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Billet de blog 26 août 2022

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Lever les freins à l'implication des personnes handies dans la Cité

Ce texte est la réflexion que j’aurais développée si j’avais participé à l’atelier des Journées D’Été Des Écologistes 2022 « Lever les freins à l’implication des personnes handies dans la Cité ».

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Ce texte est la réflexion que j’aurais développée si j’avais participé à l’atelier des Journées D’Été Des Écologistes 2022 « Lever les freins à l’implication des personnes handies dans la Cité ».

Je devais participer à cet atelier, mais au dernier moment un changement pour des raisons inconnues a eu lieu, dès lors il me paraissait utile de retranscrire par écrit ce que je pense de ce sujet ; étant moi-même autiste, concerné et impliqué politiquement sur ces questions.

Lorsque l’on parle de Cité, dans ce contexte, il est tout de suite question de plusieurs concepts qui s’entrechoquent, qui s’interpellent mutuellement. Cela conduit de suite à penser à la Cité Athénienne, berceau de la démocratie et creuset de la philosophie platonicienne.

On pense à tort que la période athénienne était l’apogée de la pratique démocratique alors que la citoyenneté était circonscrite à une très petite minorité et que Platon dans La république ne considérait pas l’égalité de fait dans la pratique démocratique. Son parcours personnel le fit davantage devenir un ami des régimes autoritaires. Il est alors étonnant de considérer l’essor de l’implication politique des personnes en situation de handicap comme s’incarnant dans la notion même de Cité.

Plus encore, se référer à l’Histoire ou à la philosophie aura pour unique conséquence de constater que les personnes en situation de handicap ont été constamment mises au ban de la pratique démocratique et de l’espace public. Condorcet lui-même souhaitait écarter les « débiles » du champ politique et démocratique. Le droit de vote pour toutes les personnes en situation de handicap ne fut d’ailleurs possible en France qu’à partir de 2018 et là encore, Cyril Desjeux l’illustre parfaitement, il n’est pas acquis et le code électoral ne s’y est pas adapté.

L’autre concept qui s’impose lorsque l’on parle de Cité est la forme la plus pure de participation politique qu’ait connue Athènes, à savoir l’Agora, qui prend la forme dans notre société actuelle de l’espace public (réel comme virtuel). Il convient alors de questionner l’accessibilité de cet espace, la possibilité de cet espace public à intégrer tout le monde dans une forme de pratique démocratique.

Puis, il devient alors possible de définir l’implication politique des personnes en situation de handicap. Pourquoi celle-ci possède des freins, quelles en sont les causes, et questionner de potentielles solutions.

Où commence l’implication politique ? A l’action collective, au vote, à la possibilité de participer à des réflexions sur des sujets actuels ? L’implication peut elle se définir par participer, prendre part, ou faire partie de ? Et peut on observer réellement la concrétisation d’une implication politique et si oui, quels en sont les critères ?

Décidons de prendre arbitrairement le droit de vote et la capacité à exercer ce droit comme prisme arbitraire d’accès à la pratique démocratique et politique. Dès le plus jeune âge l’on nous apprend que tout français a le droit de vote. Nous avons précisé plus haut que c’était faux jusqu’en 2018. Le droit le permet depuis cette date en partie. Auparavant c’était à la discrétion d’un Juge des Affaires familiales. De fait nous manquons encore de données pour évaluer si cette avancée a eu des effets réels sur la participation des personnes en situation de handicap.

Du reste, le droit n’était pas le seul frein à cette pratique. L’accessibilité physique n’est pas toujours évidente, que cela soit celle du Bureau de vote ou du trajet qui nous y conduit. De plus les votes ayant lieu le dimanche, l’aidance n’étant pas bien analysée par le président de bureau de vote, la personne en situation de handicap est bien souvent seule. Et donc n’y va pas. Comment alors penser l’implication politique des personnes en situation de handicap si même le geste le plus égalitaire de la politique française n’est pas possible pour tous ?

Il n’y a pas non plus de diffusion de la propagande ou des programmes en langage FALC, l’accessibilité au savoir n’est pas non plus un modèle d’intégration, ou une invitation sincère à s’impliquer.

Profitons de questionner le savoir et les connaissances pour interroger les causes de la marginalisation des personnes en situation de handicap. Toutes celles et tous ceux qui ont eu un cursus scolaire ordinaire ont bénéficié de façon directe ou indirecte d’un accès à l’histoire et à l’instruction civique, et si cela ne sert pas à tous, cela permet malgré tout à beaucoup de personnes votant actuellement d’avoir pu structurer une pensée et des motivations invitant précisément à voter.

Lorsque vous êtes un enfant en situation de handicap, et que vous ne connaissez que les classes ULIS, puis les IME, cet accès est réduit à portion congrue et le champ politique peut alors être une planète totalement inconnue. Il faudra une volonté décuplée et un parcours du combattant épuisant pour se fortifier des motivations concrètes de voter. Surtout lorsque l’on voit la place des sujets liés au handicap dans la vie politique française ce que nous développerons ensuite ;

Nous pouvons ajouter que la marginalisation, l’exclusion sociale vécue à l’école par une inclusion défaillante, puis une mise au ban des secteurs sociaux, économiques, professionnels et culturels ne donne pas envie de prendre part à la construction politique de la société, ne motive pas à participer au choix démocratique, ne donne pas envie de faire partie d’une société qui rejette.

Cette marginalisation se confirme à l’échelle locale où les personnes en situation de handicap ont rarement la possibilité ou l’accès aux débats publics, et les organisatrices et organisateurs n’y pensent que rarement.

La pratique politique peut donc ne jamais être possible, que cela soit par le vote ou par des actions locales.

Il reste alors deux acteurs possibles : les partis politiques et les associations.

Les associations qui ont pour thématique le handicap ne sont pas toutes constituées de personnes en situation de handicap et une minorité sont dirigées par ces personnes. Et ces associations sont rarement celles qui sont entendues par les pouvoirs publics ce qui perpétue le cercle vicieux de la marginalisation et de la discrimination qui prouve alors qu’elle est individuelle mais aussi systémique. C’est la base du validisme.

Le validisme est l’ensemble des discours, dispositifs, et moyens qui discriminent et justifient la discrimination par la société, des personnes en situation de handicap. Aussi, tous les obstacles posés par cette société et le refus par celle-ci de s’adapter aux personnes en situation de handicap constitue le validisme. Ce validisme repose sur une normativité qui place d’un côté les personnes conformes, qui sont valides, et les personnes non conformes, hors normes, qui sont invalides. Ce dualisme permet de maintenir un statut quo et de ne tenir compte que de la première catégorie de personnes.

Ce validisme s’illustrera également par l’injonction parfois implicite parfois explicite, exprimée par la société envers la personne en situation de handicap de « faire un effort ».

Ce discours, cette inversion des responsabilités, permet de justifier l’exclusion et de ne rien changer.

Dès lors toute participation sociale, politique d’une personne en situation de handicap sera biaisée par cette infériorisation qui ne dit pas son nom.

Il en est malheureusement de même dans les partis politiques. Combien de personnes en situation de handicap sont en charge d’un mandat électoral ? Combien peut on compter de personnes en situation de handicap qui ont des responsabilités au sein des partis politiques ? Et sur ces personnes qui ont eu la possibilité d’obtenir ce mandat ou ces responsabilités, combien sont restreintes à des missions sur le handicap uniquement, comme si une personne en situation de handicap ne pouvait travailler sur un autre sujet que le handicap ? Que les personnes concernées puissent avoir accès à ces missions est souhaitable, mais que ce soit le seul type de mission proposé interroge. De plus, le sujet du handicap est souvent considéré comme secondaire, et rarement pris en compte dans les projets de société des diverses formations politiques. Ce dédain participer au rejet.

Il serait possible de produire une thèse sur ce sujet. Cependant les solutions ne peuvent être que radicales. Pour écarter le validisme, il convient de changer de système. Changer de système scolaire pour que chaque enfant ait un enseignement où il est intégré dans le modèle scolaire ordinaire mais qui lui soit néanmoins adapté. Mettre en place une accessibilité universelle sur le bâti, la voirie, le transport, l’accès à l’information et la culture.

Changer les mentalités dans les formations politiques afin que le handicap ne soit pas un sujet secondaire mais transversal et que les personnes en situation de handicap soient considérées avec tout le potentiel qu’elles possèdent. Peut être, pour cela, faudrait il réfléchir à une parité qui intègre le critère du handicap.

Changer de système, ni plus, ni moins, car c’est l’ensemble de la société qui présente des obstacles qui empêche toute implication politique.

C’est ce que j’aurais dit, si j’avais été présent à l’atelier ce soir.

En conclusion, notre société repose sur un prisme normatif, c’est à dire qu’elle repose toute sa constitution sociale, politique, économique, juridique, sur des normes. Un tri s’opère automatiquement et conséquemment, ceux qui entrent dans cette norme et ceux qui ne le peuvent pas. Peut être devrions nous changer ou réfléchir notre rapport à la norme ? Cela sera une opportunité de redéfinir l’universalisme pour qu’il devienne efficient, et que chaque personne en situation de handicap fasse partie de la société, pour participer à son évolution et prendre part à sa construction.

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