Si la pelleteuse met effectivement en œuvre le mouvement salutaire de nettoyage, l'éloignement est préparé par certains actes – et non-actes – administratifs.
La semaine dernière, nous nous rendons au CCAS (Centre communal d'action sociale) de la commune de Grigny, structure compétente pour accorder une adresse administrative –- dite "domiciliation" – à quelque sans-abri que ce soit établi sur le territoire de la commune. Nous nous y rendons avec trois personnes du bidonville de la Folie qui ont un besoin crucial de telle adresse : nécessaire pour faire valoir ses droits civiques comme sociaux, elle l'est tout autant pour signer un contrat de travail. L'accueil est glacial : les trois personnes restent à la porte du bureau de la responsable du CCAS, bureau que seuls nous avons l'autorisation de pénétrer.
Là, un dialogue invraisemblable.
Nous : "Ces personnes souhaitent obtenir une adresse administrative à Grigny".
Elle : "Elles doivent avoir une carte de séjour, l'autorisation de vivre ici".
Nous : "Depuis janvier 2014, ce sont des Européens comme vous et moi".
Elle : "Vous me l'apprenez. Mais le Maire a de toute façon demandé qu'il n'y ait plus de domiciliation accordée aux Roms".
Nous : "Qui vous dit qu'ils sont Roms ? Tout ce que nous savons c'est qu'ils vivent dans le bidonville de la Folie".
Elle : "Le Maire a dit qu'il n'y aurait plus de domiciliation pour les personnes vivant en bidonville".
Nous : "Considérons qu'ils sont sans-abri si vous le voulez bien ?".
Elle : "Écoutez, le Maire ne veut pas être envahi, car ça va coûter cher à la Mairie qui est pauvre. Vous n'avez qu'à attendre que la Mairie change aux prochaines élections".
Nous : "??!".
Nous sommes repartis avec, sous le bras, notre colère en sourdine, et, dans la tête, le texte de loi, en l'occurrence n° 2007-290, précisant qu'un CCAS ne peut refuser l'élection de domicile de personnes sans domicile stable qui en font la demande que si ces dernières ne présentent aucun lien avec la commune. Sans doute devons-nous assaillir le CCAS des preuves que nous avons : des milliers de photos, 40 CV, des films, des textes, des dizaines de témoignages.
À moins que l'on entende mieux ce que dit la loi : que c'est à la Mairie de prouver que les liens sont inexistants.
Et que l'on entame une procédure contre celle-ci.
Des membres du PEROU : plus de vingt-cinq ce week-end
venus construire de nouveaux rapprochements avec la ville
(Grigny, 8 février 2014)
(Journal de PEROU http://perou-risorangis.blogspot.fr/