Il s'appelle Marc, il est Québécois, il suit avec intérêt les projets éditoriaux d'ABC’éditions. Je l'avais presque oublié ces derniers temps dans le maelstrom de ma vie qui me ferait ne plus penser au train du monde et des horreurs provoquées par la frénétique course aux profits d'un système mondialiste pourtant des milliers de fois criminogène.
Ce mercredi 10 juillet, avant-hier, mon ami Stan, au détour d'une conversation, m'apprend que dans une ville dont j'ignorais jusqu'alors le nom un train de produits inflammable avait glissé jusqu'au centre urbain pour exploser... et qu'au-delà de la tragédie humaine, les autorités et la presse s'efforcent comme à l'ordinaire d'échapper à leurs responsabilités décisionnelles, en individualisant les causes, en chargeant les défaillances humaines ou techniques, en culpabilisant les victimes...
La nuit, impossible de dormir en pensant à l'ignominie des systèmes dominants : la Chine contre sa propre population, ou contre celle du Tibet que le géant asiatique colonise inexorablement ; et le Japon avec le sinistre exemple de Fukushima ; la Russie de même au-delà de Tchernobyl ; et de même l'Inde avec l'accaparement des terres ; de même le féminicide au Mexique ou l'extermination des peuples autochtones en Amérique du Sud ; ou une grande part des pays africains ; et l'Europe, la prédatrice Europe, encore et toujours à l'affût avec ce terrible projet de marché transatlantique qui va réduire à la très grande pauvreté la plupart de nos contemporains en leur supprimant les services publics...
J'écris. Je passe ma nuit à écrire dans les réseaux ma colère au sujet de ceux qui planifient non seulement notre désastre social et humain, mais aussi, pire que tout, celui de la nature, de la terre entière et de toute vie possible, de l'eau, de l'air... Je repense alors soudain à l'ami Marc et je lui envoie un bref message de soutien.
Voici sa réponse.
Jean-Jacques M’µ
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Cher Jean-Jacques,
Ton mot sympathique est d’autant plus pertinent que toute la famille du côté de ma mère est de Lac-Mégantic, le lieu de la tragédie. Ma mère habitait la Ville de Québec lors de son décès l’an dernier. Mes frères et sœurs résident à Québec depuis 1960. Dès notre enfance, nous allions en vacances à Lac-Mégantic. Nous prenions le train en famille pour aller à ce qui nous apparaissait au bout du monde, de Magog à Lac-Mégantic, à 100 km seulement. C’était la fête pour nos coeurs d’enfants ! J’y étais, il y a quelques années à peine.
Une nièce d’un de mes oncles y a laissé sa vie. Son logement était situé, semble-t-il, dans le premier bâtiment de ‘‘Ground Zero’’. Au cœur du cœur de l’explosion d’apparence ‘‘nucléaire’’ ma foi. Le frère d’une de mes tantes y aurait perdu sa maison, a pu échapper aux flammes in extrémis avec sa famille en courant pour sauver leurs peaux. Deux de mes cousins sont toujours ‘‘déplacés’’. Leur logement respectif inaccessible se situe au cœur de la zone sinistrée, dite zone rouge, à environ 100 mètres du point d’impact de l’accident et, par chance, apparemment moins touchée par le désastre.
La zone dévastée est, disons, du côté sud de Ground Zero dans un angle en pente, la loi de la gravité faisant son œuvre vers le sud (déversement du pétrole) et non vers le nord plus ‘‘sur-élevé’’. Il faut savoir que Lac-Mégantic est pratiquement situé dans une cuvette, relié par trois routes principales qui ‘‘descendent’’ toutes (du haut vers le bas, vers le centre de la ville), tout comme la voie ferrée qui ‘‘descend’’ vers le centre, d’ailleurs, pour se faire une idée de l’ampleur de la catastrophe. Ma tante Odette, une personne magnifique, gardait six de ses petits enfants lors de la tragédie. Elle a été déplacée elle aussi avec les enfants étant dans un des périmètres à risque, tu imagines... Et ainsi de suite. Je vais lui parler dans les prochaines heures. Et dire que ma famille est une histoire parmi tant, mais tant d’autres victimes en bout de ligne de cette folie ‘‘rentable’’ à laquelle tu fais allusion dans ton message.
C’est une petite ville magnifique et je confirme que la population y est fort sympathique. Toute la famille de ma mère, notre famille de Lac-Mégantic est sympathique. C’est du bon monde, encore et toujours, que nous aimons.
Toujours est-il, en effet, que la situation que je qualifierais de ‘‘néolibérale’’ de l’‘‘affaire’’ est une question qui m’intéresse au plus haut point. Pour en arriver là, du global au local, à Lac-Mégantic avec ses 50 mortalités estimées et ses effets multiples à tous les niveaux. Je regarde cela de près, au-delà de ma peine, de notre peine.
Merci Jean-Jacques de tes bons mots qui me touchent, en effet si pertinents dans les circonstances sans que tu saches que ma propre famille ‘‘élargie’’ est en plein cœur de ce drame humain sans précédent qui, de toute évidence, aurait pu être évité. Mon petit doigt me dit qu’il y aura des accusations de négligences criminelles portées suite à l’enquête policière Je dirais même que c’est la moindre des choses sachant la difficulté de prouver ceci et cela. Les pirouettes légales avec ses méandres juridiques, ses labyrinthes ne suffiront pas, à mon sens, aux ‘‘coupables’’ potentiels pour échapper ‘‘légalement’’ à ce triste drame ‘‘inhumain’’. Mais cela reste à voir !
Tu imagines la chose : un train de ‘‘marchandises’’ à haut risque de 72 wagons citernes remplis de pétrole dévale à toute allure, sans pilote à bord, vers Lac-Mégantic environ 12 km plus loin. Pour conséquences : une catastrophe humaine, matérielle, environnementale, économique, écologique, politique et sociale d’une envergure sans précédent dans notre coin du Monde. Quelle symbolique, n’est-ce pas ? Un train de ‘‘marchandises’’ ‘‘rentables’’ qui tuent en cours de route ! Circulez, il n’y a rien à voir.
On entend le pire à la télé, on lit le pire dans les journaux et sur Internet quant à la pauvre ‘‘façon de faire’’ de l’entreprise ferroviaire impliquée dans cette catastrophe et tout ce qui entoure cette question du transport de marchandises. Rationalisation à outrance, paraît-il. Du déjà vu.
Tout ça pour ça, en bout de ligne : l’appât du gain facile, abusif à mon sens, au risque de me tromper ! De l’argent encore et toujours !
En effet, il y a de quoi être indigné... encore, encore et encore une fois.
Quelle tristesse !
Bien amicalement,
Marc