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Billet de blog 14 janvier 2019

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En finir avec 1958 ! La démocratie représentative plus que jamais à l’ordre du jour.

RIC diversion ou vrai sujet ? Le RIC a pris une grande place dans les débats actuels et pourtant…on peut penser qu’il constitue une double diversion: diversion par rapport à l’urgence sociale , en particulier sur le pouvoir d’achat, diversion par rapport à l’urgence démocratique, Le Ric est-il la bonne réponse ?

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Le RIC a pris une grande place dans les débats actuels et pourtant…on peut penser qu’il constitue une double diversion

  • Diversion par rapport à l’urgence sociale , en particulier sur le pouvoir d’achat , où ce qui importe est d’abord de faire céder vraiment Macron sur la hausse du Smic, des salaires et des pensions.
  • Diversion par rapport à l’urgence démocratique, à la colère légitime d’un peuple qui ne supporte plus l’autoritarisme et le mépris des petits marquis envers « ceux qui ne sont rien» Le Ric est-il la bonne réponse ?

1)Le problème c’est la monarchie présidentielle

  • Le RIC, au moins pour certains de ses promoteurs, est la remise en cause par principe du rôle des élus et du parlement. Bien loin de voir dans cette démarche un progrès démocratique et une forme de pouvoir rendue au peuple, j’y vois la résurgence d’une tradition bien présente dans notre pays depuis deux siècles, celle du bonapartisme, qui affirme la toute puissance de l’exécutif (et d’un homme), appuyée sur le plébiscite face à un parlement croupion .
  • La 5ème République, issue du coup d’état de 1958, se situe dans cette lignée historique que Macron voudrait bien parachever si on se réfère à son projet de réforme constitutionnelle : réduction du nombre de parlementaires, de la durée des sessions, entrave au droit à amendement….

Ce que beaucoup reprochent à juste titre au parlement , c’est de ne pas jouer son rôle de représentant du peuple mais cela c’est l’effet de la Constitution de 1958 : pouvoirs concentrés sur le président , en particulier depuis l’élection au suffrage universel et le quinquennat, maîtrise de l’ordre du jour[1] par le gouvernement , article 49-3, droit de dissolution. Le problème premier est celui de la monarchie présidentielle, à laquelle il convient de mettre fin si l’on veut véritablement changer les choses.Le RIC, isolément, ne répond pas à cette exigence centrale.

 2)Le RIC instrument d’une restauration démocratique ?

  • Le RIC est il un moyen d’ébranler cette monarchie présidentielle ou au contraire de contribuer à son renforcement, si l’essentiel de la puissance de l’exécutif reste intacte.
  • Les partisans du RIC affirment leur volonté de « faire les lois » (suggérant ainsi que le parlement devient inutile, certains le supprimant), mais ont-ils bien mesuré ce qu’est une loi ?
  • Une loi est un texte qui a valeur juridique, et qui comporte le plus souvent plusieurs dizaines d’articles, parfois plusieurs centaines. La lecture et le débat en seraient donc pour le moins ardus.
  • Une proposition de loi, serait donc présentée à la signature de soutiens, qui la valideraient puis au vote par référendum. Ce processus serait nécessairement binaire (oui ou non) or la démocratie c’est d’abord la délibération puis le vote.
  • Cela pousserait à simplifier le texte (une loi-cadre). Seulement la nature a horreur du vide et ce que la loi n’aurait pas précisé serait dans le domaine réglementaire, celui du gouvernement, qui ferait ce qu’il veut.
  •  Le parlement siège chaque année 9 mois pour faire la loi. Sans écarter la possibilité d’un RIC, il me parait exclu que cette production de la loi se fasse principalement par RIC[2], sauf à voter tous les dimanches sur des textes que les citoyens n’auraient pas le temps de débattre et avec une abstention massive.

Il est donc incontournable, comme dans toute démocratie que l’essentiel de la production législative soit le fait de la représentation élue[3] qu’il convient de restaurer.

3)En finir avec 1958 : place du parlement élu et contrôle citoyen

 De manière indissociable, il faut rétablir la place du pouvoir législatif, minée par la Vème République

a)En finir avec la suprématie présidentielle :

  • Le président doit perdre ce qui fait l’essence de son pouvoir : élection au suffrage universel[4], droit de dissolution, nomination du gouvernement.
  • Le véritable chef de l’exécutif doit être le Premier Ministre, élu par l’Assemblée nationale et responsable devant elle
  • L’Assemblée, maîtresse de son ordre du jour, doit retrouver tout le pouvoir législatif, elle doit redevenir représentative du pays (élection à la proportionnelle). La faible participation au vote législatif .affecte la légitimité de l’ Assemblée ; cela tient :
    • à la faiblesse de son pouvoir réel
    • au couplage avec la présidentielle qui en fait un vote secondaire
    • au scrutin majoritaire qui déforme sa composition à l’outrance

b) Le contrôle du peuple sur ses représentants

  • La critique est pourtant toujours là, au vu de 40 ans d’expérience, « ils promettent mais une fois élus, ils font ce qu’ils veulent », et cette critique est parfaitement fondée[5].
  •  Et il ne suffit pas de « virer » celui qui a failli à la fin de son mandat (ce qui est devenu usuel), il faut se donner les moyens de freiner, stopper ceux (quels qu’ils soient) qui engagent des décisions manifestement contraires à l’opinion majoritaire tout en affirmant : « on va vous expliquer » ou « vous verrez les résultats plus tard ». Si on veut empêcher cela, loin de toute recette unique toute une palette de leviers doit être activée
  • L’élection à la proportionnelle est une garantie pour empêcher qu’une majorité de godillots ait les mains libres (ce qui est le cas depuis 40 ans)
  • La procédure parlementaire doit être suffisamment longue pour que le débat soit véritablement mené : des navettes parlementaires et pas d’ordonnances, ou de 49-3. Tout cela laissant le temps[6] pour l’information et la mobilisation.
  • La durée du mandat législatif doit elle être raccourcie : 4 ans ? Faut il une seconde Assemblée , élue au suffrage universel par moitié à mi mandat de l’Assemblée tous les 4 ans[7] , et qui contrairement au Sénat actuel, pourrait bloquer temporairement des projets de loi .
  • Enfin le RIC , dans ce cadre, pourrait jouer un rôle dans ce contexte notamment par abrogation de textes à peine votés et qui posent problème à beaucoup : par exemple la loi travail, ou la suppression de l’ISF., où pour abréger si besoin le mandat de l’ Assemblée[8]

 En conclusion deux observations majeures

  • On ne peut faire l’économie d’un remodelage institutionnel majeur qui n’esquive pas la clé de voûte actuelle du système , la Présidence. Cela ne peut être le résultat d’un rafistolage mais d’un changement politique global.
  • Cette question doit être vue à la lumière de la société que l’on veut. Les deux Bonaparte avaient instauré un système autoritaire et plébiscitaire pour asseoir durablement le pouvoir de la bourgeoisie. De Gaulle en 1958 avait besoin d’avoir les mains libres dans sa politique de concentration du capital et aujourd’hui l’autoritarisme exacerbé de Macron est une tentative de réponse à la crise de plus en plus aiguë du capitalisme. Au contraire , toute politique véritable de transformation sociale, qui exige d’affronter pour de bon le capital, ne peut réussir que par une mobilisation populaire durable et large.

[1] on lit en titre d’un article de Médiapart «Les élus ont une peur panique de perdre la main sur l’agenda politique» comme s’ils avaient un quelconque pouvoir sur ce qui est la chasse gardée du chef de l’état et de sa garde rapprochée. Sidérant qu’un chercheur en Sciences politiques raisonne comme si nous étions sous la 3ème République https://www.mediapart.fr/journal/france/040119/les-elus-ont-une-peur-panique-de-perdre-la-main-sur-l-agenda-politique

[2] En Suisse, pays cité en exemple par beaucoup, l’essentiel de la production de la loi reste au parlement

[3] Certes il existe des pays où la représentation élue n’existe pas ou n’a pas de pouvoir véritable : cela s’appelle une dictature

[4] Cette question ne peut être éludée. Il est dommage que « L’avenir en commun » soit muet sur ce point

[5] Il serait pourtant plus précis , au lieu de parler en bloc « des élus » de désigner les majorités (droite ou PS, puis l’hybride LREM) qui ont eu les manettes

[6] Macron , a contrario, a bien compris cela en sortant ses ordonnances en plein été 2017

[7] L’avantage étant avec une élection intermédiaire de pouvoir sanctionner le pouvoir en place

[8] Cela suppose des conditions d’organisation rigoureuses (nombre de signataires, quorum), pour garantir le sérieux des propositions faites et éviter la multiplication des votes , source de confusion et d’avantage pour ceux dont les ressources financières sont illimitées

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