Alors qu'Amnesty international appelle en vain à interpeller l’État sur ses responsabilités en matière d'asile, la loi scélérate sera indubitablement votée mardi prochain, comme l'a été, dans l'assourdissant silence des medias, la sinistre loi sur le renseignement que dénonce ici très justement notre ami Gilles Devers.
Le rapport du Défenseur des Droits sur Calais relève qu'il n'est pas entendu par les autorités publiques et que, je le cite : "L'humanitaire ne saurait suffire"... Qu'un organisme institutionnel le reconnaisse en dit vraiment très très long sur ce qui est en train de se jouer !... Nul ne peut plus rien.
Les instances officielles sont résolument déterminées à pourrir les gens sur place, les exilés, leurs soutiens, et les bénévoles. Je parle à la 1ère personne du singulier pour mieux exprimer l'universalité du tragique isolement où nous nous trouvons tous piégés ! Il ne s'agit pas d'une position relative propre à la psychologie de chacun. Oh là non !... Il nous suffit d'ouvrir les yeux.
À qui me dit : « Mais quoi ?... tu veux laisser les gens à la rue ? » je réponds : « Ils y resteront quand même ! »
Ils y resteront, ou bien ils seront enfermés en centres de rétention, ils seront dispersés dans des « hôtels d'urgence » pour deux ou trois jours avant d'être à nouveau rejetés, ils resteront à la rue ou bien ils mouront de faim, de froid et d'abandon. Ils resteront à la rue ou bien ils seront expulsés, déplacés vers d'autres horreurs, d'autres camps, d'autres rues...
Regarde, regarde bien, toi qui veux aider : Oui, venir soutenir dans la mesure de ses propres moyens tout ce qu'engagerait de fait un État respectueux des droits humains, j'y consentirais, oh oui, cent fois oui, j'y participerais, j'y donnerais toute mon énergie, oui, avec ma conviction renforcée par les mesures gouvernementales et une conviction, tu peux croire, renforçant chaque mesure qui serait justement favorable à l'accueil. Mais, voilà, la triste réalité, nous sommes rigoureusement dans le cas de figure absolument inverse.
Il ne s'agit pas, pour les personnes et les assos humanitaires, de venir en renfort d'un État qui remplit ses obligations, oh non ! Hélas !
Non, il s'agit, pour Emmaüs, la Croix rouge, Solidarités citoyennes, de se substituer à l'État, d'en remplir les manques et les défaillances, et même pire !... de jouer les chiens de meute qui ne laissent pas un seul espace de libre. C'est le grand nombre des malheureux qui se laissent guider par eux qu'on peut plus malléablement encore livrer dociles aux mains des rafles policières, des contrôles musclés, des destructions manu militari des abris et des fournitures données par les bonnes volontés.
Non seulement notre action tombe dans le tonneau des Danaïdes de la répression constante des autorités, mais, de plus, notre propre crédulité envers les orgas humanitaires perpétue le système répressif lui-même, et le conforte et le stimule. C'est consternant, tant de féroce cynisme au nom de droits pourtant bafoués par tous, par les préfectures hostiles et par les ONG paternalistes. La béatitude des médias à ce sujet est complice de l'endormissement de la vigilance de l'opinion publique qu'on manie à coup de phrases lapidaires sur les comptoirs de tous les cafés du pays et à longueur de spots dans les radio-télés.
Pas plus que pour le 11 janvier, il ne faut les laisser aliéner nos consciences.
Ce n'est pas que je sois trop faible devant ce ras de marée bête et méchant, c'est surtout que je me sentirais mort à me laisser emporter par ce courant de médiocrités envahissantes qui affluent de toutes parts au nom d'une pseudo « efficacité humanitaire » (sic) rendue pourtant totalement impossible par ceux-là mêmes qui la produisent et qui en vivent.
Je voudrais bien recommander les appels à secours des bénévoles, mais, là, non ! c'est trop dur, leurs systèmes où s'écrasent schizophrénétiquement toutes les meilleures volontés, toutes, toutes, toutes.
Trop dur de voir les bénévoles servir de filtre aux administrations qui accepteront au cas par cas les plus souples et dociles, les plus intéressants des cas présentés.
Trop dur de mettre son énergie à replâtrer ce qui est du rôle de l'État et que l'État ne fait pas (pire, non seulement l'État ne remplit pas son rôle de protection des populations sinistrées, mais, de plus, l"État s'acharne contre les sinistrés et leurs soutiens).
Trop dur de savoir que nos petits gestes ne suffiront jamais jamais jamais à résorber toute cette accumulation de désastres humains. Trop dur de savoir que notre sens de l'humanité va s'absorber et s'anéantir contre le refus intégral de toute écoute de la part des pouvoirs publics qui ont créé cette situation et qui l'entretiennent.
Trop dur de voir les bonnes volontés trompées, détournées de la seule unique solution efficace : L’ÉTAT !
Trop dur de savoir que toute cette énergie que les uns et les autres mettent à l'impossible, à cette impossibilité radicale de fait à parvenir à aider vraiment les demandeurs d'asile, toute cette immense énergie est une goutte d'eau dans l'océan de la volonté des pouvoirs en place de continuer leur œuvre mortifère commencée avec le pillage des pays anciennement colonisés, avec la corruption de leurs élites par nos grandes entreprises, avec l'accaparement de leurs terres par nos nervis et nos forces armées, et que tout ça passe à la trappe à la rubrique PERTES ET PROFITS DU CAPITALISME VICTORIEUX.
Trop dur de savoir que pendant que nous nous démenons à secourir les malheureux, les pouvoir préparent la loi sur l'asile dont personne ne parle et qui sera pire comme est pire la loi sur le renseignement votée la semaine dernière sans qu'aucun média ne frémisse.
Trop dur de savoir que toute cette agitation sert à nous accaparer pour nous détourner de la seule chose à faire : RÉCLAMER À L’ÉTAT D’ARRÊTER AVEC LES PERSÉCUTIONS ET DE METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE PLAN D’ACCUEIL DES POPULATIONS EN DANGER À NOS FRONTIÈRES.
Jean-Jacques M’µ
