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Billet de blog 13 août 2023

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La Francesoirisation du JDD

Le Journal du Dimanche a vu arriver à sa direction un journaliste réputé tellement à droite qu’il en fit blanchir les plus convaincus de Valeurs Actuelles. Si son rapport à l’extrême droite a été analysé, le rapport à la vérité, moins.

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Le Journal du Dimanche a vu arriver à sa direction un journaliste réputé tellement à droite qu’il en fit blanchir les plus convaincus de Valeurs Actuelles. Si son rapport à l’extrême droite a été analysé, le rapport à la vérité, moins.

Francesoirisation est un néologisme (peu élégant certes) rattaché à la descente aux enfers du quotidien France Soir qui évolua de quotidien de référence à propagande de Fakes News chères au propriétaire millionnaire.

En 2014, Xavier Alzabert millionnaire reprend ce quotidien auparavant reconnu pour en faire une base rédactionnelle de fausses informations et de relais des thèses conspirationnistes. La reprise des rumeurs du réseau Qanon en fut un élément fondamental pendant la crise Covid. La reprise de France Soir de cette manière provoqua le départ des journalistes qui étaient restés malgré les difficultés économiques du journal maintes fois repris et relancés depuis les années 70.

Le Journal du Dimanche est également aux mains d’un milliardaire qui utilise les médias pour diffuser ses idées ou sa propre idéologie. De même que France Soir, le Journal du Dimanche voit un changement drastique de politique rédactionnelle et ce, selon le même processus que Bolloré initia avec Cnews. Et d’autres.

Le Journal du Dimanche voit également, à l’aune de ce changement de stratégie éditoriale, le départ des journalistes en place, car ils sont légitimement indignés et choqués, refusant de cautionner cette évolution.

Dans les deux cas, on assiste à la reprise d’un média par un millionnaire, et un renversement de la politique éditoriale au profit des idées ou des idéologies du propriétaire. Ce n’est pas toujours ainsi que cela fonctionne, d’autres médias appartenant à d’autres fortunes n’ont pas nécessairement cette problématique, même si l’on pourrait apprécier que notre presse ou nos médias ne soient pas la propriété d’une oligarchie.

Cependant, il y a une autre similitude qui n’a pas été mise en avant et qui démontre, un symptôme de notre société malade, mais également une stratégie clairement identifiable de travestissement des faits et des vérités au profit de la diffusion de fausses informations.

Même si cela existait avant, nous assistons depuis l’élection de Trump à un confusionnisme et un relativisme qui servent les intérêts de réseaux de désinformation. Souvent proche de l’extrême droite, ces stratégies ont déjà été vues dans l’Histoire et étaient une étape préparatoire à l’accession au pouvoir de totalitarismes.

Quoi de mieux que la maîtrise de l’information pour influencer les citoyennes et citoyens et créer un flou sur une réalité qui est dès lors décalée. Cela fut théorisé par Goebbels tout le long de la période nazie. 

Il s’agit d’une offensive calculée et dans une société démocratique en bonne santé, elle n’aurait pas prise.

Seulement, notre propre société a un problème avec les faits et la vérité. C’est cette fragilité, que l’on a pu voir pendant la période Covid, qui permet l’invasion progressive de ces réseaux de désinformation. Invasion d’autant plus subtile, que ce sont des médias traditionnels qui sont petit à petit captés pour ces basses œuvres.

Et c’est possible grâce à la porosité qui était mentionnée auparavant.

Dans l’histoire de la presse française, le journalisme et les journaux ont toujours été engagés politiquement. Il y a donc toujours eu des idéologies qui ont été représentées dans les journaux. L’Humanité possède une identité visible, Libération aussi, le Figaro également.

Davantage, les journaux représentent des sociologies présentes dans l’espace public. Mais, et la déontologie journalistique l’a constamment imposé, ces idéologies ne peuvent être présentes qu’après une description objective de faits et d’idées validées ou vérifiables. Si les faits ne peuvent être déformés, l’analyse peut laisser libre court au développement d’interprétations structurées si et seulement si ces analyses ne détournent pas les faits.

Mais, et les cellules de fact checking en sont une conséquence directe, la presse ne parvient plus systématiquement à la description objective de faits. Parfois c’est involontaire et dans ce type de situation c’est corrigé. Dans d’autres cas les rédactions s’en fichent, le principe étant d’alimenter une polémique et de gagner de l’audience, cette situation se présente souvent au sein des chaînes d’informations en continu.

Et d’autres fois, cela sert l’idéologie et le fait est détourné pour servir un biais de confirmation et servir des idées. Le processus est donc inversé : il n’est plus question de commencer une analyse à partir d’une description factuel d’un événement mais de se servir d’un événement pour justifier sa propre idéologie.

Dans le cas de l’extrême droite la manipulation des faits est un outil servant à justifier un complotisme et exiger un changement de système en axant sa prise de pouvoir par la perte de confiance des citoyens envers les institutions et les médias traditionnels. Et quand il n’y a plus cette exigence de vérité alors tout devient possible.

Possible comme certains médias qui ont propagé les propos de Raoult alors même que le fact Checking avait été effectué. Comme d’autres médias qui font circuler des articles entiers vantant la biodynamie, branche totalement farfelue et pseudo science d’une structure sectaire, l’anthroposophie (Le Monde par exemple). Comme d’autres médias qui laissent tribune à Caroline Goldman la laissant dire des choses totalement fausses car ces inepties sont au service de la psychanalyse, discipline chère à Adèle Van Reeth et Radio France.

Comme d’autres médias Qui reprennent de fausses informations sur les vaccins, sur l’autisme, sur les écrans, comme l’émission des Maternelles sur notre service public.

Et petit à petit, ces dérives qui semblent restreintes à des sujets concernant peu de monde, se développent sur des sujets qui concernent tout le monde. Combien de fausses informations sur le nucléaire de part et d’autres, sur l’agriculture, sur le réchauffement climatique, sur le chômage, la sécurité, sur des sujets pourtant très simples mais qui demandent des enquêtes approfondies.

Hormis de rares médias, ces enquêtes ne sont plus faites. Et ce contexte engendrant une fragilité à défendre la vérité ou tout du moins la validité des informations, garantit à France Soir de construire son succès auprès d’une communauté totalement crédule car baignée par des sources qui ne peuvent plus être de confiance. Et de construire son succès sur le mensonge, la désinformation, la rumeur à des fins politiques. Jacques Bouveresse fit une analyse précise de la façon dont les médias perdent petit à petit pied dans la défense d'une rigueur intellectuelle quant à la précision et la diffusion de l'information, cette dégradation entraînant l'avènement d'une bête immonde.

Cela permet également au Journal du Dimanche le même procédé, et garantit à Cnews son succès actuel. Le nouveau patron du JDD n’est qu’un symptôme et un agent d’une stratégie plus grande que lui.

Ce phénomène s’étendra tant que les médias de référence ne prendront pas part à une vraie bataille culturelle qui place au centre la vérité comme une valeur fondamentale de distribution d’informations et que nos politiques ne légiféreront pas contre l’appropriation par des corps privés d’une presse à l’agonie. C’est une condition nécessaire mais insuffisante pour reconstituer une communauté citoyenne politisée en France et impliqué par des enjeux dont on connaît la nature et le développement. Sinon le totalitarisme viendra et par le mensonge il s’installera.

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