Dans la mesure où la situation est très grave , il importe d’autant plus d’éviter les réactions à l’emporte-pièce qui ne contribuent pas à dessiner une voie de sortie du bourbier.
I bref bilan d’un désastre
- il y a sans doute un effet différentiel du à l’abstention mais il vaut mieux regarder la vérité en face : l’électorat de gauche est laminé par l’abstention et en même temps les électeurs de droite eux votent et votent de plus en plus à l’extrême droite, tout cela a une signification politique lourde et qu’il ne faut surtout pas sous estimer
- C’est toute la gauche qui subit le choc, et le Front de gauche, comme dans toutes les élections partielles précédentes est englobé dans la sidération qui frappe tout l’électorat de gauche. C’est un désaveu du PS (cf ci dessous) mais c’est une lourde défaite pour le FDG. Et pour en sortir, il ne suffit pas de monter les décibels.
- Ceux qui en 2012 ont voté Hollande ou Mélenchon ,puis Hollande sont abasourdis par la politique d’Hollande , en continuité totale avec Sarkozy,la dérive de la social-démocratie arrive à son terme , on attendait un petit mieux , un Jospin bis , avec des hauts et des bas, et on a Sarko II.
- plus grave encore l’idée de choix politique est totalement déconsidérée : à quoi bon le changement si au final c’est pareil, si « l’Europe » impose sa logique libérale et si nos élus ne sont que ses factotum ?
- Hollande est donc très largement responsable de la montée du Fn , par sa politique qui génère le désespoir , mais aussi par tout le cinéma Valls sur les Roms(couvert par Hollande) qui ne pouvait qu’alimenter l’extrême droite. C’est d’autant plus grave que maintenant le FN n’est plus pour la bourgeoisie l’idiot utile , chargé de faire diversion mais un client potentiel pour l’exercice du pouvoir.
Mais cela arrange Hollande, tout prêt à sacrifier les élus locaux socialistes et a créer une situation où en 2017 il n’y aura plus que lui face au Fn : apprenti sorcier !
- Le FDG est englobé dans ce rejet pour deux raisons
Ø il a contribué de manière décisive à l’élection de Hollande , mais pouvait on faire autre chose ?imagine t-on la réaction de tout l’électorat de gauche (y compris de tous ceux, dont pas mal d’électeurs Hollande du 1er tour qui maintenant disent jamais plus) si la consigne avait été « bonnet blanc et blanc bonnet » ?
Ø il affiche des objectifs sociaux économiques, démocratiques louables mais ne démontre pas comment on redonne au peuple la souveraineté perdue :
l’impasse de fait sur la manière de briser le carcan européo libéral est lourd de sens effectif (comment mener une politique de gauche sur la question de la dette, et sur la monnaie unique)et symbolique (le cadre européen est très lourd de sens sur notre perte de souveraineté démocratique).
Une chose est de dénoncer une situation et les responsables, autre chose est de démontrer comment on sort de l’étau de la finance (dictature des marchés sur la dette, dictature des institutions européennes néo libérales et verrouillage allemand conforté après leurs élections). Ces questions sont compliquées (voir les deux articles sur le livre de Graeber et sur le débat Graeber Piketty) et ne peuvent se traiter avec des pirouettes.
II quelle stratégie pour le Front de gauche
Battre politiquement la social-démocratie , c’est trouver la cohérence pour convaincre le peuple qu’il y a une autre voie , qu’il ne s’agit pas de nouvelles promesses, et qu’on peut le faire, qu’il faut donc refuser le désespoir et les fausses issues racistes et xénophobes du FN .
- pour battre le Fn, il faut battre la politique d’austérité qui le nourrit mais en écartant tout sectarisme , toute tentation de « sortir du terrain » qui serait suicidaire ; on n’a pas le droit de se résigner à la catastrophe.Certains commentaires sur l’article sur Brignoles sont confondants d’irresponsabilité : se féliciter de l’abstention (révolutionnaire ?) invectiver le Pcf (même si on peut avoir des critiques envers le PCF, c’est aussi mon cas, surtout sur l'euro) , c’est n’avoir aucune conscience de ce qui se profile.
Pasteur Martin Niemöller :« Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes,je n’ai rien dit,je n’étais pas communiste.
Lorsqu'ils ont emprisonné les socialistes,je n’ai rien dit,je n’étais pas socialiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes,je n’ai rien dit,je n’étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus me chercher il ne restait plus personne pour protester. »
2. ce qui amène à la question de la relation au Ps où rien n’est simple. Il y a la clique dirigeante, inféodée à la bourgeoisie , qui mène une politique libérale mais il y a aussi des élus , des militants , des électeurs qui sont totalement désorientés par ce qui se passe. On ne gagnera pas la bataille sans eux. On a assez reproché au parti communiste allemand , dans les années 30, de n’avoir pas su agir avec les sociaux-démocrates (qui avaient le sang des communistes sur les mains :on en est pas là).Le solo du FDG serait un solo funèbre, sur le plan électoral, politique et social(cf la formule de Marx apres l'échec de la Commune de Paris : l'isolement de la classe ouvrière signifie sa perte). Dans le système électoral tel qu’il est ,et non pas tel qu’il devrait être , sans alliances électorales de 1er ou de second tour, 90 ou 95 % des villes tombent à droite ou à l’extrême droite : est ce que cela fera avancer les choses ?
3)le cœur du problème, la perspective :démonter la politique d’austérité suivie (c’est fait) et montrer concrètement comment une autre politique serait possible (ce n’est pas fait ou mal) .C’est une question de fond, pas de vocabulaire plus ou moins fleuri ou de posture d’autonomie ou pas autonomie(ou dit autrement , tant qu’une perspective crédible ne se sera pas dessinée et diffusée, l’autonomie ne pourra être que virtuelle).
Si tout patine , c’est que , notamment sur l’Europe , les réponses faites manquent singulièrement de crédibilité : imposer une autre Europe progressiste contre le barrage des institutions européennes , contre l’Allemagne où la future grande coalition s’accrochera certainement autant à la rente comme valeur suprême , cela a (peut être ) un sens à moyen terme, mais les souffrances des peuples sont telles qu’ils ne peuvent attendre , que cela ne peut être un objectif mobilisateur dans le contexte de la crise (qui va durer).
4)Pas à pas lutter contre l’austérité. celà ne relève pas de l’attente du grand soir !Sur chaque point où on peut faire reculer l’austérité, agir sans exclusive : si un socialiste est prêt à agir avec moi contre la reforme des retraites, je ne vais pas lui dire « pas avec toi, t’es socialiste. »
Ø si dans un programme municipal , on peut intégrer avec les socialistes du cru des éléments forts qui localement font sens contre l’austérité (services publics, maintien des dotations aux communes, nature des investissements…..), pourquoi ne pas le faire ?Cela dépend du sérieux ou pas des engagements et de leur caractère stratégique ou pas .
Ø refuser le tout ou rien :on ne va pas demander aux socialistes d’aller à Canossa et de dénoncer publiquement Hollande , comme ils n’ont pas à demander au FDG de modérer ses critiques
Ø Il y a contradiction pour eux à s’engager localement sur des actes qui jouent contre l’austérité et à soutenir une politique nationale d’austérité, bien sûr.
Mais le FDG a intérêt à ce que cette contradiction se développe.
J’observe que des listes communes Front de gauche EELV se mettent parfois en place(Mélenchon en parle beaucoup), c’est une bonne chose même si là aussi il y a contradiction avec leur position sur plusieurs « réformes » clés (Le crédit compétitivité, l’ANI, et maintenant les retraites, et bientôt le budget).
C’est difficile de critiquer un gouvernement et de se trouver en même temps , de manière limitée avec des gens qui eux soutiennent ce pouvoir , évidemment, mais on ne peut pas tout réduire à une expression tribunicienne de dénonciation (qui est nécessaire) , la présence sur tous les terrains est indispensable pour gagner ensemble ou sauver ensemble ce qui peut l’être.
Tous les grands mouvements de conquête politique et sociale se sont faits en rassemblant des gens dont les positions initiales étaient plus que divergentes, en particulier le Front populaire et encore plus la Résistance, .
La bourgeoisie veut en finir avec 1945, nous devons au contraire construire, patiemment sans sectarisme, mais sans abandon sur le fond, pour retrouver l’esprit de 1945 et au passage renvoyer aux oubliettes les héritiers de Pétain et de la LVF.