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Billet de blog 11 décembre 2016

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Fillon : une catastrophe et comment la conjurer

Le temps politique s’accélère : maintenant nous avons un candidat de la droite, en principe favori de la présidentielle, qui affiche ouvertement son projet de mettre fin à un siècle d’acquis sociaux. Il peut le faire parce que ce quinquennat désastreux lui a ouvert la voie par ses reniements permanents et par la négation systématique du progrès social par ceux là même qui s’étaient engagés à le re

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le temps politique s’accélère : maintenant nous avons un candidat de la droite, en principe favori de la présidentielle, qui affiche ouvertement son projet de mettre fin à un siècle d’acquis sociaux. Il peut le faire parce que ce quinquennat désastreux lui a ouvert la voie par ses reniements permanents et par la négation systématique du progrès social par ceux là même qui s’étaient engagés à le restaurer. Et si Hollande renonce, aveu implicite de son fiasco, cela ne nous tire pas du bourbier où il nous a mis.

  • il faut bien prendre la mesure de ce que prépare Fillon, que ce soit sur la sécurité sociale, sur les retraites, sur le droit du travail, sur la durée du travail, sur la fonction publique et les services publics. Il s’agirait d’un effondrement complet de notre modèle social, hérité de 150 ans de luttes du mouvement ouvrier et encore debout malgré les attaques incessantes dont il fait l’objet depuis 1983.
  • et il ne faut pas sous estimer la capacité de Fillon à l’emporter si, à gauche, on n’est pas capable de centrer le débat sur l’économique et le social et de décrypter le projet de Fillon, en particulier en direction des couches populaires tentées par l’abstention

Oui, il faut arrêter cet homme là à la présidentielle comme aux législatives et des questions urgentes se posent.

  • pouvons nous éviter un second tour Fillon Le Pen, c'est-à-dire le choix entre la peste et le choléra ? Cela pourrait d’ailleurs conduire éventuellement à la victoire de Le Pen, l’électorat de gauche dans son ensemble, en réalisant ce qu’est Fillon (qui n’est pas Chirac) pouvant être fort peu tenté de repêcher ce personnage.
  • si ce n’est pas le cas, Fillon serait élu par défaut, paradoxe extraordinaire, ses propositions centrales étant nettement minoritaires dans la population.
  • dans ces deux hypothèses, serait-il possible de renverser le courant aux élections législatives ?

C’est maintenant qu’il faut faire barrage

  • Dans tous les cas de figure, les résultats en terme de voix et de nombre de députés auront une importance considérable sur la suite. Ceux qui pensent que le mouvement social balaiera Fillon en quelques mois se trompent hélas : l’éclatement de la société, la précarisation galopante sont des handicaps lourds face à un adversaire qui annonce déjà qu’il ira très vite. Ce n’est pas pour rien que Fillon prend ouvertement comme modèle Thatcher qui avait effectivement brisé le mouvement ouvrier britannique.
  • Pour l’assemblée, le pire scénario, mais aussi à l’heure actuelle le plus probable est celui d’une majorité très large à droite, et d’une opposition qui se réduise au FN, configuration idéale pour Fillon pour accélérer et écraser le mouvement social.
  • alors, le FN, après les dégâts énormes amenés par Fillon, serait à terme dans une posture idéale pour ramasser les morceaux.

Si nous laissions faire, certes en un an ou deux, Fillon serait honni par tous, mais la société française aurait été brisée.

Comment construire le cordon sanitaire contre Fillon la peste noire

  • en faisant la clarté sur ce que signifient les projets de Fillon dans chaque domaine. par exemple celui de la santé où les suppressions massives de postes à l’hôpital comme le démantèlement annoncé de la sécurité sociale peuvent rapidement exclure de l’accès aux soins des millions de personnes sur le modèle américain
  • mais, sans perspective cohérente à gauche, cela ne suffira pas et beaucoup de gens en resteraient à la désespérance, et par voie de conséquence à l’abstention ou au vote FN.
  • il est donc indispensable qu’une unité nouvelle se reconstruise à gauche, sur une perspective de progrès, de rupture avec l’austérité.

Les contours d’une unité nouvelle

  • pour espérer accéder au second tour et le gagner (face à Fillon ou Le Pen ce qui n’a rien d’évident), on aura besoin de tout le monde loin de tout sectarisme et d’anathèmes qui sont irresponsables dans la situation présente : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat »(Aragon).
  • mais une unité ne peut se reconstruire sans contenu et en évacuant l’expérience de ce quinquennat.  Fillon ne fait que porter à son paroxysme la politique de l’offre  déjà développée en modèle réduit par ce quinquennat qui a ouvert la voie au pire. Combattre Fillon  implique donc une rupture affichée avec ce quinquennat et son bilan, notamment en revenant  sur les lois travail et Macron, en affirmant une perspective nette  de progrès social et de développement des services publics.
  •  il est donc clair que ceux qui, de Hollande à Valls ou Macron nous ont amenés à cette situation sont totalement disqualifiés et hors jeu, puisqu’il s’agit, non seulement de faire barrage à Fillon mais de réparer tout le mal qu’ils ont fait. L’abandon de Hollande, aveu implicite de l’échec du social libéralisme, est une première hypothèque qui se lève mais il en reste une seconde avec Valls, pleinement co-responsable de tous les reniements de ce pouvoir :et il est important de sortir au plus vite de la scène l’homme du 49-3.
  •  par contre, il est indispensable de passer outre toutes les rancoeurs (même parfaitement légitimes mais qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu[1]) et de réunir tous ceux qui seront prêts à une campagne sur les thèmes de la rupture avec l’austérité, du progrès social et du refus du cataclysme « fillonien ».
  • ce qu’il faut réaliser, loin de tous les intérêts de boutique c’est une union qui implique l’extrême gauche, la France insoumise, le PCF, EELV, et l’aile gauche du PS pour la présidentielle et les législatives(qui pourraient être l’élection décisive[2]).
  • c’est difficile mais il n’ y a pas d’autre choix, parce qu’il faut bien définir ce qu’on vise :
    • si ce n’est qu’un succès d’estime avec un score à 15 ou 16 %, sans possibilité d’accéder au second tour, et encore plus de le gagner, c’est suicidaire parce que c’est faire bon marché des souffrances à venir de notre peuple et du désastre politique qui mènera de Fillon au FN
    • ou c’est de gagner la présidentielle ou à défaut les législatives ou à défaut encore d’avoir une opposition forte à l’assemblée qui pourra étayer le mouvement social ; la condition préalable est de tenir compte de toutes les sensibilités, y compris dans leurs contradictions et de bannir toutes les postures « à prendre ou à laisser ».

Dans ce choix, Jean-Luc Mélenchon[3] se trouve avoir sans doute une responsabilité particulière même si elle n’est en rien exclusive.

 De ce choix stratégique peut dépendre l’issue : ou écarter le pire par l’union ou aller droit au désastre par le maintien de démarches concurrentes, parfaitement légitimes en soi mais en définitive infantiles parce qu’ignorant l’essentiel pour se focaliser sur l’accessoire .


[1]           En 1932, en Allemagne, il a été impossible de réaliser, face aux nazis l’unité des communistes et des sociaux démocrates, les communistes ne pardonnant pas aux sociaux démocrates le massacre des spartakistes en 1919 . Motif parfaitement légitime mais qui a conduit les uns et les autres quelques mois plus tard à Dachau . La politique n’est pas une affaire de morale. Si un certain nombre de socialistes veulent rompre avec leurs turpitudes récentes, tant mieux et on leur demandera pas une autocritique à plat vendre pas plus qu’on ne l’a demandé à ceux qui ont encensé et soutenu aveuglement Mitterrand après son virage libéral de 1983, et qui ont soutenu ardemment Maëstricht, d’où viennent 80 % de nos maux actuels, pas plus qu’en 2005 dans la campagne pour le non, personne n’a demandé à Mélenchon ou Emmanuelli de prouver leur bonne foi en quittant immédiatement le PS.

[2]             il est fort possible(et même probable) que la recomposition de la gauche vers une unité nouvelle ne soit pas achevée pour la présidentielle mais que ce soit envisageable pour les législatives

[3]             je m’exprimerai dans un prochain billet sur la démarche de Jean-Luc Mélenchon et son programme.

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