Depuis quelques semaines, sur les réseaux sociaux, les militants (car la population elle, s’en fiche) sont embarqués dans une sorte de vague déterminée par les sondages, sur la meilleure stratégie à adopter pour éviter un désastre. Un désastre où la gauche et les écologistes ne serait pas présente au second tour.
Je mets à mon tour une pièce dans la machine infernale.
Pourquoi militons nous ? Pourquoi faisons nous de la politique ?
Les raisons sont souvent personnelles mais j’ose espérer que l’on se bat pour ce qui nous motive, pour les combats qu’on veut porter. C’est ce qui est commun à tout l’échiquier politique d’ailleurs, on se bat pour des luttes concrètes et des choix idéologiques.
D’ailleurs, une parenthèse, le mot idéologie n’est pas un gros mot, c’est un système de pensée et de principes et de qualités qui sont déclinés par l’intuition, vérifiés par l’expérience et qui sont une feuille de route à l’action personnelle et collective. Kant les appelait les catégories en analysant les théories d’Aristote. Là où l’idéologie devient problématique est lorsqu’elle devient une justification pour infirmer l’expérience, elle devient un dogme.
Bref, il y a d’autres motivations que les combats, mais je suis persuadé que les militants ont cette soif de luttes ancrée dans leur action.
C’est une autre motivation que de vouloir gagner pour ces combats, de lutter pour l’emporter.
De fait le vote utile n’existe pas.
Pour plusieurs raisons.
La première raison est celle évoquée au-dessus, le vote utile n’est que la mise en exergue d’une stratégie de vote collective au détriment des luttes et des combats que l’on s’approprie individuellement, qui nous motive à faire de la politique, pour permettre au moindre mal de remplacer un plus grand mal. C’est un dévoiement du vote qui est un acte individuel, intime, privé. Être militant politique et dévoyer le principe du vote c’est en soi inacceptable.
Cela conduit également à renier les causes, dans tous les sens tu termes pour lesquelles nous faisons de la politique.
La seconde raison est que cela biaise l’élection elle-même. Le principe de ce type de scrutin est de voter par conviction au premier tour et par élimination ou déduction au second. Le vote utile revient à voter par élimination ou déduction aux deux tours.
Donc on milite et on fait campagne pendant des mois pour finalement peut être voter autre chose. C’est un reniement qui écœure, qui désagrège les formations politiques et finalement dégoûte les électeurs qui y voient alors une comédie. La campagne devient dès lors une farce surjouée sur les idées puisqu’il semble si facile d’y renoncer dans l’isoloir.
De fait les électeurs font pareil, ou ne votent plus. Les idées sont perdues, les luttes écartées, il n’y a plus de raison de faire de la politique. Même plus de raison d’agir.
Cela a pour conséquence d’empêcher la représentativité dans le débat public de la diversité des idées, et donc de perdre du terrain à long terme au niveau électoral. Si la gauche est les écologistes sont à 25 % aujourd’hui lorsque l’on cumule les intentions c’est aussi à force d’utilitarisme des élections. Le reniement des idées n’a pas eu lieu uniquement quand on a gouverné mais à force de stratégie au détriment des convictions. C'est également un abandon de vouloir convaincre les abstentionnistes que de se concentrer sur les sondages.
Comment faire pour convaincre quand on dit pendant des mois que l’on défend une candidate ou un candidat pour ses idées pour finalement souffler à tout le monde de voter pour un autre ? La conclusion produit d’elle même l’idée selon laquelle les convictions sont secondaires. Seule compte la victoire. Pour gagner quoi ? Un hypothétique second tour, potentiellement perdu. Sur le court terme cela donne l’illusion de ne pas tout perdre, mais finalement c’est ce mécanisme de pensée qui conduit à ne jamais être au second tour et à s’appauvrir électoralement et intellectuellement.
Le vote utile n’existe pas car il est inutile, et contre productif.
Le vote au second tour n’est pas un vote utile, il est un vote par déduction c’est à dire que l’on se rapproche alors de la candidate ou du candidat qui possède le corpus de propositions le plus proche de celles que l’on défend. Il permet aussi de s’opposer aux propositions que l’on n’approuve pas.
A titre personnel, je voterai pour Yannick Jadot au premier tour puisque c’est son programme qui représente le mieux ce que je pense et parce que je suis un militant engagé dans un parti qui le soutient et qui s’est engagé à soutenir le gagnant de la primaire des écologistes. A titre personnel, les idées sur le handicap et l’inclusion ayant ma priorité il est logique de soutenir Yannick Jadot qui a selon moi le meilleur programme sur ce sujet.
Qu’importent les sondages, mon vote ne repose par sur la stratégie mais sur les idées, pour les raisons évoquées précédemment. C’était la même chose en 2017, et contrairement à certains camarades, je n’ai pas de raison de changer d’avis.
Au second tour je ferai un vote soit pour Jadot s’il est au second tour soit par déduction. Si un autre candidat de gauche est au second tour je voterais pour lui car leurs idées seront plus proches des miennes que n’importe quel candidat de droite et ce malgré les désaccords sur certains sujets.
Le principe d’une élection n’est pas dans le vote utile mais dans celui de convaincre. Si aucun candidat de gauche n’est au second tour c’est que nous n’aurons pas assez convaincu. Pallier cet état de fait avec un vote utile c’est simplement la corruption même du principe du vote et la volonté de capter la décision du vote. C’est dangereux pour la démocratie, cela amplifie la défiance des citoyennes et citoyens et atrophie la parole des partis.