Le premier tour sera le 10 avril 2022, et l’espoir, que le handicap soit un sujet jugé prioritaire par le monde politique et les candidats s’évapore petit à petit.
Pourtant le contexte s’y prêtait. Plusieurs associations ont organisé le Handébat, événement qui fut selon mes souvenirs le plus médiatisé sur le handicap toutes campagnes présidentielles confondues avec la possibilité pour les candidats de répondre à une interview puis à des questions, un exercice démocratique rare, pédagogique et qui permettait vraiment aux candidates et aux candidats de développer leurs programmes.
Les programmes sont pourtant de bonne qualité par rapport aux élections passées. Lorsque j’affirme cela, je pense à celui de Yannick Jadot, candidat qui n’a pas daigné aller au Handébat et qui lors de sa conférence sur l’éducation ne mentionne pas ou si peu l’inclusion scolaire. Pourtant il y a de bonnes mesures qu’il était facile de mettre en avant. Celui de Jean Luc Mélenchon comporte aussi de bonnes choses.
Finalement seules Anne Hidalgo et Marine Le Pen ont daigné donner un temps intégral au Handébat.
Les autres interventions médiatiques pouvaient être d’autres occasions de parler de ce sujet. Ces occasions sont nombreuses. Elles sont riches et accessibles, le temps de parole étant conséquent. Mais non, toujours pas.
Pourtant tous, à gauche affirment être les défenseurs de l’égalité et de la justice sociale. Toutes et tous.
Comment être crédible en revendiquant porter la justice sociale et ne pas parler du handicap, première cause de discrimination depuis cinq ans ?
Comment être crédible en revendiquant porter la justice sociale, quand on ne parle pas de douze millions de personnes concernées directement par le sujet du handicap et vingt-trois millions indirectement ? De leur précarité, de l’inadaptation de la société, de la marginalisation dont ces personnes sont victimes.
Leur nombre est important et le sujet qui les concerne ne l’est pas.
Que penser de ce paradoxe ?
Doit on considérer qu’il y aurait des citoyennes et des citoyens qui ne méritent pas l’attention des candidats et des candidats alors que les personnes en situation de handicap sont pourtant celles qui ont le plus besoin de justice sociale ?
Doit on considérer que douze et vingt trois millions de personne ne sont pas des populations suffisamment importantes en nombre ou sont elles qualitativement de seconde zone pour que le monde politique s’en fiche?
A l’heure où il y a un scandale des ESAT (voir le livre de Thibault Petit) qui ne reçoit pas le même traitement médiatique que les EHPAD, que la ségrégation des personnes en situation de handicap n’a jamais été si forte, où il existe enfin des programmes ambitieux, les candidats et candidates n’ont plus d’excuse.
Ne pas parler de ce sujet qui concerne autant de personnes, revient en quelque sorte à valider le système discriminatoire et excluant qu’est la société française à l’encontre des personnes en situation de handicap. C’est nourrir le validisme. C’est manquer de courage. C’est finalement ne pas vraiment porter la justice sociale, ne pas l’avoir au coeur, dans les tripes, c’est renoncer à faire de la politique, vraiment. C’est également acter l’abstention que de renoncer à porter ce type de sujet. C’est acter que la crédibilité n’est plus un enjeu.
L’échec est total. Ne soyons pas étonnés de la chute.