Les revendications de la Police Nationale indignent et interrogent. Du fait de leur fonction, il serait nécessaire de créer un statut spécial de justiciable et par conséquent une justice d’exception.
Au delà d’une atteinte manifeste au principe d’égalité de chacune et chacun devant la justice, cela est significatif d’une conception de la démocratie et du statut de citoyen.
La première des indignations trouve son origine dans la cause de ces manifestations policières. Un jeune homme est laissé pour mort par des policiers, et gardera des séquelles à vie. Sans motif apparent, sans « raison raisonnable ». La violence de ces actes et l’absence de justification ont nécessairement conduit à l’instruction d’une procédure judiciaire.
La seconde des indignations est en réaction à la réaction même de beaucoup de policiers qui se mettent en arrêt maladie pour protester contre le placement en détention du suspect. Cela indigne, mais cela appelle à davantage d’analyse des politiques sur les éléments de langage qu’ils utilisent habituellement sur la violence légitime.
La troisième indignation est la conséquence des revendications des syndicats policiers et des déclarations du directeur de la police ainsi que la faiblesse du ministre de l’Intérieur.
Rien ne va dans cette séquence qui indique les symptômes d’une démocratie malade. Quels sont ces symptômes ?
Tout d’abord, nous assistons à une banalisation de la violence dont la police nationale se rend coupable lors des manifestations mais également lors de ce drame. Cette violence a été intégrée par la police, a été acceptée, et est désormais revendiquée.
Pis, cette violence est tolérée par le gouvernement, défendue par l’exécutif, et soutenue par une partie importante de la population.
Cette violence, qui démontre que l’institution policière est au service de l’exécutif et n’est pas au service de l’État ni au service des citoyens. C’est pourtant la fonction première de la Police Nationale : préserver la sécurité des citoyens et assurer leur protection. Les violences policières à l’égard de ces mêmes citoyens et la mission première de maintien de l’ordre démontrent que l’institution a été dévoyée.
Ce constat est grave, il devient gravissime quand les policiers consentent volontiers à cet état de fait et qu’il n’existe aucun garde-fou pour se prémunir de cette dérive.
La Police Nationale réagit en avouant. En montrant un désaccord sur la garde à vue du policier suspecté, en revendiquant un statut spécial pour les policiers lors des procédures judiciaires, les syndicats soutenus par de nombreux policiers, par le directeur de la Police affirment sans retenue que les policiers sont au-dessus des citoyennes et des citoyens. Cette supériorité, illustrée par une revendication de privilèges et d’égards particuliers, trouve sa justification dans l’exercice même du métier de policier.
En une seule affirmation ces syndicats affirment trois autres choses :
- les droits et la confrontation à la justice sont déterminés désormais par le métier ou la fonction. La justice ne s’applique plus selon la notion même de citoyenneté mais selon le métier que l’on fait.
- les syndicats et le directeur de la Police Nationale considèrent ainsi que les conditions de détention et les conditions d’encadrement des procédures des citoyens ne sont pas adaptées. Puisqu’ils demandent un autre traitement lorsqu’il s’agit de policiers c’est qu’elles ne sont clairement pas appréciables actuellement. Le discours des policiers qui s’exprimaient, qui consistait à dire que la justice était trop clémente envers les justiciables et qu’ils étaient trop choyés tombe désormais à l’eau.
- qu’il doit dont y avoir une justice à deux vitesses et une citoyenneté à deux vitesses. Celles des policiers, et celles de ceux qui ne sont pas policiers.
Cela constitue une grave atteinte à la démocratie. Le pouvoir sécuritaire ne peut être le premier pouvoir d’une démocratie, car ce pouvoir qui doit garantir la sécurité des citoyens et donc de la démocratie elle-même, par son hégémonie, priorisera fatalement sa propre sécurité au détriment de toutes les autres composantes de la société.
Car le principe même de la démocratie est l’égalité de chaque citoyenne et chaque citoyen devant l’État et ses institutions.
Car c’est le citoyen qui est l’élément fondateur de la démocratie et qui est souverain. Par conséquent il demeure le décisionnaire de l’organisation des pouvoirs.
Parce que la police n’est pas une finalité de la démocratie, elle est un outil de sa préservation. Un outil ne peut prévaloir sur la finalité qu’il sert.
La citoyenneté, et toutes les personnes qui constituent cette idée, est le creuset de l’expérience démocratique. Car la démocratie est une expérience. Une expérience qui s’illustre par l’exercice de nos droits, la construction de nos libertés, et ce que ces droits et libertés nous permettent de créer, de produire. En lien social, en pouvoir de faire des choses pour la société, en création culturelle, artistique, en l’exercice de nos activités associatives, économiques, politiques. La démocratie c’est ce mouvement perpétuel et diversifié des citoyennes et citoyens à évoluer au sein de la société. Ce n’est pas la restriction de ce mouvement par la création d’un privilège pour un corps au service des citoyens. Ce n’est pas la création d’une hiérarchie entre les travailleurs à l’égard de l’État et ce n’est pas la sécurisation du droit de violenter les citoyens.
La citoyenneté est la condition de l’existence de la démocratie. La police est l’instrument de la société pour préserver les citoyens, acteurs de la démocratie. Les citoyennes et citoyens sont au-dessus de toute autre considération car ils sont la cause et la finalité de l’expérience démocratique. Ils sont les manifestations physiques des principes universels qui garantissent l’existence des droits et des libertés.
L’évolution de la police nationale nous alerte distinctement sur un risque de totalitarisme. Le gouvernement a le devoir de protéger la démocratie. De nous protéger.