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Billet de blog 27 novembre 2014

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Croissance, décroissance … et la satisfaction des besoins sociaux ?et le capitalisme ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La crise du capitalisme mondialisé est aussi une crise écologique : les inquiétudes sont vives et justifiées sur l’impact sur l’environnement, sur le réchauffement climatique, sur l’épuisement possible des ressources .En même temps, dans un contexte de remise en cause de 70 ans d’acquis sociaux, la crise de notre société est d’une extrême violence.

 Des concepts sont mis en avant par beaucoup : « productivisme », « règle verte », « décroissance », « sobriété énergétique ».Ces concepts restent trop souvent flous et ambigus sur les propositions faites et leurs implications .En réalité la question est  politique et  porte sur le type de société que nous voulons construire pour notre pays

 Croissance ou décroissance et si le problème n’était pas d’abord le capitalisme ?

 I La croissance capitaliste est  de plus en plus une impasse

  • Les critiques de la croissance actuelle, de ses gâchis, de ses limites sonnent juste. Le PIB ne mesure que très imparfaitement la satisfaction réelle des besoins humains et incorpore comme des actifs tous les gâchis du développement. La croissance en soi ne garantit pas mécaniquement le progrès social : l’exemple type se situe aux Etats Unis où malgré une forte croissance depuis 30 ans, le salaire médian n’a pas progressé : cette croissance là a profité aux 1 % les plus riches.
  • Cela c’est le capitalisme : l’attribution des ressources entre les activités possibles  ne se fait pas en fonction de leur utilité pour le plus grand nombre mais de la capacité à générer profit et accumulation à court terme. Cette logique court-termiste s’est accentuée avec le triomphe du néo libéralisme, la financiarisation, la mise au rebut de l’état et de la dépense publique : les investissements de long terme, pourtant cruciaux, sont négligés, au nom du profit immédiat

 II La décroissance : une solution ?

Peut-on réduire notre production globale et en même temps répondre aux besoins ?

  • Le salaire moyen est un peu au  dessus de 2000 €, le salaire médian à 1650 €. peut on en rester là ?
  • Des besoins considérables existent en matière d’investissements et d’infrastructures : énergie, transports, isolation des bâtiments. Des services publics comme l’éducation la santé, les transports ont besoin de ressources largement accrues.
  • L’urgence est à l’augmentation des salaires, à la création d’emplois dans le public et le privé, à sortir des millions de travailleurs de l’étau de la pauvreté. Ces ressources nouvelles pour les salariés les conduiront à une consommation accrue en quantité et en qualité, par le biais de leur dépense privée (alimentation, logement…) comme de l’accès aux services publics (éducation, santé, transports)
  • La production doit être à même de répondre à cette demande nouvelle tout en évoluant pour répondre aux besoins prioritaires avec une part croissante accordée à la qualité : le smicard doit pouvoir manger un poulet fermier plutôt qu’un poulet élevé en batterie, pouvoir changer sa voiture pour un modèle plus économe et qui pollue moins.

La relocalisation de la production doit aussi conduire à son accroissement .

  • Sans réponse adaptée de la production, notamment industrielle , les avancées sur les services publics , les progrès sociaux, se traduiraient par des achats massifs aux allemands ou aux chinois , avec à l’arrivée l’explosion du déficit déjà considérable de notre balance du commerce extérieure. Cela condamnerait (comme en 1983) toute expérience de transformation sociale.
  • la décroissance, que ses promoteurs le veuillent ou non, cela signifie l’affaissement de la demande, encore plus de désindustrialisation et la récession. Quelle différence avec les politiques de l’offre qui ravagent l’Europe du sud  aujourd’hui ?

 III  Une  autre croissance pour les besoins , libérée de la logique du capital

  • le moteur de l’économie  doit être  un choix collectif sur une définition des besoins prioritaires et des objectifs et moyens de production pour y parvenir, et non plus le profit, cela implique la maîtrise publique des grands moyens de production et d’échange. Construire une société qui ménage notre environnement, nos ressources, et qui réponde aux besoins de notre peuple n’est possible que dans une perspective socialiste (ce terme n'ayant évidemment aucun rapport avec le parti qui l’usurpe aujourd’hui)
  • cette perspective ne nie en rien , bien au contraire, la liberté de chacun et la notion de choix privé sur l’endroit où se loger, la manière de manger, l’achat ou non de tel ou tel produit ….:Il ne s’agit pas de ressusciter la commune populaire chinoise.
  • Il s’agit d’une autre croissance , qui ne se limite plus à produire n’importe quoi pourvu que cela se vende et apporte des dividendes, la logique des besoins doit remplacer la logique du capital mais cela passe par le travail et la production.
  • Il y a bien une ambiguïté redoutable de vocabulaire sur le terme « croissance » . La croissance actuelle comme la décroissance  sont des concepts qui esquivent l’essentiel du problème : l’accumulation du capital. Ce qui renvoie à l’affrontement de classes : qui domine et décide, les capitalistes ou le peuple en fonction de ses besoins ? Le terme de croissance sociale  ou de croissance socialisée[i] pourrait être une esquisse de réponse.

 Combien de temps pour parvenir à tout cela ?

  • il s’agit d’un processus long, on ne transforme pas tout l’outil de production, on ne se libère pas du capitalisme en 2 ans ou 5 ans, mais dans l’hypothèse d’arrivée au pouvoir de la vraie gauche, il s’agit à la fois de répondre à l’urgence pour sortir de la crise et de s’appuyer sur un horizon, une perspective de transformation progressive et radicale de notre société.
  • Il s’agit de lutter contre les fatalismes de tous ordres, qui nous présentent  l’Europe actuelle, la mondialisation, et les reculs sociaux qui en découlent comme un phénomène naturel susceptible au mieux de quelques aménagements cosmétiques.
  • Alors qu’il s’agit du résultat de politiques imposées par des forces (pour notre pays Ump et PS) au service des multinationales et qui sont susceptibles d’une totale révision si nous en décidons ainsi. « Tina »(Thatcher : « il n’y a pas d’alternative ») n’est pas une fatalité à condition de se débarrasser de Thatcher et de ses clones (pour notre pays Sarkozy et Hollande étant les derniers exemplaires connus) et d’esquisser une alternative non seulement dans son principe mais aussi dans son contenu.

 Questions complémentaires

 1)qui décide des priorités dans la production et la satisfaction des besoins. ?

Cela implique un immense processus démocratique et la socialisation ,plutôt que l’étatisation des secteurs clés de l’économie. la grande difficulté est que cela ne s’est fait nulle part sur une grande échelle, encore qu’à la Libération la création de la sécurité sociale , les nationalisations, dans les secteurs de l’énergie , de la banque, des transports traduisaient les priorités de l’époque dans un processus où par contre l’intervention des travailleurs est restée bien trop limitée, ce qui a ouvert ensuite la route aux dévoiements et aux retours en arrière

2)  l’épuisement des ressources ?

  • Il faudrait d’abord savoir de quelles ressources on parle, à quelle échéance et selon quelles techniques. personne n’est en état d’en faire un inventaire même approximatif. Certaines ressources sont abondantes, d’autres posent problème à une échéance rapprochée. Certaines ressources sont disponibles en France, d’autres pas[ii].
  • Il convient d’en tenir compte d’une manière générale en évoluant vers des techniques de production qui économisent les matériaux et  en fabriquant des produits d’une plus longue durée de vie. Si, à la place d’un frigo qui dure 5 ans je n’ai qu’un demi frigo cela s’appelle du rationnement, si ce frigo  dure 10 ans au lieu de 5 ans , il y a économie en matériaux pour une valeur d’usage qui augmente.

 3)  les « grands projets ».

la mode actuelle est à la dénonciation indistincte des « grands projets inutiles ».

  • il y a bien une situation de gâchis à la fois avec certains investissements sur-dimensionnés ou qui donnent lieu à des dérapages financiers considérables.
  • mais au cœur de cela, il y a encore le capitalisme , et non pas la taille du projet. Pour les géants du BTP, ce qui compte évidemment, ce n’est pas l’utilité de la réalisation, mais la masse de profit apporté, au travers de mécanismes toujours plus pervers (Partenariat publics privé qui font exploser les coûts à terme)
  • on en revient à la définition collective et publique des besoins avec un contrôle strict des travaux et des coûts (ce qui implique pour l’état et les grandes entreprises publiques d’avoir les compétences voulues en interne et de ne pas s’en remettre aux prestataires : in fine, la réduction de l’emploi public coûte très cher par les gâchis qu’elle autorise)ce terme n(ayant évidemment aucun rapport avec le parti qui l’usurpe aujourd’hui
  • attention à ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. nous avons besoin d’investissements de grande portée sur le long terme, notamment en matière  de transports (voies ferrées, voies d’eau). certaines critiques, par exemple sur le TGV convergent de fait avec les logiques libérales (Cour des Comptes, Macron) de refus des investissements nécessaires. La formule Macron « Le TGV pour les riches (avec une hausse des tarifs) et les autocars pour les pauvres »signifie une mobilité à plusieurs vitesses. A l’inverse, il faut investir pour le transport de voyageurs, aussi bien TGV que TER , transports urbains et le fret ferroviaire.
  • Tout cela implique des investissements lourds, rentables seulement à long terme, et que seul l’Etat peut faire [iii]en dernier ressort. Voilà qui explique sans doute le refus de principe de certains , par peur de devoir admettre que ce type de projet implique le retour de l’état et même plus, le dépassement du capitalisme.

4) le « partage du travail » : de quoi parle t on ?

la réduction du temps de travail est avancée par beaucoup comme une solution pour l’emploi mais comment ?

  • on peut réduire le temps de travail et les salaires au prorata (cela est beaucoup pratiqué en Allemagne). dans ce cas, la masse salariale est inchangée, et le salaire moyen baisse. C’est un partage de la misère qui en soi ne touche en rien au capital et au profit.
  • on peut aussi réduire le temps de travail et maintenir le salaire existant (ce qui signifie augmenter de ce fait le salaire horaire)  Alors, avec des salaires individuels maintenus et plus de travailleurs, la masse salariale augmente. Dans ce cas, l’augmentation de la masse salariale doit être accompagnée par une hausse de la production et de la productivité pour qu’aux salaires distribués, correspondent des biens accrus en conséquence[iv].. Au stade où en est le capitalisme, il ne peut plus se permettre cette seconde option (évidemment favorable aux travailleurs)[v].Aller dans ce sens implique de remettre en cause la mainmise du capital.

 5) la redistribution des richesses suffit elle à tout ?

  • il faut évidemment dans un 1er temps modifier le rapport salaires profits à l’avantage des premiers, faire une grande réforme fiscale, établir un revenu maximum. mais ce n’est qu’un élément de la transformation de la société : cela impulsera aussitôt le redémarrage de l’activité dans la mesure où les salariés petits et moyens consommeront leur acquis à l’inverse des 1% qui stérilisent une part importante de ce qui leur revient (spéculation, luxe)
  • mais peut on, sur le moyen et  long terme  satisfaire les revendications sociales , développer les services publics, investir pour l’industrie et les infrastructures de demain sur une simple redistribution des ressources actuelles ; c’est très douteux[vi], et en cela la croissance décrite en III est indispensable.
  • sortir  de la crise, dépasser le capitalisme, ce n’est pas seulement « prendre aux riches » (même s’il faut le faire) c’est remettre en cause  les rapports de production actuels qui rendent le capital tout puissant et qui mènent notre société dans l’impasse

6) tout cela est il possible dans le cadre actuel de l’UE ?

  • Reprendre la main sur nos besoins, maîtriser dans ce but la production implique de revenir en partie sur la mondialisation  et de lutter contre le dumping social et environnemental. Rien de cela n’est possible dans le carcan actuel des traités européens qui sacralisent le libre échange, et la libre circulation des capitaux (c'est-à-dire la spéculation financière et la fraude fiscale), et pour qui l’intervention de l’état, les droits sociaux sont une entrave intolérable à la concurrence  libre et non faussée[vii].
  • En France, comme dans les autres pays nous devons retrouver la liberté de décider, la souveraineté populaire aujourd’hui confisquée par les états et par la commission de Bruxelles, les uns et les autres féaux des transnationales[viii]  Cela n’implique en rien l’autarcie et cela n’empêche pas bien au contraire de développer les coopérations avec d’autres pays

[i] au sens de maîtrise sociale, pas seulement de politique sociale

[ii]             une prochaine note sera consacrée aux questions de l’énergie

[iii]            on peut se référer au développement des chemins de fer au 19ème siècle qui a exigé dans tous les pays (et notamment aux Usa temple de l’entreprise privée) une intervention forte et réitérée de l’état

[iv]            La réduction générale du temps de travail depuis le XIX ème siècle s’est accompagnée d’une hausse de la production, de la productivité et des salaires : à l’époque déjà les patrons clamaient que la journée de 10 heures était une folie

[v]             c’est en cela que la social-démocratie est devant une impasse historique :auparavant , il était possible d’avoir un progrès social en restant dans le cadre capitaliste. ce n’est plus le cas.

[vi]            d’après l’Insee, les revenus du 1 % les plus riches représentent environ 8 % des revenus globaux. Si on leur « prend tout », cela fait une masse appréciable mais on est loin de couvrir l’ensemble des besoins

[vii]            voir le sens des « réformes » débattues par notre gouvernement avec Bruxelles(et certainement pas avec le peuple)

[viii]           la personnalité du nouveau président de la commission est tout un symbole : l’homme d’un paradis fiscal à Bruxelles

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