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Billet de blog 4 février 2014

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Trente ans de politique néo libérale, un fiasco mais Hollande remet le couvert

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les commentaires sur la politique de l’offre proclamée maintenant par Hollande  la présentent souvent comme un virage , et le fait de vouloir essayer quelque chose de nouveau puisque « tout a échoué ».

Mystification : la politique de l’offre est à l’œuvre dans tous les pays capitalistes développés depuis le début des années 80 et précisément pour la France depuis 1983, partout elle a échoué et généré un chômage de masse , mais il faudrait continuer…

 I Une nouveauté qui a trente ans

 Les  politiques néo libérales  se sont  traduites

Ø     par un nouveau partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits, au très net avantage de ceux-ci

Ø     par un recul relatif de l’investissement et par l’explosion  des dividendes

Ø     par une multiplication des cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises : exonérations de cotisations sociales, remise en cause de la progressivité de l’impôt, baisse de l’impôt sur les sociétés

Ø     par une restructuration brutale de l’appareil industriel ; amplifiant le chômage de masse

Les instruments majeurs de cette transformation ont été

Ø     la financiarisation de l’économie soumise aux marchés, c'est-à-dire à une spéculation sans limites

Ø       la mondialisation, cadre  où le dumping social et fiscal  joue à fond pour imposer aux travailleurs (comme aux états tentés de sortir du droit chemin) le renoncement à trente ans d’acquis sociaux et économiques, legs des luttes de la résistance et de la victoire sur le nazisme .

Ø     et  l’Europe qui, au nom  de la concurrence libre et non faussée, a institué un ensemble de contraintes néo libérales soi disant indépassables

 Nous subissons depuis 30 ans une politique néo libérale.

La nouveauté de Hollande n’est donc pas tellement sa politique, qui, au mépris total des engagements pris, se place résolument dans le sillage des politiques précédentes mais  la manière dont il l’assume politiquement et idéologiquement à un moment où à l’inverse de Mitterrand et de Jospin , il n’a plus rien à offrir aux salariés en compensation, même illusoire.

 II Le résultat : déséquilibres et crises

Ø     Partout dans les pays capitalistes industrialisés, les inégalités progressent, les riches deviennent (beaucoup) plus riches et les pauvres plus pauvres

Ø     la stagnation relative de l’économie, l’amputation des recettes fiscales et sociales et en même temps la hausse du chômage ont aggravé  les déficits publics (plus de dépenses et moins de recettes)

Ø     l’amputation de la demande est un temps compensée par le recours massif au crédit et la création de bulles financières

Ø     les déséquilibres commerciaux entre pays deviennent de plus en plus importants, du fait notamment des délocalisations motivées par le dumping social (Usa /Chine),

 Ces déséquilibres débouchent sur des crises de plus en plus graves du système financier , sauvé provisoirement par les états au prix d’une relance massive des déficits publics …..qu’ils sont ensuite sommés d’éponger au plus vite !

Les politiques néo libérales ont totalement échoué mais Hollande, après avoir esquissé dans sa campagne la perspective très timide d’une rupture au moins partielle avec  la politique de Sarkozy, les reprend à son compte.

III le pacte : des arguments bien peu solides

La justification officielle du pacte de compétitivité et donc du nouveau dégrèvement de cotisations sociales pour les entreprises est de leur redonner de la compétitivité à l’international et de leur permettre d’investir et d’embaucher avec les ressources nouvelles qui leur sont allouées, mais ce raisonnement  est bien fragile

Ø     c’est ce qui a été fait   depuis trente ans , sans résultat : pourquoi subitement cela fonctionnerait ?

Ø     le financement de la mesure est associé à une amputation de 50 milliards des dépenses publiques, , ce qui est un facteur majeur de récession : selon les estimations les plus courantes, cela pèserait de 70 milliards sur la croissance (3.5 % du PIB) pour l’avenir (déjà depuis 2011, l’économiste en chef de la commission évalue la perte de croissance due aux mesures d’austérité à 4.8 % pour 2011/2013).

Ø     des dépenses publiques en moins, cela amène le plus souvent des dépenses privées en plus, ceux qui le peuvent compensant l’insuffisance des services publics de leur poche , pour l’éducation, pour se soigner, pour les transports……

Ø     de ce fait, les entreprises vont être face à des perspectives  stagnantes, alors que l’appareil productif est largement sous utilisé : si les commandes n’augmentent pas , les entreprises n’investiront pas , n’embaucheront pas ou très peu , au regard des sommes considérables qui sont dégagées.

Ø     elles se contenteront d’étoffer leurs réserves financières et pour les plus grandes de transformer ces ressources nouvelles en dividendes et en bulle financière.

Au final , le résultat réel sera  une accentuation des inégalités

Ø     pour les salariés, encore plus de sacrifices par dégradation des services publics , amputation des prestations sociales

Ø     et pour les plus riches, encore plus de dividendes et d’argent orienté vers la sphère financière au détriment de l’appareil productif 

IV Pour  mettre en échec cette politique, une alternative véritable

Il est vrai que le sous investissement d’une bonne partie de l’industrie française est un vrai problème, il est vrai que de nombreuses entreprises ont de réelles difficultés, et il est vrai que la question de l’environnement européen et mondial est posée.

Critiquer Hollande ne suffit donc pas, il faut envisager comment on s’affranchit d’un contexte que lui-même, comme ses prédécesseurs considère comme intangible.

Ø     Mais on ne règle rien en étouffant le marché intérieur qui reste le moteur essentiel de l’activité, notamment pour les PME et il faut au contraire stimuler cette demande par l’augmentation des salaires, par la relance des investissements publics

Ø     la question  du dumping social se pose effectivement. mais accepter l’alignement sur le moins disant c’est s’engager dans une spirale d’effondrement qui est précisément à l’œuvre en Europe : si chaque pays comprime son marché intérieur pour espérer exporter, c’est une voie sans issue mais c’est celle que nous prenons.

Ø     la contrainte extérieure est un impératif absolu seulement si on veut respecter avant tout le libre échange en Europe et hors d’Europe et privilégier le cadre de la monnaie unique qui aggrave ce libre échange. Effectivement tous nos gouvernants ne raisonnent qu’à partir de cela et la vie des peuples n’est plus qu’une variable d’ajustement

Ø     on peut au contraire considérer que la sauvegarde de notre industrie est vitale pour le maintien de notre système social , pour permettre à chacun de vivre décemment et que cela passe avant la libre circulation des marchandises et des capitaux qui doit si nécessaire être régulée autant qu’il le faudra. [i]

Ø     On peut aussi estimer que les parités monétaires implicites (à l’intérieur de la zone euro) et explicites à l’extérieur de cette zone étouffent l’activité d’un grand nombre de pays européens, et provoquent une hétérogénéité croissante des situations  avec au final la stagnation globale de l’économie européenne.

 Les tenants de l’austérité (de gauche ou de droite) ont une grande force : la contrainte extérieure qu’ils ont patiemment fabriquée depuis 25 ans (libéralisation des échanges et des flux financiers, traités européens successifs)et au besoin imposée au mépris du suffrage universel (cf referendum de 2005).

Cette contrainte n’est pas un simple argument de propagande, elle pèse effectivement sur les échanges, sur le crédit, sur toute l’activité.

Mais ce que les princes qui nous gouvernent omettent de dire c’est que cette contrainte n’a rien à voir avec les lois de la nature (comme ils voudraient le faire croire) : elle est le résultat d’une politique et ce qu’une politique a fait , une autre peut le défaire.


[i]  sur ce sujet une lecture recommandée Aurélien Bernier « la gauche radicale et ses tabous »

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