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Billet de blog 15 novembre 2022

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Principes ou valeurs ?

Il existe un débat permanent qui prend des formes excessives parfois. C'est le cas sur le sujet de la présence de Louis Boyard insulté par Cyril Hanouna, dans son émission de manière stupide ou sur les débats d'ordre sociétal et, ou, moral avec en ce moment le retour d'Adrien Quatenens. Ce débat, c'est celui des principes et des valeurs. Petit éclaircissement.

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Nous entendons beaucoup le terme de valeurs en politique. Souvent avec un ton indigné, solennel, militant. « Nous avons des valeurs », « en respect avec nos valeurs », « nous ne trahirons pas nos valeurs » et une multitude de formules parfois pensées sincèrement constituant l'apanage d'une rhétorique de la morale.

Mais qui définit le terme de valeur ? Car dans le discours politique, cette notion est considérée comme un absolu, un impondérable à ne pas remettre en cause. Exprimer ce terme c'est ériger son idée, son comportement, son propos sur un strapontin moral qui ne peut être remis en cause.

Paradoxalement il n'y a rien de plus facile à remettre en cause qu'une valeur.

Puisque par nature une valeur est évaluable, elle est une construction psychologique que John Dewey appelle la « valuation » dans son ouvrage « La formation des valeurs » et qui consiste à créer des concepts analytiques des objets, des normes et de toute chose perçue. C'est cela une valeur, un jugement analytique ou empirique qualitatif de telle ou telle chose ou objet ou idée qu'on attribue en fonction de notre connaissance et de notre perception des choses mais toujours dans un système comparatif.

Ce qui provient d'un processus de comparaison induit nécessairement une hiérarchie. Qui peut être objective c'est à dire en mettant en avant des faits descriptifs, ou subjective car la valuation procède de la relation à la chose analysée et non à la chose analysée en elle-même.

Qu'elle soit objective ou subjective une valeur peut dès lors toujours être remise en question et donc débattue car elle est la résultante d'un processus cognitif individuel basé sur l'expérimentation, la valuation (produire une valeur), et l'évaluation (mise en comparaison de valeurs de même nature).

Au contraire, un principe est un fondement axiomatique de pensée. Et comme le dit Aristote « un principe est premier », il est donc indémontrable mais indiscutable. De fait il tend à être universalisé et il est alors hors de toute conception subjective, même si chaque sujet peut l'interpréter ou se l'approprier.

Un principe est fondamental et il est le point de départ, la cause première de toute une réflexion et de tout un système philosophique chez chaque individu, groupe, société.

Quand il est moral il est selon Kant « un impératif catégorique ». Or une valeur ne peut jamais être un impératif catégorique et ne peut jamais être universelle.

Le principe est absolu et contrairement à la valeur il ne peut être remis en cause. On peut essayer d'en juger sa pertinence mais il a cette utilité et cette fonction de dépasser cette question de pertinence car sans ce principe, on ne peut rien faire, on ne peut évoluer.

C'est pour cette raison que je considère que chaque personnalité politique parlant de valeurs se trompe le plus souvent et devrait utiliser le terme de principe. Ce n'est pas de l'ergotage car de cette confusion découle un droit à discuter de telle notion et de l'impossibilité de discuter de telle autre.

Quelques exemples.

La laïcité n'est pas une valeur, c'est un principe. Et contrairement à ce qui a été dit ce principe n'est pas moral il est philosophique. La laïcité est fondamentale et de fait il est impossible de la remettre en cause ou d'en juger sa pertinence car elle est transcendante à toute question de pertinence tant son utilité préserve chaque communauté, chaque individu. La laïcité n'est pas une valeur elle n'est pas évaluable.

Il en est de même pour les droits de l'homme. Et le défenseur des droits l'a bien dit. Dès lors que l'on en parle en tant que valeur, on évalue, on pose une notion de degré et penser ainsi est déjà remettre en cause le caractère absolu de ces droits et leurs acquisition pleine entière et indispensable.

Il est donc fallacieux de se cacher derrière la notion de valeur pour ne pas voir remis en cause ses convictions car c'est justement le meilleur moyen de les remettre en cause.

Par opposition il est primordial de mentionner à nouveau les principes et se rappeler ce que sont des principes et ce que sont des valeurs, car à confondre les deux on se perd. On se perd dans de la confusion de termes, de concepts et finalement d'idées. Se perdre c'est également perdre autrui et si la gauche doit se relever c'est en se rappelant quels sont ses principes et en arrêtant de se cacher derrière des valeurs. Si un principe se partage nécessairement, une valeur se critique.

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