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Billet de blog 2 septembre 2025

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« Pas tous les hommes quand même », un livre écrit par Giulia Foïs

J’aurais aimé avoir ce livre, qui propose une condamnation argumentée du « #NotAllMen », dès le début, quand j’avais encore des préjugés farfelus. J’aurais ainsi eu plus de répondant parmi celles et ceux qui souhaitaient me faire douter. Il me reste beaucoup à apprendre et à vivre et tout ce que je peux faire c’est aider chaque jour à ce qu’il y ait moins de violences.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai déjà mis en avant ce livre sur les réseaux sociaux mais il me semble important de relater ce qu’il m’a apporté sinon l’argumentaire sera rapidement limité. En effet, énoncer que c’est un livre indispensable parce que c’est un livre qui défend les femmes, c’est important mais cela aura une valeur bien générale.

Ce livre est indispensable parce qu’il dit enfin les choses de manière claire, sans fioriture, sans prise de précaution, sans pudeur, sans implicite mais sans caricature, et il a la force assez étonnante de pouvoir s’adresser à tous les publics. Même si la maison d’édition propose malicieusement à la première page de proposer de cacher la couverture avec le rabat et de l’offrir au membre misogyne et infernal de son cercle de proches, il est à transmettre partout : dans un cadre scolaire en éducation civique, dans un cadre privé à ses amies et amis, à ses collègues de travail, à n’importe qui quel que soit son degré de connaissance sur le sujet. Si la personne est experte cela lui donnera une référence de vulgarisation supplémentaire, si la personne est curieuse cela lui apprendra des choses clairement, si la personne est telle qu’elle est cela lui apportera nécessairement une réaction et avec un peu d’espoir, une réflexion.

J’ai personnellement beaucoup lu sur le sujet, mais j’aurais aimé avoir ce livre dès le début quand j’avais encore des préjugés farfelus, j’aurais été plus rapide dans mon débunkage de ces préjugés.

J’aurais ainsi eu plus de répondant parmi celles et ceux qui souhaitaient me faire douter.

L’autrice décide de s’attaquer au principal contre-argument et le plus agaçant, exprimé souvent par des hommes, sur les réseaux sociaux ou dans la vie quotidienne quand une critique systémique est faite de notre société à savoir que le patriarcat permet l’expression d’inégalités entre femmes et hommes mettant en délicatesse les premières à l’avantage des seconds, et générant des violences sexistes, sexuelles ainsi que des crimes et des dynamiques d’oppression allant du plus banal propos rabaissant aux pires comportements criminels.

Quand une critique de cet ordre est exprimée, il y aura toujours un homme pour clamer quand même qu’il y a des hommes bien et souvent il s’inclut dedans. C’est même d’ailleurs pour lui-même qu’il le dit. Mais pour ne pas passer pour un être exceptionnel et faire aveu d’arrogance il ne dira pas que lui, le noble monsieur, n’est pas comme cela, mais que tous les hommes ne sont pas ainsi. Une généralisation par ambition de fausse modestie qui ne trompe personne.

Mais cette condamnation argumentée du #NotAllMen, qui a été une stratégie réactionnaire au Mouvement Me Too même si la rhétorique préexistait, est aussi un prétexte pour Giulia Foïs afin de nous interpeller sur les réalités des agressions vécues ; les réalités statistiques et les réalités sensibles. Et le style direct de Giulia Foïs permet d’en saisir toute la violence et la brutalité qui frappent même lorsque l’on en connaît la portée.

La portée dans la description des structures institutionnelles qui valident dans une grande mesure le privilège masculin. La portée émotionnelle et psychologique autour de chaque agression mais également chaque déni social qui l’accompagne.

Le NotAllMen est un procédé abject en ce qu’il permet de répondre à une analyse des systèmes par une contradiction individuelle. Pour vous montrer le ridicule de la chose, imaginez que je vous dise que dans le monde il y a des millions de personnes qui n’ont pas de quoi manger suffisamment et que c’est notre système économique qui génère et préserve cette situation et qu’une personne me réponde : « Je comprends mais moi j’ai déjà donné du riz aux restos du coeur ».

C’est exactement le même procédé rhétorique et il est facile ici d’y voir la caricature car je me fonde sur un consensus relativement partagé.

Le problème que soulève Giulia Foïs est que le NotAllMen fonctionne car il n’y a pas de consensus sur l’institutionnalisation des inégalités femmes-hommes et sur les conséquences que cela a en termes de violences à l’égard des femmes.

Toute l’illusion de pertinence du NotAllMen repose sur une volonté de ne pas reconnaître une réalité, un constat, des statistiques, des études universitaires.

Et pourtant, faites un micro-trottoir et demandez à tous les papas s’ils ont peur pour leur fille. Et demandez leur pour quelle raison, vous verrez qu’elles seront différentes que s’ils doivent préciser leur pensée pour leur fils.

Personnellement, même si je savais beaucoup d’éléments que propose le livre, cela m’a permis de me demander ce que moi, je peux faire. Jusqu’à maintenant je me suis toujours considéré comme un allié, en ce que j’essaye de ne pas perpétuer des situations d’oppression, en ce que j’éduque mes enfants selon des principes moraux d’égalité, de reconnaissance du consentement, de la considération des particularités d’autrui, des besoins de chacun et bien d’autres choses. Quand j’observe une situation dans l’espace public j’aide du mieux que je peux.

Mais je me suis toujours dit deux choses : que je ne devais pas capter d’audience qui pourrait manquer aux femmes qui s’expriment et donc ne pas militer moi, afin de préserver leur espace d’expression.

Deuxièmement, qu’il fallait laisser les personnes concernées directement apporter leur expertise et soutenir leurs messages.

Mais je me demande si c’est suffisant. Car cela permet aux hommes qui ne veulent pas comprendre de déclarer qu’il n’y a que des femmes à penser ce qu’elles pensent et qu’elles ne sont même pas unanimes, et pas objectives. D’une certaine façon cela permet aux hommes qui nient, ou qui sont dans le déni, de délégitimer le propos des femmes qui s’expriment à la seule information qu’elles sont les seules à s’exprimer. En clair, un allié doit il dire « je te crois, je te soutiens » ou aussi s’adresser aux hommes et leur dire « Écoutez ! Taisez vous « ?

Un allié peut il exprimer son parcours au risque d’invisibiliser les témoignages des femmes ? Même si le but est de montrer aux hommes que la véritable virilité n’est pas d’être un homme violent prisonnier d’un système de pensée archaïque et ridicule ?

J’ai toujours émis le souhait d’intégrer une association féministe qui soit intersectionnelle mais je ne sais si ma place y est, si j’y serais utile et si je ne serais pas au contraire une gêne.

Giulia Foïs a donc soulevé des questionnements riches en moi car son livre est riche. Riche de simplicité mais riche d’idées et d’émotions.

L’autrice rappelle que lors d’un sondage une majorité de femmes avait déclaré préférer rencontrer un ours en forêt qu’un homme tant le second était vecteur de risques imprévus beaucoup plus dangereux. J’aimerais que les hommes violents deviennent des ours afin que les femmes puissent répondre autrement ou alors envoyons tous ces hommes en forêt ils seront ravis d’y trouver des ours.
J’aimerais conclure en précisant que ce n’est pas uniquement un livre indispensable, c’est un livre nécessaire. On en a besoin. Et, cessons de dire qu’il s’agit là d’une minorité d’hommes, il suffit de regarder le nombre d’agressions, de la plus banale à la plus abjecte pour considérer que si ce phénomène était une maladie, ce serait une épidémie. Je suis honoré d’avoir pu lire cet ouvrage et si je suis content de mon évolution sur ce type de sujets, il me reste beaucoup à apprendre et à vivre et tout ce que je peux faire c’est aider chaque jour à ce qu’il y ait moins de violences, plus de respect, plus d’égalités, et moins d’hommes qui pensent à se sentir obligés de dire NotAllMen.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.