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Billet de blog 7 juin 2014

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Elections Européennes, devenir de l’UE, difficultés du Front de gauche

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Ce billet est conçu comme une suite à celui qui précède http://blogs.mediapart.fr/blog/jjduch/300514/elections-europeennes-et-maintenant-barrer-la-route-au-fn-austerite-stophollande-stop

La question des politiques néolibérales de l’UE et des institutions qui les verrouillent a une très grande importance :

  • Pour toute politique qui se voudrait vraiment alternative , se pose la question de ce verrou européen et de la manière de le surmonter : les réponses du Front de gauche à cette question sont restées incomplètes et surtout difficilement lisibles par le plus grand nombre
  • Le FN au contraire a su masquer le sens réel de sa politique et capter à son profit le refus légitime du système européen de nombreux électeurs.

1) En France, un rejet massif de l’Europe néo libérale … au profit du FN

  • Avant même le vote, le rejet apparaît massif dans plusieurs sondages « près de deux tiers des Français considèrent en effet « qu’il faut renforcer le pouvoir de décision national même si cela limite celui de l’Europe ». 22% se prononcent à l’opposé pour un renforcement du pouvoir de l’Europe, 14% estimant enfin qu’il ne faut rien changer à la répartition actuelle des pouvoirs. » sondage Ipsos Steriai
  • Ce rejet est totalement justifié . Les travailleurs réalisent bien ce qu’est le carcan infernal des traités, des directives, de la commission pour imposer contre la volonté des peuples (cf 2005) des politiques immuables. Ils mesurent bien ce que signifie la concurrence libre et non faussée en terme de dumping social, de délocalisations , de coupes dans les dépenses publiques.
  • Le drame est que seul le FN a su émettre un langage clair , lisible par les couches populaires : voir la profession de foi FN et ses titres: « Non à Bruxelles », « l’union européenne détruit , la nation protège ».
  • On a laissé le FN seul sur ce terrain (où ses solutions sont évidemment démagogiques), l’absence de perspective visible sur ce qui est bien un problème (la France en Europe) a contribué au désarroi des couches populaires. C’est ce qui explique la sensibilité aux thèmes des « immigrés » et des « assistés » : la boue remonte quand on n’est pas audible pour montrer comment on va faire rendre gorge au grand capital, dans un contexte européen (institutions, monnaie) qui semble interdire toute tentative de changement véritable. .
  • Pourtant il y a deux versions de la souveraineté nationale :un retour à la souveraineté mode souverainiste de droite , que le FN met en avant ,qui préserve totalement le libéralisme ( sur le modèle britannique) et un retour à la souveraineté qui donne les outils pour une politique au service des travailleurs contre le capitalisme transnational.
  • Mais le Front de gauche , s’il condamne clairement l’Europe néo libérale , s’il dessine pour l’avenir un devenir de l’Europe qui refuse le dumping social , la mise en concurrence des peuples et réaffirme la souveraineté populaire est beaucoup plus flou sur le chemin qui permet de passer de l’un à l’autre.

2)Le paysage a bougé avec les élections partout en Europe

  • Globalement une participation à 43 % comme en France mais très hétérogène (Slovaquie 87 % d’abstentions)
  • Des résultats totalement différents selon les pays , et qui sont à chaque fois le reflet d’un rapport de forces national au final , et cela n’a rien d’étonnant .Il y a juxtaposition de volontés communes nationales diverses et contradictoires et pas d’expression d’une illusoire volonté commune européenne ,

Ce constat est important

 Il y a en effet en théorie deux manières de dépasser l’Europe antidémocratique et bureaucratique que nous connaissons

  • Une Europe fédérale où la démocratie serait restaurée par la mise en place d’un gouvernement européen responsable devant le parlement. Ce schéma est mort, au moins en tant que perspective de sortie de crise . La seule chose claire est que les peuples ne veulent pas plus de pouvoir pour l’UE mais moins et qu’il n’y a pas de débat politique européen, et donc pas de volonté commune.
  • Il ne reste donc qu’un territoire où la souveraineté du peuple peut s’exercer, celui de la nation : tous ceux qui refusent ce fait avec des slogans sur le « repli national » refusent en fait au peuple le droit de décider de son sort, aujourd’hui confisqué par l’osmose d’une technocratie illégitime, de gouvernements nationaux qui usent du système pour contourner le mandat donné par les peuples et des transnationales pour qui tout ce beau monde travaille.

3) Les traités et la bureaucratie européenne entravent bien la souveraineté des peuples

 Beaucoup, y compris au Front de gauche, refusent de voir la réalité du système institutionnel en place

« Rien ne s’est fait dans l’Union européenne contre les États et ce sont eux qui ont fait de l’Union européenne ce qu’elle est. Les traités européens ont été négociés entre les gouvernements nationaux et aucune directive européenne ne peut être adoptée sans que les États en soient d’accord…... Ce sont les gouvernements nationaux qui ont été à la manœuvre pour les instaurer et qui décident à Bruxelles des politiques qu’ils mettront en place chez eux. »

billet de Pierre Khalfa http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-khalfa/030614/front-de-gauche-contre-le-simplisme-et-les-contreverites

  • Oui les gouvernements nationaux sont à l’origine des traités libéraux et des abandons de souveraineté ; le problème est que le système, tant qu’il ne sera pas brisé, interdit tout retour en arrière et institutionnalise la souveraineté limitée et l’ordre libéral pour l’éternité ( la modification des traités implique l’accord unanime des états : les gouvernements ont décidé pour eux-mêmes et pour leurs successeurs , en interdisant de fait toute alternative)
  • Des instances technocratiques supra nationales et non élues ont été mises en place (commission, BCE). La BCE décide souverainement ( !) de la politique monétaire, la commission a des pouvoirs exorbitants : monopole et secret par exemple de la négociation sur le traité transatlantique, pouvoir de sanctionner si elle juge que les états ne respectent pas la concurrence libre et non faussée : cf récemment la remise en cause des subventions à la SNCM, et les pressions pour libéraliser l’énergie et les transports (brader les biens publics comme par exemple les barrages au mépris de l’intérêt des usagers et de l’intérêt général). Les gouvernements ont perdu une large partie de leurs pouvoirs et pour les retrouver il faut remettre en cause les traités et des institutions anti-démocratiques
  • Le plus grave est que les traités (et les directives) sont maintenant supérieurs aux lois et qu’une large part du programme « L’Humain d’abord » est donc susceptible d’annulation par le conseil constitutionnel (c’est arrivé encore récemment sur une loi contre les OGM contraire à la sacro sainte directive européenne), ou de remise en cause dans ses effets par le conseil d’état ou n’importe quel tribunal

4) Comment surmonter le verrou autoritaire et austéritaire de l’UE

 Quatre solutions seulement peuvent se dessiner

  1. L’évolution pour changer l’Europe dans le cadre des institutions actuelles : c’est franchement une illusion totale, pour changer les traités, il faut l’accord des 28 états membres

  2. La solution fédérale où un pouvoir européen issu du parlement et responsable devant lui remplacerait les institutions actuelles illégitimes (BCE, commission). Cela supposerait que se dégage parmi les peuples européens une volonté commune, la définition d’une politique qui s’imposerait partout, on en est très loin , surtout après les dernières élections qui ont clairement montré une hétérogénéité accrue . cette solution est clairement irréalisable à court ou moyen terme

  3. La sortie, pour tout ou partie des traités , et en particulier la sortie de l’euro (qui n’implique pas automatiquement la sortie de l’UE)

  4. Le refus d’appliquer telle ou telle disposition des traités si elle ne nous convient pas . solution évoquée notamment par Jean Luc Mélenchon à propos de la politique monétaire : le chantage à la sortie de l’euro pouvant obliger l’Allemagne à négocier et à accepter que la BCE prête aux états

Très clairement les solutions 1 (changer l’Europe dans le cadre actuel ) ou 2 (le fédéralisme) sont des chimères.

 Il faut être conscient que si les politiques actuelles se poursuivent, la catastrophe qui va en résulter pourrait bien signifier, dans des conditions chaotiques, la sortie des traités

 La solution 4 (refuser l’application des traités sur des points précis où on peut construire un rapport de forces de masse) est intéressante mais demande à être clarifiée

  • Il est impératif de changer la constitution : la loi, votée par un parlement , expression de la volonté commune du peuple doit redevenir supérieure à un traité , contrairement à la jurisprudence actuelle et à la constitutionii : c’est le seul moyen pour réellement et durablement « désobéir ». Il faudrait donc faire campagne dès maintenant pour exiger de redonner au parlement (ou au peuple par référendum) ce pouvoir essentiel.
  • La question budgétaire et monétaire est vitale pour toute sortie de crise : il faut sortir de l’austérité budgétaire relancer les services publics, investir. Il faut donc que la BCE prête massivement aux états et écarte le chantage des marchés. La seule hypothèse à exclure est donc le maintien de l’orthodoxie monétaire actuelle
  • Le bras de fer sur le financement de la dette par la BCE et l’euro avancé par JLM n’est crédible que si on envisage sérieusement les deux hypothèses : ou l’Allemagne cède, ou l’euro explose. Cela ne peut marcher que si l’hypothèse B (sortie de l’euro ) est véritablement crédible , sinon l’Allemagne n’aura aucune raison de céder. Le manque de précision et de clarté du Front de gauche sur cette question (à relier à ses divisions internes)lui a enlevé sa crédibilité.

 Jacques Généreux avait à ce sujet en novembre 2013 des propos limpides « C’est la difficulté. Il faut assumer clairement le fait qu’au bout de notre scénario du coup de force politique, si les autres pays le refusent, il y aura une sortie de l’euro. On sera dehors. …C’est pourtant la condition de la crédibilité de ce propos. Il faut sortir de l’ambiguïté : la priorité, ce doit être la mise en place d’une autre politique. Il vaut mieux sortir de l’euro pour mener une autre politique que renoncer à une autre politique pour sauver l’euro. Car au final, nous ne voulons pas sauver l’euro, mais l’Europe »iii

  • Ce sujet pourrait bien être déterminant : rien ne nous garantit contre une hausse éventuelle des taux d’intérêt, en réaction à une politique véritablement progressiste. Le rapport d’audit citoyen de la dette publiqueiv évalue à 29 % du PIB(589 milliards €) le montant de la dette française due aux intérêts excessifs dans les années 1990, dans la phase de « franc fort » pré Euro. Financement par la BCE ou financement par la banque de France avec un retour à la monnaie nationale,c’est à voir en fonction du rapport de forces, le pire serait de rester dans la situation actuelle d’une dépendance absolue envers les marchés

 Ou le Front de gauche est capable d’ouvrir véritablement ce débat , en examinant toutes les solutions , ou effectivement il s’interdira toute reconquête des couches populaires qui savent pertinemment ce que sont les délocalisations , le dumping social, l’abandon des services publics.

i http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/actualites/2014-05-25-europeennes-2014-comprendre-vote-francais

ii article 55 de la constitution « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. »

iii http://rue89.nouvelobs.com/2013/11/16/jacques-genereux-priorite-cest-sauver-leurope-leuro-247475

iv voir ici l’article de Laurent Mauduit http://www.mediapart.fr/journal/france/270514/sous-la-dette-publique-larnaque-neoliberale

et le rapport http://www.mediapart.fr/files/note-dette.pdf

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