Qui est l’adversaire de qui
et quel est notre véritable adversaire ?
La campagne en cours autour des retraites agite beaucoup la notion d’équité pour opposer les uns aux autres.
- les retraités vis-à-vis des actifs
- les salariés moyens vis-à-vis des travailleurs pauvres, les chômeurs
- les fonctionnaires vis-à-vis des travailleurs du privé
A chaque fois , les difficultés pour les uns sont exclusivement renvoyées aux « privilèges » des autres et disparaissent du tableau les oligarques du Cac 40 et ceux qui dans la haute fonction publique , parmi les politiques et parmi les éditorialistes leur servent la soupe , tout ce beau monde se retrouvant aux dîners du Siècle.
Cela renvoie à une manière de voir où tout le monde est le privilégié de quelqu’un (à moins d’être un travailleur bengali) et doit en conséquence se résigner à une situation dégradée.
Cela mérite d’examiner la réalité des avantages incriminés, replacés dans leur contexte et de rechercher qui sont les vrais privilégiés
- les retraités :
Leur niveau de vie moyen est de 92 % des actifs, il y a évidemment des retraités riches mais c’est un problème de redistribution fiscale comme pour les actifs. Et la référence aux retraités « aisés » maniée par d’aucuns est passablement frelatée : pour l’Insee , on est « aisé »(1% de la population ) si on dépasse 7500 € par mois. Pour le gouvernement (et pour le rapport Moreau sur les retraites), on est aisé si on paie l’impôt sur le revenu ….et à un peu plus de 1200 € par mois pour un couple, on est imposable !On attend avec impatience que nos ministres et Mme Moreau s’appliquent cette définition de l’aisance.
2. la retraite , public, privé , reference au salaire:
- Les taux de remplacement sont équivalents(contrairement à ce qui est ressassé) pour le public comme pour le privé même si les mécanismes de calcul sont différents.
- Il est vrai qu’en moyenne , la retraite de la fonction publique d’état est plus élevée mais c’est la traduction de salaires moyens plus élevés , sur la base de qualifications plus élevées(d’ailleurs prises en compte de manière très incomplète dans certains secteurs : enseignement , santé).
- les retraites doivent elles avoir comme référence le salaire d’activité ? ma réponse est oui dans la mesure où la retraite est un salaire continué qui est du en fonction du travail effectué. Mais les années d’étude, les périodes de chômage doivent être pleinement prises en compte.
3. doit on reconnaître les qualifications par le salaire ?
Ma réponse est oui sinon nous n’aurons plus d’ingénieurs, de médecins, d’enseignants.
Oui, pour le bien être de tous, il faut une hiérarchie salariale.
Il est absurde de traiter de privilégié un ingénieur qui va gagner 3000 ou 4000 €
- Une société qui demain s’efforcera de répondre aux besoins de la population par la production de biens utiles, par la réalisation d’infrastructures, par le développement des services publics aura besoin , beaucoup plus qu’aujourd’hui, de la contribution active de travailleurs de plus en plus qualifiés, de scientifiques, de chercheurs, de cadres .
- Cela ne s’oppose absolument pas à la nécessité d’augmenter fortement le Smic et les bas salaires, le minimum retraites, et de développer des garanties universelles notamment sur la santé, sur l’accès aux services publics.
4. Les acquis sociaux sont une chance pour tous
Des disparités existent, en fonction des rapports de force anciens et actuels. L’objectif doit il être de dénoncer les acquis au nom d’une égalité par le bas pour tous ou d’agir pour un rapprochement des situations vers la référence la plus favorable ?
- Si on croit que les régressions sont inéluctables, on se résignera à un alignement vers le bas. Les salariés ne feront que s’opposer entre eux et au final ils perdront tous.
- si on pense, ce qui est mon cas, que les « réformes » que l’on veut nous imposer n’ont pour motivation centrale que la rapacité illimitée du capital et qu’il faut non pas moins mais plus de droits sociaux, les acquis de certains sont un point d’appui pour tous .
- Les employés du chemin de fer, les typographes ont bénéficié de retraites bien avant les autres et l’action des autres travailleurs n’a pas été de dénoncer ce « privilège » mais d’en demander la généralisation.
5 . l’oligarchie : des revenus plus qu’indécents
- à partir d’un certain niveau, les revenus, qu’ils s’agissent de revenus du capital ou de « salaires » (mais dans ce cas, il s’agit uniquement d’habillage juridique) n’ont plus de justification réelle , quant à leur utilité sociale .et quant au travail fourni.
- Certaines activités, pourtant grassement payées n’ont aucune utilité pour le bon fonctionnement de la société : les traders au service de la spéculation financière, les avocats fiscalistes au service de l’optimisation fiscale, nom poli pour la fraude fiscale.
- Pour les Pdg des grandes entreprises , pour des cadres dirigeants, la hiérarchie salariale ne traduit plus une qualification, une utilité sociale, mais une hiérarchie des rapports sociaux :les très hauts salaires , dans les grandes entreprises, dans la finance, ne traduisent pas le travail (quel travail peut justifier un salaire mensuel de 50000, 100000, 200000 € ?) mais la garantie que le Pdg ou le cadre dirigeant agira à chaque moment dans l’intérêt du capital , pour maximiser les dividendes et réduire autant qu’il est possible la part des salariés (les vrais).
- A ce niveau , le salaire ne paie pas le travail effectif de direction (qu’il ne s’agit pas de nier) mais une activité mercenaire qui trop souvent s’exerce non pas à l’avantage mais au détriment de l’entreprise et de ses travailleurs , citron que l’on jette après l’avoir pressé
- Les éditorialistes qui prêchent partout la même chose (« faire des efforts » , « l’Europe qui protège » , « on vit au dessus de nos moyens ») , les économistes en service commandé (qui sont aussi administrateurs de banque ) , certains hauts fonctionnaires relèvent du même système . Il s’agit de récompenser ceux qui ont servi les bons intérêts par des salaires plus que généreux ou par un pantouflage opportun dans le privé (Pérol, Richard)
Et nos oligarques dénoncent sans relâche le conducteur de la Sncf , l’enseignant , le travailleur en CDI responsables par les « rigidités » qui les « protègent » du sort des plus pauvres.
Mais les mêmes expliqueront dans la foulée qu’augmenter le Smic serait une tragique erreur , que d’ailleurs le Smic lui-même est la pire des erreurs et que si les chômeurs sont au chômage , c’est parce qu’ils ne recherchent pas assez un emploi et pas parce qu’on licencie en masse.
6. écrêter les très hauts revenus , augmenter les salaires pour sortir de la crise
- Il faut augmenter très fortement la fiscalité sur les très hauts revenus : Roosevelt, qui n’était pas un « rouge », avait créé une tranche à 91 %, les capitalistes américains n’en sont pas morts.
- Une très large partie de ces revenus ne sert à rien. Dans la conjoncture actuelle,ils sont peu réinvestis, les perspectives de vente étant peu brillantes (résultat de l’austérité imposée par nos oligarques !).Ils servent à une consommation de luxe, largement parasitaire et nourrissent surtout la spéculation et les bulles de demain. C’est pourquoi la revendication d’un salaire maximum est complètement d’actualité ; le Front de Gauche a mis en avant un écart de 1 à 20 , ce serait un premier pas.
- on pourrait ainsi commencer à réorienter les ressources aujourd’hui stérilisées vers les salaires, vers les services publics, vers les dépenses sociales.
- A la place de la spirale de dépression actuelle (austérité = moins de dépenses publiques et privées = moins de demande = plus de chômage = moins de recettes =encore plus d’austérité) on peut substituer une spirale vers le haut (augmentation des salaires, des dépenses publiques = plus de consommation =plus de demande = reprise de l’emploi= hausse des recettes)
Rien ne se fera sans lutte : nos oligarques monopolisent tous les pouvoirs, politiques économiques, médiatiques. Unis sur l’essentiel au delà d’oppositions de façade, ils s’y entendent pour semer la division, en utilisant habilement toutes les situations qu’ils ont créées.
Tout recul social imposé à un segment de la société est utilisé pour expliquer aux autres qu’ils doivent à leur tour accepter des dégradations au nom de la « justice »(qui curieusement n’implique jamais nos oligarques), en terme de retraite , de salaire, de nature du contrat de travail. S’ils agissent ainsi, c’est qu’ils savent bien que la convergence politique et sociale des 99% qui souffrent de leur politique suicidaire pour notre société peut tout changer , et donner la force pour construire ensemble une société plus juste et plus humaine.
Pour eux, leur monde est intangible et beaucoup le croient, ce qui est leur chance.
Mais rien n’est intangible : il y a un peu plus de 200 ans , nos ancêtres l’ont montré en mettant à bas l’oligarchie de leur temps. à nous d’être dignes de leur exemple.