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Billet de blog 10 janvier 2023

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L'absence de travail des partis achève notre démocratie

Le manque de travail n’est pas militant. Il est dans la capacité des partis à générer une dynamique de réflexion collective au sein des partis. Il est dans la capacité des partis à s’extraire de l’exigence médiatique de trouver des éléments de langage et de faire le buzz. Il est dans la capacité des partis à penser le temps long plutôt qu’à la réaction obsessionnelle et unilatérale à l’actualité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

N’étant pas au Parti Socialiste, j’ai néanmoins regardé le débat avec intérêt, ne comprenant pas le débat interne qui s’y produisait.

Il y a eu un propos qui a néanmoins fait écho à ce que je pense depuis des années, depuis que je suis engagé au sein de partis politiques, le Parti Socialiste puis Génération-s.

Ce propos consistait à déplorer le manque de travail au sein du Parti Socialiste, un travail sur le fond, sur les idées, sur un projet de société cohérent et concret. Je ne vais pas juger le manque de travail du Parti Socialiste, ce sont des amis, je n’y suis pas membre, je n’ai pas à juger de l’activité du Parti Socialiste isolément des autres formations.

Mais, en tant que membre d’un parti, je constate aussi ce manque de travail. Je le déplore depuis des années, lassant mes camarades à répéter que nos échecs électoraux sont en grande partie causés par ce manque de travail qui détermine un manque de crédibilité auprès des citoyennes et des citoyens.

Le manque de travail n’est pas militant. Il est dans la capacité des partis à générer une dynamique de réflexion collective au sein des partis. Il est dans la capacité des partis à s’extraire de l’exigence médiatique de trouver des éléments de langage et de faire le buzz. Il est dans la capacité des partis à penser le temps long plutôt qu’à la réaction obsessionnelle et unilatérale à l’actualité.

Il est également dans la capacité des partis à dialoguer avec les associations, les entreprises, la société civile.

Lorsque j’étais en charge des questions de handicap et d’inclusion pour Génération-s, mon premier objectif était de renouer avec les associations et les personnes concernées, ce qui a permis un vrai travail de réflexion sur le sujet, que le seul parti n’aurait pu produire.

Mais ce fut de manière esseulée et solitaire, en faisant fi de l’absence de structure organisationnelle ou de dynamique collective.

Et beaucoup agissent de la même façon, cet isolement produit alors un défaut de cohérence et un manque de synthèse des contenus produits ou des actions de dialogue menées.

L’autre problème conséquent à ce mode d’action est que celui qui agit, incarne son action, de fait quand il n’est plus là, le travail disparaît et le sujet meurt.

L’autre choix stratégique effectué par certaines formations est que la structure détermine les fonctions et les sujets à traiter. Mais cela engendre un déficit d’incarnation, d’implication, et les sujets ne sont alors pas portés par ceux en charge de le faire.

L’on se confronte, dans les deux cas, à des projets de société mal ficelés, qui oublient la moitié des sujets, compilant des éléments de langage érigés en grands principes, avec des propositions concrètes dont la validité n’est pas éprouvée. Cela provoque alors une défiance des électrices et des électeurs puisqu’il est constaté un manque de rigueur patent.

Certaines formations ne s’encombrent même plus, les thèmes ne sont plus traités au sein des instances nationales qui ne s’occupent alors que de stratégies et de vote des décisions prises par les exécutifs. Le fond devient secondaire et n’est structuré que pour donner une apparence d’activité à un parti qui n’attend qu’une chose, les prochaines élections.

Il est en soi révélateur que les universitaires et les intellectuels ne s’intéressent aux partis que lors de l’élection présidentielle, seul jeu démocratique où les partis sont bien obligés de proposer une consistance dans leurs éléments de langage et une certaine nouveauté.

C’est également pour cette raison que nous avons des formations politiques qui restent concentrées sur les mêmes thèmes. Ce ne sont pas nécessairement les plus travaillés mais ce sont ces sujets dont le récit et les éléments de langage sont les plus développés et répétés. Un petit jeu d’exercice mental, et se souvenir de la dernière présidentielle permet de vérifier cette affirmation, la droite a répété son laïus sur l’immigration, l’écologie est restée sur l’environnementalisme, le PS a trébuché sur les salaires des professeurs, LFI a répété son programme de 2017 etc.

Nous pourrions d’ailleurs nous demander si le sujet le moins abordé lors des élections, à savoir la participation démocratique, n’est pas la problématique qui empêche les partis d’effectuer un travail de fond rigoureux.

N’est ce pas le manque de démocratie interne qui empêche la production d’idées et n’est ce pas le manque de démocratie interne qui occulte la nécessité de dialoguer avec d’autres composantes de la société ?

La question se pose.
Une précision est nécessaire, la démocratie ce n’est pas uniquement voter, c’est également participer à l’élaboration des projets, des programmes, des stratégies. L’on dit communément, au sein des groupes militants que les citoyennes et citoyens ont déserté les partis. Ne sont-ce pas les partis qui ont déserté les citoyennes et citoyens ?

Il demeure un paradoxe au sein de cette apathie générale. Les experts ne sont pas écoutés, les citoyennes et les citoyens ne sont pas entendus, les associations et syndicats ne sont pas consultés, et l’espoir demeure au sein des formations que les évidences qu’elles seraient les seules à posséder convainquent la Terre entière. Ce paradoxe est en train de tuer la vie des partis, ainsi que leur crédibilité et finalement tue la démocratie puisque c’est à mon sens, une cause majeure de l’abstention.

A titre personnel, je ne crois pas que j’aurais encore la force de m’investir dans une comédie ; où les thèmes sont abordés comme dans le jeu du Petit Bac, ou sont simplement ignorés, avec l’injonction de défendre des éléments de langage vains et vides.

Il arrive que ce ne soit pas la politique qui déçoive, mais sa vacuité. Si comme l’on dit communément « tout est politique » et que la politique est totalement vide alors quel sens pouvons nous donner à notre société et à ce qui nous est commun ? Par manque de réponse, malheureusement on s’abstient.

Il ne reste plus qu’une solution : que nos partis politiques travaillent sur leur autocritique et travaillent réellement et rigoureusement. Ce sera une condition nécessaire de réappropriation du politique, de l’activité démocratique mais également une preuve de respect pour les militants qui triment et les citoyens qui s’interrogent.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.