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Billet de blog 1 mars 2015

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Où en est la Grèce, où va l’Europe ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La question de la réussite ou de l’échec de Syriza est évidemment une question centrale pour les Grecs, jetés dans la misère par des années de politique féroce de la troïka.

Elle l’est aussi pour tous ceux qui, dans la vraie gauche, aspirent à une sortie des politiques libérales imposées partout par la droite ou la social-démocratie, soit successivement, soit en tandem.

Si l’expérience Syriza échouait, cela plomberait toute alternative de gauche partout dans les pays européens, ne laissant ouverte que la voie du désespoir et du pire, c'est-à-dire de l’extrême droite, ultime recours pour le grand capital. A l’inverse une réussite ouvrirait la voie à un effet domino sur l’Europe du Sud.

 I Dans l’immédiat, une demi victoire et un recul

  • Il y a évidemment une bataille d’interprétation de l’accord conclu : les dirigeants allemands, français, espagnols ont tout intérêt à persuader le bon peuple que Syriza n’a pu que capituler sur leur pression et celle de la « réalité », et qu’il n’y a toujours « aucune alternative ».
  • Il est très clair que l’objectif prioritaire de l’UE et des gouvernements (Merkel, mais aussi tous les autres, Hollande ou Rajoy) est politique : briser Syriza, qui représente un précédent dangereux pour le libéralisme et pour ceux qui le servent.
  • Et il y a, ce qui est autre chose, un débat parmi ceux qui suivent avec espoir l’expérience Syriza sur le point où on en est, qui ne saurait être corseté :ce dont les grecs ont besoin, c’est de notre solidarité consciente et lucide, d’autant que nous aurons à tirer pour nous-mêmes des conclusions de tout cela ; soutenir le peuple grec, c’est d’abord comprendre et expliquer ce qui se passe.
  • A ce stade Syriza a reculé et non pas capitulé : la super-austérité que représentaient les dernières injonctions de la troïka à Samaras (nouvelles réductions des retraites, nouvelles suppressions de postes dans la FP) est écartée mais Syriza recule sur le salaire minimum et sur les privatisations. Les marges budgétaires, donc la souveraineté, vont être soumises au chantage permanent des « institutions » qui n’accorderont les fonds qu’au compte-gouttes, et Syriza n’a pas les moyens d’une politique de relance de la demande qui seule peut sortir la Grèce du bourbier et de la misère.
  • reculer en soi n’est pas scandaleux, il vaut mieux cela que d’être écrasé et le constat du recul n’est pas un reproche contre Syriza mais la mesure de l’effet du chantage des canailles de l’UE qui ne pensent qu’à saigner le peuple grec jusqu’au bout.

 II L’UE et l’euro une machine contre les peuples

  • Les institutions européennes dans leur ensemble sont une machine construite pour imposer aux peuples les politiques libérales. La phrase de Junker sur les choix démocratiques qui ne peuvent aller contre les traités européens est emblématique et en rappelle une autre, sur la souveraineté limitée (Brejnev).
  • Et les moyens à disposition de l’UE sont plus efficaces que des chars pour normaliser les récalcitrants : la libre circulation des capitaux et donc leur fuite pour créer la panique, la décision de la BCE de ne plus alimenter les banques grecques et donc le chantage au blocage total de la vie économique et sociale. La BCE « indépendante » (c'est-à-dire non élue et irresponsable) s’arroge ainsi le droit de vie ou de mort sur les peuples qui ont l’avantage d’appartenir à la zone euro.
  • Dans le système existant, les « institutions » européennes ont les moyens et la volonté de casser toute expérience « hérétique », la survie de l’oligarchie est à ce prix.
  • Si on ne peut pas réformer ce monstre bureaucratique et technocratique au service des multinationales, il ne reste plus qu’à le briser, et cela concerne en premier lieu l’euro.

III L’austérité, la dette, l’euro…le choix et le peuple

  • Mais la grande question est ce que peut donner la « négociation » d’ici 4 mois sur la dette. Si les choses restent en l’état, sans annulation partielle importante, le gouvernement grec n’aura pas d’autre issue que de pressurer sa population pour payer les créanciers, ce qui signera sa mort politique.
  • Il est à prévoir que sur ce point décisif, l’UE ne lâchera rien, (« une dette, c’est une dette ») à la fois pour casser Syriza et pour éviter un précédent fâcheux, immédiatement applicable à l’Espagne ou l’Italie, ce qui serait une catastrophe pour les politiciens espagnols et italiens et surtout pour la rente allemande.
  • le choix pour le peuple grec (pas simplement pour Syriza) serait alors ou la (vraie) capitulation, le renoncement au programme de Thessalonique, la poursuite de l’austérité et de l’effondrement ou le Grexit
  • l’article de Sapir (http://russeurope.hypotheses.org/3492) montre bien que le Grexit est un chemin économique possible : excédent primaire[1], niveau de l’épargne, possibilité de retrouver l’équilibre du commerce extérieur
  • mais le problème central est politique : le mandat de Syriza était double, sortir de l’austérité et rester dans l’euro : s’il se confirme que les deux termes sont incompatibles (non pas du fait de Syriza mais de celui des dirigeants de l’UE sur la question de la dette), il faudra choisir[2]
  • L’article cité ici http://www.okeanews.fr/20150225-nous-avons-besoin-de-temps-et-nous-ne-pouvons-pas-revenir-en-arriere, pourtant favorable à la direction de Syriza montre en même temps que le chemin est ouvert « Maintenant, nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus croire que cette Europe-là laisse la place à autre chose qu’à l’asphyxie politique et à la barbarie néo-libérale. » « c’est : soit une autre Europe, soit la sortie de l’euro ».
  • Le temps gagné est utile s’il permet de poser la question, sur la base de la leçon de choses Junker Schäuble, de l’alternative

                        a) la misère à vie pour payer la dette

                        b) l’effacement partiel ou total de la dette, y compris hors de l’euro [3]

 En définitive, le plus important est-il l’euro au prix de la vie des gens ou la vie ?

  • C’est au peuple grec de se déterminer et choisir, sur la base de l’expérience vécue depuis 2010 et sur le constat de la façon dont l’UE se comporte avec un gouvernement élu précisément pour changer cela .
  • Le vote du peuple grec a ouvert la crise, son choix et sa mobilisation seront déterminants . C’est une illusion totale de renvoyer l’issue de ce conflit à un hypothétique mouvement social européen,la solidarité des autres peuples est importante, mais elle ne fera pas la décision : les peuples se libèrent eux-mêmes.
  • les agendas sont toujours d’abord nationaux : des mouvements de masse se sont développés en Grèce, au Portugal, en Italie, en Espagne, et par exemple et beaucoup moins en France[4], et chacun selon son rythme, c’est une réalité[5]
  • Et les Grecs ne peuvent attendre, pour se chauffer, se soigner et se nourrir, que d’autres, ailleurs en Europe prennent ou pas le relais, il est certes plus que regrettable qu’ainsi ce soit un petit pays qui soit en première ligne, face à l’Allemagne et non pas la France ou l’Espagne mais c’est ainsi.
  • Cependant, plus la sympathie sera grande envers le peuple grec, plus l’information circulera sur le sort fait à la population grecque, sur la genèse de la dette, sur l’aide qui sauve les banques et pas les grecs, plus ceux qui œuvrent pour étrangler les grecs (notamment pour ce qui nous concerne Hollande) seront en difficulté, plus cela sera facile.

Le dernier mot ne peut qu’appartenir au peuple grec


1]             le budget, avant paiement de la dette (capital et intérêts) est en excédent et donc suffisant pour fonctionner…. si on ne rembourse plus la dette

[2]             Syriza n’a jamais eu comme ligne de rester dans l’euro à tout prix. Cela c’est la ligne de la droite et du Pasok..

[3]             Si, après un refus de l’UE, la Grèce passe outre et décide le défaut, la BCE, tant que la Grèce est dans l’euro, peut paralyser l’activité, en refusant de refinancer les banques, c’est ce qu’elle a fait une 1ere fois il y a 15 jours et ce qu’elle avait déjà fait avec Chypre. La seule issue alors est que la banque centrale grecque finance à la place les banques, ce qui revient à créer de la monnaie et à sortir de l’euro. On ne peut pas à la fois répudier la dette et rester dans l’euro

[4]             Certains déplorent, à juste titre, la faiblesse relative des manifestations de solidarité mais c’est malheureusement logique quand par exemple la mobilisation contre la loi Macron n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. Et plus les problèmes semblent être loin des préoccupations immédiates des gens, ou difficiles à percevoir, plus il est difficile de mobiliser.

[5]             Apprécier également le rapport de forces très défavorable en Allemagne où Merkel et Schäuble peuvent compter sur un soutien massif de l’opinion : ceux qui, avec Die Linke, soutiennent le peuple grec n’en ont que plus de mérite .Le débat au Bundestag, où Schäuble s’est surtout gardé à droite vis-à-vis de députés CSU qui trouvaient le compromis déjà trop laxiste, et où le Spd n’a pas émis le moindre bémol est éloquent.

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