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Billet de blog 12 décembre 2022

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L’éducation populaire, solution pour les enfants en situation de handicap ?

Si l’école ne veut pas de nous, de nos enfants, comment pourrons nous devenir des citoyennes et des citoyens, comment pourrons nous être intégrés socialement, dans la grande communauté qu’on appelle peuple ? Par l’éducation populaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’école, et l’éducation nationale, n’ont jamais été inclusives. Elles ne le sont toujours pas.

Système fondé sur l’uniformisation et la mise aux normes des individus, oubliant leur unicité, elle n’a pas les outils pour s’adapter aux besoins divers et variés des enfants possédant des spécificités physiques, cognitives, psychologiques, neurologiques.

Une fois ceci établi, rarement nié, il est nécessaire de constater que les gouvernements Macron ont aggravé la situation. Nous en vivons le paroxysme avec le ministre actuel, Pap Ndiaye, qui considère tour à tour que l’école n’a pas vocation à accueillir tous les enfants, que tous les enfants n’ont pas la capacité de suivre des apprentissages communs. Ces propos, scandaleux sont accompagnés de restrictions d’accès à l’Instruction En Famille laissant enfants et familles dans la détresse la plus totale.

Ajoutons qu’il y a déjà bien longtemps que le système scolaire n’a plus l’ambition de former des citoyennes et des citoyens éclairés, comme l’exprimait Condorcet, mais des travailleuses et des travailleurs, obéissant ainsi à une logique utilitariste et peu émancipatrice, privant alors les individus et les personnes d’un libre arbitre social. Ce libre arbitre, c’est la capacité d’agir de façon éclairé, en connaissance des droits et libertés qui fondent la société dans laquelle nous vivons. Spinoza démontrait déjà que la liberté est de connaître les causes qui nous déterminent.

Le système scolaire actuel nous offre la possibilité d’accepter les déterminismes que l’on continue d’ignorer.

Pour les personnes en situation de handicap, c’est pire. Elles sont privées d’accès à l’espace public, à l’éducation adaptée, à l’emploi, au logement, aux transports et à la société dans sa globalité.

Plus que cela, ces personnes ne peuvent réellement connaître leurs droits et rien n’est proposé pour y accéder.

Alors, il est possible de l’affirmer sans exagération, sans caricature, les personnes en situation de handicap sont soumises à une servitude involontaire, et bannies de la société et de ses espaces.

C’est une constante sociale et historique. C’est malheureusement aussi une constante sociétale qui a pour conséquence que l’école demeure inadaptée.

Alors que faire ? Attendre une école qui ne soit pas ségrégative ? Attendre le sacrifice de combien de générations de personnes possédant des spécificités pour que la société soit suffisamment évoluée pour nous intégrer toutes et tous ?

Devant l’inertie de nos gouvernements, de nos partis politiques, de la société et de son regard parfois acéré, souvent fuyant, l’attente durera une éternité.

Si l’école ne veut pas de nous, de nos enfants, comment pourrons nous devenir des citoyennes et des citoyens, comment pourrons nous être intégrés socialement, dans la grande communauté qu’on appelle peuple ?

Par l’éducation populaire.

L’éducation populaire n’a pas de définition pré-établie, officielle, mais si je souhaitais choisir une définition ce serait celle de Christant Maurel : « l'ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, travaillent à l'émancipation des individus et du peuple, et augmentent leur puissance démocratique d'agir ».

L’éducation populaire est alors un processus d’instruction pour toutes et tous, par toutes et tous, ainsi qu’un processus d’émancipation de chacune et chacun.

C’est le dispositif qui permet de participer, prendre part, et de faire partie simultanément.

Pour les personnes en situation de handicap, c’est la possibilité d’accéder à des structures qui ne regarderaient pas autre chose que le potentiel spécifique et positif de la personne avec pour seul but qu’elle fasse partie intégrante de la société, du corps social et culturel pour qu’elle en devienne, à sa façon, un acteur aussi central que les autres.

Une éducation populaire qui souffre d’un manque de moyens patents et qui est elle-même sujette à une crise sociale. La fin des contrats aidés n’y est pas étrangère. La considération politique non plus.

Pourtant, cela demeure l’outil idéal pour permettre aux personnes en situation de handicap de retrouver leur place progressivement dans la société, non comme des invalides (plutôt des invalidés d’ailleurs) mais comme des personnes partageant leurs différences et leurs potentiels. Elle remplacerait alors les établissements spécialisés, qui sont si spécialisés qu'ils ne préparent pas à la vie en société mais à une perpétuité hors de la société. Là où l'éducation populaire est la mise à disposition d'outils ouvrant la fenêtre sur le monde, les établissements spécialisés sont là pour fermer la fenêtre et préparer à s'y faire. L'éducation populaire est un modèle mais c'est aussi un moteur, offrir l'instruction, permettre l'émancipation. Elle peut jouer d'autre rôles et être un complément réel à un modèle scolaire sclérosé et discriminant. 

Donnons alors des moyens conséquents aux associations, pour qu’elles aient de bons locaux, de vrais contrats, des formations, des outils adaptés, des liens avec l’éducation nationale, qui ne pourra que bénéficier de cette richesse et faire progresser son mode d’intégration, et exprimons cette injonction aux partis politiques : placez l’éducation populaire comme une priorité dans votre projet de société ! Placez les personnes en situation de handicap comme des citoyens à part entière dans votre projet de société !

Et cette fois-ci ne parlez pas uniquement du système scolaire. Parlez des profs, vraiment, des enfants, vraiment, des parents, vraiment. Ne parlez plus du système. Changez le. Pour les individus, pour les communautés. Pour les citoyennes et les citoyens. Pour le peuple.

L’éducation populaire est le dispositif qui a permis à des milliers d’enfants de ne pas être totalement marginalisés. Faisons en un dispositif d’intégration et d’émancipation pour toutes et tous. Et cela permettra peut être à ces enfants de retrouver les chemins d’une école formatrice réellement inclusive. C’est un impératif catégorique, social, démocratique. Comme le déclarait John Dewey : «L'éducation est un progrès social... L'éducation est non pas une préparation à la vie, l'éducation est la vie même."

Par l’éducation populaire, nous pourrons changer l’éducation.

Par l’éducation populaire nous pourrons garantir l’expression de toutes et tous, et les écouter. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.