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Billet de blog 10 octobre 2022

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Autisme et politique

On n’est pas nombreux, à être autistes et militer dans des organisations politiques. Il y a plusieurs raisons à cela, que je vais tenter d’exposer.

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On n’est pas nombreux, à être autistes et militer dans des organisations politiques.

Il y a plusieurs raisons à cela, que je vais tenter d’exposer.

Tout d’abord le milieu politique et militant possède des codes sociaux et stratégiques qui sont d’une complexité qui peut aller à l’encontre de nos difficultés à comprendre les implicites mais également les règles qui structurent les interactions sociales complexes, que sont les relations politiques. C’est d’autant plus compliqué, que le milieu politique et militant des partis est très violent, et il peut nous être prêté des intentions qui seraient sans doute justes chez des personnes non autistes, mais qui là ne sont pas valides mais arrivent tout de même à nous blesser.

Ces difficultés empêchent une intégration communautaire ordinaire, qui est pourtant le creuset de la militance politique.

Ces difficultés génèrent une incompréhension à notre encontre pouvant provoquer du rejet ou de l’isolement.

Cette violence renforce notre incompréhension des stratégies qui se produisent.

Il convient de préciser : les partis politiques ne savent pas intégrer ce qu’on appelle « les minorités ». Et leur fonctionnement ne facilité pas cette intégration. Si vous êtes noir, arabe, une femme, LGBTQ+ , autiste ou autre, vous aurez des difficultés à être intégré dans les dispositifs et acquérir des responsabilités. Plus vous avez des problèmes à comprendre les stratégies et les implicites et plus vos chances se réduisent. Et c’est une discrimination intersectionnelle, car si vous êtes une femme, noire, gay et autiste, vos chances s’amenuisent drastiquement.

Quand on est autiste, il existe déjà un isolement social antérieur à l’entrée dans le parti. A l’école, au travail si on a la chance de travailler (95 % des autistes sont sans emploi), au sein de sa propre famille, parfois, l’on ressent rapidement que l’on est différent et que cette différence est un frein à être accepté, reconnu, intégré.

Selon si l’on arrive à s’adapter, alors l’on peut être davantage accepté. Preuve en est que ce sont les similitudes avec autrui qui sont acceptées et non nos différences.

Être militant est donc déjà très complexe. De plus les codes sociaux militants sont éminemment oraux. Il est nécessaire de posséder une éloquence, une capacité charismatique à discourir, une acceptation de la foule, du dialogue spontané, qui sont des compétences difficiles à acquérir lorsque l’on est autistes. Surtout à une époque où le buzz, et l’immédiat s’imposent.

Être candidat à une élection est de fait encore plus hasardeux. La parité ne tient compte que du sexe, et les partis ont cette capacité de reproduction politique à faire confiance à des profils similaires, souvent stratèges ou du moins experts dans les codes mis en place par ces mêmes partis. Si vous n’avez pas ces codes, même si vous êtes expert sur des faits politiques incontournables, ce sera très compliqué et compromis. Les quotas ne sont jamais acceptés alors que ce n’est pas la panacée, mais une porte d’entrée vers plus de possibilités.

A titre personnel, en guise de témoignage, je fais partie des autistes qui auraient de la chance, car j’ai acquis une capacité et des compétences qui cachent pour partie mes particularités ainsi que mon mal-être.

Mais il y a des choses que je ne sais pas faire (comme tout le monde) et qui sont des choses incontournables. Et des stratégies sociales ou militantes que je ne peux comprendre tant elles me semblent incohérentes.

Invisibiliser mes particularités demande une immense énergie et il est des situations parfois cocasses où je vois bien les différences entre le chemin que j’apprécie et qui n’est pas compris par autrui. Préférer une réunion en format zoom plutôt qu’en présentiel, construire un programme et les idées plutôt que tracter etc.

Alors il va venir une question qui est pleine de bon sens : « pourquoi faire de la politique alors ? »

Personne n’y est obligé en soi. C’est vrai.

Mais quand on est autiste, on sait bien que la loi ne changera pas si on attend que d’autres s’emparent du sujet. Car cela n’arrive jamais.

On sait que le système ne changera pas, si on ne lutte pas soi-mêmes.

Aussi, le milieu politique devrait changer. Vœu pieux. Tant les stratégies et les codes ont été banalisés et évidents. Alors il faudra faire avec.

Ceci étant dit, nous ne sommes pas nombreux, et les personnes en situation de handicap sont peu nombreuses également. Car il y a peu d’accessibilité, peu d’adaptation des partis et un manque d’intérêt pour les questions sur le handicap et l’inclusion.

C’est un autre facteur déterminant. Les partis s’occupent peu de ces questions, de fait les intéressés n’ont plus confiance en le politique pour améliorer leurs vies. Un cercle vicieux s’opère et devient ridiculement répétitif. Et porte atteinte à la démocratie et à la notion même de représentativité.

Pourtant nos compétences qui sont propres à notre développement peuvent apporter beaucoup de choses. Car la diversité cognitive enrichit de fait les débats, réflexions, et idées. A l’inverse l’uniformisation des profils appauvrit les partis. En ce moment nous voyons bien leur difficultés à innover et l’uniformisation globale des cadres politiques est peut être une cause.

Les partis sont validistes. C’est tout le problème quand on est autiste.

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