée Nationale lors des questions au gouvernement ce mardi. Un coup d’éclat qui est passé inaperçu et que les responsables des partis politiques de gauche ont zappé.

Pap Ndiaye a en effet déclaré que l’on ne pouvait imaginer une AESH (Accompagnante d’Elève en Situation de Handicap) pour chaque enfant en situation de handicap. Il ajouta que « la croissance continue du nombre d’AESH ne peut pas être la seule réponse aux besoins des élèves en situation de handicap ».

Le nouveau ministre de l’éducation poursuit ainsi la politique menée par Jean Michel Blanquer et Sophie Cluzel, à savoir, réduire les moyens de l’inclusion tout en faisant la promotion de celle-ci. N’oublions pas que Sophie Cluzel fut l’architecte du système PIAL qui mutualise les AESH, faisant fi des besoins des enfants, précarisant encore davantage le métier.
Plus encore, ils refusèrent de revaloriser les salaires, de donner un vrai statut à cet emploi, et une formation complète.

Pap Ndiaye porte le même discours. Et il ne semble pas que Geneviève Darrieussecq, remplaçante de Sophie Cluzel au handicap, ne s’en émeuve. Il est certain qu’il lui semble préférable de faire le tour des entreprises pour les féliciter de leurs immenses et démesurés efforts pour embaucher des personnes en situation de handicap. Si Blanquer vociférait des énormités, Pap Ndiaye les murmure. L’unique différence étant qu’elles sont moins remarquées.

Remédions à cela en rappelant certains fondements.

L’organisme qui attribue une AESH est la MDPH. Elle le fait selon un dossier médical, sur la base de comptes rendus et de certificats de professionnels de santé et selon le projet de vie décrit par les parents ainsi que par les comptes rendus des équipes pédagogiques. La présence de cette AESH repose donc sur des critères objectifs décrivant par conséquent les besoins réels de l’enfant. Ce n’est donc pas le ministre de l’éducation nationale, ni son administration, qui décrète quels sont les besoins de l’enfant.

Au contraire, le ministre de l’éducation nationale a l’obligation de représenter tous les français et de respecter la mission qui est la sienne, assurer l’accueil de toutes et tous à l’école avec la garantie de conditions d’apprentissage adaptés. La condition de cette garantie est donc de répondre favorablement aux besoins de chaque enfant.

Cette obligation est d’autant plus présente que le président de la République a mis en œuvre une politique inique contre l’Instruction En Famille et décidé que l’instruction serait obligatoire dès trois ans.

De fait, les familles n’ont plus d’alternative autre que l’école.

Le ministre de l’éducation nationale, en remettant en cause l’accueil de tous les enfants à l’école, en remettant en cause l’adaptation de l’école à ces enfants par la mise à disposition d’AESH individualisée à temps plein auprès de chaque enfant qui en a besoin, remet en cause le principe même d’inclusion et davantage encore, de l’école publique pour toutes et tous.

C’est donc une attaque en règle au pacte républicain et un aveu.

Un aveu, qui dévoile que la vraie motivation du gouvernement ainsi que du précédent n’est pas le bien supérieur de l’enfant mais une volonté d’économiser les deniers publics sur le dos des enfants en situation de handicap.

Un aveu qui démontre que les AESH seront sacrifiées encore longtemps.

Un aveu qui assume de dire aux professeurs : « débrouillez vous ! On vous lâche ».

Un aveu qui dit aux parents : « vos gosses on s’en fiche, ils sont inutiles, ils sont foutus ».

Un aveu qui démontre que l’inclusion consiste en la volonté de placer les enfants dans l’école, non pour qu’ils s’y épanouissent mais simplement pour dire qu’ils y sont.

Un aveu qui indique que la volonté de désinstitutionnaliser repose sur une volonté de faire des économies et non sur un changement profond de la société que je souhaite.

Alors corrigeons cet aveu.

L’école doit en effet accueillir tous les enfants, mais cela ne doit pas reposer sur la bonne volonté de professeurs esseulés. Cela repose sur une politique volontariste et un changement de système.

Cela repose sur des AESH en assez grand nombre, individualisées, formées, reconnues, payées correctement.

Sur des professeurs en assez grand nombre formés, reconnus, payés correctement.

Sur l’inspiration de ce qui fonctionne ailleurs, du modèle italien par exemple, qui stipule que dès qu’il y a des enfants en situation de handicap en classe ordinaire, un deuxième professeur spécialisé est présent dans la classe avec le professeur titulaire. Pour information le pourcentage alloué au PIB pour le budget de l’éducation en Italie est le même qu’en France, donc non « cela ne coûte pas plus cher ».

Cela repose sur un changement profond de vision de l’école, au niveau architectural mais aussi aussi sur le choix des disciplines apprises.

Cela repose sur un changement de paradigme : éduquer de futurs citoyens et non instruire de futurs travailleurs.

Cela repose sur un principe humaniste : reconnaître l’unicité de chacun, dans l’intérêt de toutes et tous.

Cela repose sur des devoirs moraux : lutter contre les déterminismes sociaux, les discriminations, les avenirs incertains, les destins foutus d’avance.

Le ministre de l’éducation nationale a donc admis pour la deuxième fois qu’il n’avait aucun problème de conscience à sélectionner les enfants qui devaient aller à l’école de ceux que l’école ne peut accueillir.

Je demande à ce que les partis politiques, les députés, les sénateurs ne laissent pas passer cette outrance. Je demande à ce que les associations soient consultées, les parents écoutés, les enfants entendus, les professionnels compris, le dialogue restauré et qu’un travail collectif soit mis en place pour répondre de façon construite et unanime au mépris du ministre de l’éducation nationale.

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